Stéphane Valensi © Anne Dion

Stéphane Valensi et Roussillon célèbrent Samuel Beckett

Stéphane Valensi a repris, à la suite de Jacques Frantz, la direction artistique du Festival Beckett à Roussillon, focus sur l'édition 2023.

Stéphane Valensi © Anne Dion

De 1942 à 1945, Samuel Beckett s’était réfugié à Roussillon. Depuis 1999, le village lui rend hommage chaque été. Rencontre avec Stéphane Valensi, directeur artistique du Festival Beckett, qui fait le point sur ces rencontres autour du grand écrivain, poète et dramaturge Irlandais, prix Nobel de littérature en 1969.

© Anne Dion

Quelle est l’histoire du festival ?

Le Festival Beckett, créé en 1999, rend hommage à sa présence dans le Vaucluse pendant les heures sombres de l’Occupation. Ce fut un moment essentiel dans sa vie d’écrivain, car c’est à ce moment-là qu’il a décidé d’écrire en français. Il y a puisé son inspiration pour écrire En attendant Godot. Il a fallu attendre la parution en 1996 de la monumentale biographie de Beckett par James Knowlson pour mesurer l’importance qu’eut cette période dans la vie et l’œuvre de l’écrivain. Henri Vart, homme de théâtre et de cinéma accompagné d’Annie Joly et d’Henri Marcou, alors futur Maire de Roussillon, décidèrent de créer une association, La Maison Samuel Beckett, qui se donna pour but de racheter la demeure où vécut l’auteur, et d’y créer une maison d’écrivains. Des difficultés financières et administratives ont empêché que ce projet aboutisse. En 1999, un festival d’été fut créé pour maintenir la flamme beckettienne dans ce territoire d’exception.

Pour quelle raison en avez-vous repris la direction artistique ?
Festival Beckett © DR
Une soirée au Festival Beckett © DR

Henri Vart a programmé deux de mes spectacles en 2008 et 2012 (74 Georgia Avenue de Murray Schisgal et Maman revient pauvre orphelin de Jean-Claude Grumberg). Familier du festival, j’y ai rencontré Jacques Frantz, qui chaque année proposait la lecture d’une œuvre non théâtrale de Beckett. Au moment du décès d’Henri Vart en 2016, Jacques Frantz est devenu président de l’association et m’a proposé de poursuivre avec lui la direction artistique du festival. Depuis 2021, Marion Loran Vart est Présidente de l’association et je poursuis la direction artistique.

Quel est votre rapport avec ce grand auteur ?

Son humanité et sa rigueur me touchent. Je suis impressionné par le courage dont il a témoigné en tant qu’être humain et en tant qu’écrivain. Les totalitarismes s’attaquent à la langue autant qu’aux êtres. Son œuvre témoigne de la résistance à la corruption du langage. Il témoigne de l’essentiel, de ce qui est irréductible dans l’être humain. Il a révolutionné le théâtre et la littérature. C’est un humaniste, un résistant. Il célèbre la vie. Homme d’une très grande érudition, il a choisi de ne pas être un intellectuel. Il n’est pas dans le discours, il est dans la langue. Comme l’a écrit Deleuze, « créer ce n’est pas communiquer, c’est résister ». Son œuvre, réputée difficile d’accès, est pourtant parmi les plus représentées et commentées au monde. Et puis il y a son humour.  « Rien n’est plus drôle que le malheur », dit Hamm dans Fin de partie, « vous êtes sur terre, c’est sans remède ».

Comment élaborez-vous votre programmation ?
Penser qu’on ne pense à rien c’est déjà penser quelque chose de Pierre Bénézit © Sam Cornu
Penser qu’on ne pense à rien c’est déjà penser quelque chose de Pierre Bénézit, édition 2021 © Sam Cornu

Nous souhaitons entretenir la mémoire de Beckett à Roussillon et permettre à une nouvelle génération de spectateurs de le connaître et de l’aimer. Notre programmation se veut éclectique et exigeante. Nous programmons bien sûr essentiellement le répertoire du prix Nobel mais aussi d’autres auteurs contemporains qui s’inscrivent dans son sillage. Cette année, nous sommes particulièrement heureux d’accueillir, le 19 juillet, lAugmentation de Georges Perec dans la très belle mise en scène d’Anne-Laure Liégeois avec Olivier Dutilloy et Anne Girouard. La comédienne a déjà participé au festival en 2021, dans la pièce de Pierre Bénézit, Penser qu’on ne pense à rien c’est déjà penser quelque chose. Ces deux dernières années, Beckett a été particulièrement à l’honneur sur les scènes de théâtre. Nous sommes fiers d’avoir accueilli deux productions majeures qui ont marqué cette saison théâtrale. Après, En attendant Godot, dans la mise en scène magistrale d’Alain Françon l’année dernière. Nous recevons cette année une autre production éblouissante, Fin de partie dans la mise en scène de Jacques Osinski.

Cinéma, rencontres et rendez-vous sont également au programme…

Cette année nous inaugurons un partenariat avec la librairie Le Bleuet à Banon. Cette plus importante librairie en milieu rural, accueillera la soirée d’ouverture du festival, le 15 juillet. Marie Iemma-Jejcic, psychanalyste, y présentera son très bel ouvrage, Le métier d’être homme – Samuel Beckett, l’invention de soi-même. Frédéric Leidgens lira les quatre derniers chapitres de Textes pour rien de Beckett.
Nous retrouverons Marie Iemma-Jejcic à Roussillon le 18 juillet. Elle dialoguera avec Nicolas Doutey, auteur et grand spécialiste de Beckett qui a été le dramaturge d’Alain Françon pour ses mises en scène de Beckett et notamment En attendant Godot.

Fin de partie © Pierre Grosbois
Fin de Partie, mis en scène par Jacques Osinski © Pierre Grosbois

Le 20 juillet, Marin Karmitz, le grand producteur et exploitant de cinéma, nous fera l’honneur de sa présence pour une séance de cinéma en plein air. Il témoignera de sa rencontre avec Samuel Beckett en 1965, au moment où jeune réalisateur, il entreprend d’adapter pour l’écran la pièce Comédie. Nous projetterons deux autres de ses films, Nuit noire Calcutta (1964) d’après un scénario de Marguerite Duras et Étranger résident, réalisé en 2018. Une déambulation intime parmi des centaines de photographies, peintures, sculptures, dessins, installations et vidéos du XXe siècle, qui composent sa collection personnelle. Un film très émouvant, dans lequel Marin Karmitz raconte le siècle et se raconte lui-même. Étranger résident, comme le fut Beckett. Et enfin Rufus, grand familier de Beckett, qui habite Roussillon depuis plus de quarante ans, nous propose tous les matins à huit heures un rendez-vous confidentiel (vingt-quatre spectateurs), au pied du Campanile, avec son spectacle Les mots sont des trous dans le silence.

Qui est le public ?

Nous avons bien sûr un public composé de fidèles. Il y a ceux de la première heure, habitants de Roussillon et des villages avoisinants, mais également d’amateurs de Beckett. Ceux-ci viennent de toute la France et parfois de l’étranger.

Marie-Céline Nivière

Festival Beckett
Roussillon Provence (84220)
Du 15 au 20 juillet 2023

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