Il faut dire que plus nous avançons dans l’expérience de la vie, plus Oh les beaux jours de Samuel Beckett nous atteint. Winnie est une femme à qui plus personne ne prête attention. Alors, elle s’enfonce peu à peu dans sa solitude, espérant que chaque journée qui passe soit un beau jour !
Beckett a placé son personnage dans un lieu désert, presque apocalyptique. La métaphore est splendide. Winnie est enterrée jusqu’au cou. Ne pouvant plus bouger, Winnie occupe son quotidien avec des phrases lancées sans logique apparente. La parole est au centre de l’écriture du poète. Même les innombrables didascalies (indications de jeu), dont il a parsemé le texte, ont leurs mots à dires ! Rien n’est laissé aux hasards et il n’est pas question de les négliger. C’est là que réside toute la grandeur de cet admirable soliloque.
Véronique Boulanger est une admirable Winnie. On l’a toujours su, les comédiennes, qui ont en elle le pouvoir de faire rire, possèdent toutes les ressources pour faire entendre le tragique. La plus importante étant le sens de la rupture, qui fait percevoir le sous-texte. « Enlève-moi ça (le révolver), avant que je mette fin à mes souffrances ». Avec elle, Winnie ressemble à ces grandes bourgeoises délaissées qui ont toujours vécu à travers leur mari. On imagine que les enfants sont partis, que le couple s’est retrouvé face à face à devoir se supporter. Son époux, Willie (épatant Jérôme Keen), est là sans être là, indifférent à ses propos qu’il subit sans rechigner. Au fil des jours qui passent, sans jamais un reproche, elle s’accroche aux objets du quotidien, ressasse ses souvenirs, parce qu’il ne lui reste plus que ça. C’est magnifique !
Marie-Céline Nivière
Oh les beaux jours de Samuel Beckett.
Théâtre de Nesle
8 rue de Nesle
75006 Paris.
Jusqu’au 18 décembre 2023.
Les dimanches à 16h30, les lundis à 20h30, relâche le 10 déc.
(Puis du 7 au 29 janvier 2024.
Les dimanches à 19h, les lundis à 20h30.)
Durée 1h20.
Mise en scène de Véronique Boulanger.
Avec Véronique Boulanger et Jérôme Keen.
Décors de Patrick Harel.
Costumes de Graine de coton.
Lumières de Thierry Ravillard.
