Guerre de Louis Ferdinand Céline - Mise en scène de Benoît Lavigne © Clément Puig

Benjamin Voisin donne vie fiévreusement à Guerre de Céline

Au Théâtre du Chêne noir, dans le Off d’Avignon, Benoît Lavigne porte au plateau "Guerre" de Céline et offre un rôle en or à Benjamin Voisin.

Guerre de Louis Ferdinand Céline - Mise en scène de Benoît Lavigne © Clément Puig

Benoît Lavigne porte au plateau le manuscrit récemment retrouvé de Louis-Ferdinand Céline et offre au comédien Benjamin Voisin un rôle à la mesure de son incroyable talent. 

© Clément Puig

La salle est comble. Tous les strapontins sont pris, plus une place ne reste. C’est l’un des événements de cette 57e édition du Festival Off Avignon. En s’attaquant à cette œuvre publiée pour la première fois l’an dernier du célèbre et controversé auteur de Voyage au bout de la nuit, le directeur du Lucernaire à Paris (récemment mis en vente) et sa complice Bérangère Gallot ont fait preuve d’audace et de perspicacité.

Mettre en scène le récit d’un homme traumatisé par les ravages de la Première Guerre mondiale, par l’absurdité des combats qui mettent face à face des êtres humains, les obligent à tuer leur semblable, n’était pas chose aisé. D’autant que la langue du jeune Céline est crue, gouailleuse, impitoyable. Il faut la vivre, l’habiter, lui donner corps de toute son âme, de toute sa chair. Le choix de Benjamin Voisin, pour incarner ce brigadier en convalescence, est plus que judicieux, tant sa présence irradie le plateau et fait vibrer avec intensité les mots de celui qui n’avait pas encore de nom de plume et ne s’appelait encore que Destouches.

Une atmosphère sépulcrale
Guerre d'après Louis Ferdinand Céline - Mise en scène de benoît Lavigne © Clément Puig
© Clément Puig

Un sifflement, un bruit assourdissant. La bombe n’est pas passé loin. Seul, debout dans les vestiges d’un champ, marchant sur des gravats de terre noire, un homme, le regard hagard, s’avance vers le devant la scène. Il tombe, titube, se relève. Ne sentant plus son bras, il cherche ses camarades. Il est le seul survivant. Blessé, il est conduit à un hôpital de fortune. 

Hébété, choqué, lentement puis fiévreusement, il raconte son histoire, la guerre, la violence, la barbarie. Son débit s’accélère, les mots coulent à flot. Le verbe haut, il évoque le conflit non comme un conquérant, mais bien comme une chair à canon qui se demande bien ce qu’elle fait là, qui ne comprend pas les raisons insensées qui ont déclenché les hostilités entre deux nations, entre des êtres faits tout comme lui d’os et de sang. 

Une mise en scène au cordeau 

Dans un clair-obscur rougeoyant savamment travaillé par Seymour LavalBenjamin Voisin est Destouches, le soldat laissé au bon soin d’une infirmière qui en pince pour lui, pote de chambrée du fameux Cascade, un joyeux luron un brin libidineux, un charmeur de ces dames qui attend le retour de sa belle, une prostituée gironde. Donnant à entendre la langue rugueuse et poétique de l’auteur, il dit tout de l’horreur des chairs meurtries, déchirées, de l’enfer des tranchées. Ironique, sarcastique, outrancier ou naïf, on reconnait déjà le style de Céline dans ce premier récit intime et qui préfigure déjà son chef-d’œuvre à venir. 

Nous plongeant dans l’atmosphère sombre et ombreuse de 14-18, Benoît Lavigne rend magistralement hommage à l’œuvre de Céline. L’enchâssant dans un écrin fait de cendres, de pierres calcinées, de braises rougeoyantes, ils lui insufflent une dimension pesante, lourde autant qu’étrangement lumineuse. Le comédien d’Été 85 fait le reste. Frimousse d’ange, il porte en lui la gravité et la grivoiserie nécessaires pour ne pas sombrer dans le pathos. 

L’écho avec le conflit qui tient aux portes de l’Europe n’en est que plus fort, cette Guerre-là ne laisse pas indemne. Il saisit nos entrailles, touche, trouble et ferait presque oublier le passé trouble de l’écrivain. 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Avignon

Guerre d’après Louis Ferdinand Céline
Théâtre du Petit Saint-Martin
17 rue René Boulanger
75010 Paris.
Du 12 septembre au 21 octobre 2023.
DU mardi au samedi à 21h.
Durée 1h20.


Festival OFF d’Avignon
Théâtre du Chêne noir
8 Bis Rue Sainte-Catherine
84000 – Avignon
du 7 au 29 juillet 2023 à 17h20 – Relâches : 10, 17, 24 juillet à 17h20
Durée : 1h20

Mise en scène de Benoît Lavigne
Avec Benjamin Voisin
Adaptation Théâtrale :de Bérangère Gallot de Benoît Lavigne
Collaboration Artistique – Sophie Mayer
Scénographie & Lumières de Seymour L
aval
Compositeur de Raphaël Chambouvet
Costumière – Isabelle Deffin
Régisseur Général – Fabrice Viste

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