Croire aux fauves d'Émilie Faucheux © Journot
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Croire aux fauves d’Émilie Faucheux, coup de griffe dans le Off

Dans "Croire aux fauves", à Présence Pasteur, Émilie Faucheux s'empare du texte éponyme de Nastassja Martin et plonge dans la rencontre traumatique d'une femme et d'un ours.

Croire aux fauves d'Émilie Faucheux © Journot
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Dès les premières minutes de la pièce, Émilie Faucheux rend clair le mélange qui forme le cœur de Croire aux fauves, ce sang humain qui, en séchant, agglomère et colle aux cicatrices les poils de la bête. Adapté du livre éponyme et autobiographique de Nastassja Martin, le deuxième spectacle de la metteuse en scène et interprète à la tête de la compagnie Ume Théâtre raconte le face-à-face d’une anthropologue et d’un ours dans les hauteurs sibériennes, au cours d’une expédition auprès du peuple Évène. Sur la terre déserte du Kamtchatka, Nastassja, s’étant un peu éloignée de ses homologues, voit apparaître la bête qui la regarde dans les yeux avant de lui mordre le visage et lui briser la mâchoire. Sur scène, le récit de l’attaque est éclairé d’un rai de lumière, amplifié au micro par la comédienne dont la voix rendue ainsi caverneuse semble émerger du fin fond d’une mémoire trouble. Nastassja décortique, décompose l’événement pour tenter d’en épuiser la lecture pragmatique et émotionnelle. Cette méticulosité est d’ailleurs la plus grande qualité du texte, puisqu’elle arrache l’anthropologue et son regard analytique au cadre de la recherche pour les jeter en plein dans le geste littéraire et ce qu’il demande d’introspection.

Tout ce qui succède est ensuite marqué par les traces de l’animal, sur le corps de la défigurée mais aussi dans son âme, ouvrant la porte à des croyances nouvelles, volontiers mystiques, où la bête survit dans l’humaine (et vice-versa, comme Nastassja le projette lorsqu’elle imagine le parcours de l’animal après le coup de piolet qui l’aura fait fuir). Dans une boîte noire devenue espace d’évocation, où les souvenirs sont colorés juste ce qu’il faut par la création sonore de Michael Santos au plateau (dispositif tellement suffisant que le jeu, à mesure que la pièce avance, pourrait souffrir davantage de retenue et moins d’emphase), s’écrit le récit troublant et envoûtant d’une union homme-animal scellée dans la souffrance, la violence, la peur mais aussi la fascination.

Samuel Gleyze-Esteban – Envoyé spécial à Avignon

Croire aux fauves d’après Nastassja Martin
Présence PasteurFestival Off Avignon
13 rue du Pont Trouca, 84000 Avignon

Du 7 au 27 Juillet 2023 22h15 (relâche le lundi)
Durée 1h15

Tournée
19 Août 2023 Petite Nature, Chassey
13 Octobre 2023 Festival Diseurs d’Histoire, Chaumont
Du 17 au 21 Octobre 2023 L’Échangeur, Bagnolet

Jeu, mise en scène et composition musicale Émilie Faucheux
Composition musicale et jeu Michael Santos
Création lumières, création vidéo et régie générale Guillaume Junot
Régie son Julien Imbault

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