Aïcha MBarek et Hafiz Dhaou ©Valérie Frossard
Aïcha MBarek et Hafiz Dhaou ©Valérie Frossard

Aïcha M’Barek & Hafiz Dhaou, chorégraphes des états du corps 

À l'affiche de la Belle Scène Saint-Denis, les deux artistes proposent un duo masculin par de jeunes danseurs issus de la formation Hip hop de l’Espace des Arts à Chalon-sur-Saône. Avec la chaleur et la sincérité qui caractérisent leur écriture, Aïcha M'Barek & Hafiz Dhaou nous proposent une plongée dans leur univers. 

Aïcha MBarek et Hafiz Dhaou ©Valérie Frossard

À l’affiche de la Belle Scène Saint-Denis, les deux artistes proposent un duo masculin de jeunes danseurs issus de la formation Hip hop de l’Espace des Arts à Chalon-sur-Saône. Avec la chaleur et la sincérité qui caractérisent leur écriture, Aïcha M’Barek & Hafiz Dhaou nous proposent une plongée dans leur univers.

© Valérie Frossard 

Comment votre duo s’est-il constitué ?

Hafiz Dhaou : On se connait depuis que nous avons respectivement treize et onze ans. Ensemble, nous avons pas mal dansé comme interprètes sur les scènes tunisiennes. Puis, à vingt-cinq et vingt-trois ans, nous sommes entrés à l’école du CNDC d’Angers. C’est là que s’est formé notre duo. Assez vite, nous nous sommes rendus compte que nous avions envie de nous exprimer et que nos langages se rejoignaient, qu’il y avait entre nous une synergie propice à la création. D’ailleurs, la plupart des intervenants nous ont poussé dans cette voie. Ils trouvaient qu’ensemble nous avions quelque chose à dire de singulier, de particulier.

Aïcha M’Barek : Nous nous connaissions bien pour avoir longtemps travaillé ensemble, il y avait déjà une belle complicité. Alors à Angers, quand nous avons commencé à écrire des solos puis des duos, à chaque fois, l’un était le regard extérieur de l’autre. Nous avons constaté que nous étions très complémentaires. Logiquement, un dialogue chorégraphique s’est instauré entre nous. C’est ainsi que le duo est né. 

Pourquoi Angers ?

Aïcha M’Barek : C’est tout simple. En Tunisie, il n’y a pas vraiment de formation professionnelle. C’est à force de s’entraîner, de jouer dans des pièces que l’on apprend. En 1998, nous avons été invités par Guy Darmet à la Maison de la Danse dont il était le directeur et le fondateur. Il a été très sensible à notre travail, à nos présences au plateau. C’est lui qui nous a conseillé d’intégrer le CDCN. Il sentait qu’il y avait un potentiel à exploiter. Il nous a aidés à remplir le dossier, notamment parce que nous avions passé l’âge limite pour nous inscrire.

Hafiz Dhaou : Il a vu en nous quelque chose que nous ne voyons pas encore : un engagement, une poésie. 

Quel est l’ADN de votre écriture ?

Aïcha M’Barek : Souvent, quand on parle de notre danse, on la qualifie de danse d’intention. Pourtant, tout est très écrit, mais nous laissons les interprètes s’en emparer avec leurs propres émotions, leurs propres sensibilités. C’est eux, avec leur sincérité, qui portent le geste, le mouvement. Ce n’est pas toujours simple, notamment par les danseurs qui sortent du conservatoire, car il doit s’éloigner des préceptes qu’on lui a inculqué, lâcher prise, pour se laisser porter par notre grammaire, notre écriture. Nous avons récemment eu une très belle expérience avec les vingt-huit danseurs et danseuses du Ballet de Lorraine. Ils avaient plein de questions, du type « où doit-on placer le regard ? » Alors nous ce qui nous intéresse dans la danse, ce n’est pas la position du corps, mais son état. 

Hafiz Dhaou : C’est une danse d’écoute que nous créons, une danse de vibrations. Quand nous étions en Tunisie, nous étions toujours nombreux sur scène. Nous avons toujours beaucoup aimé l’énergie que cela dégageait. Cela a forcément influencé notre écriture. Mais ce qui la guide, c’est la notion d’instantanéité. On connaît ce que l’on a écrit, mais on ne sait jamais à l’avance ce qui va se passer sur scène et comment la pièce va être reçue émotionnellement. Chaque fois, c’est différent, car l’humain est au cœur de notre processus artistique. Au plateau, ce n’est pas une expérience, c’est la réalité de l’instant qui transparaît, qui alimente notre travail. Une autre chose importante pour nous, l’épuisement. C’est un passage, un état que l’on trouve intéressant à travailler, à en rendre témoin le public. Et puis nous nous nourrissons aussi de nos interprètes, tous viennent d’horizons différents. Cela permet de confronter nos regards, d’aller plus loin. Pour comprendre notre écriture, il est aussi nécessaire de savoir qu’en Tunisie nous avons suivi une formation à l’Institut Maghrébin du cinéma. Cela nous a appris à toujours nous intéresser à la notion de point de vue, de cadrage, de plan-séquence. Je crois que cela irrigue aussi notre travail. C’est une des raisons pour laquelle dans nos pièces, personne ne quitte le plateau. 

Aïcha M’Barek : L’important pour nous, ce n’est pas tant l’écriture que la manière dont le public reçoit notre spectacle. C’est lui qui fait le lien, c’est son ressenti qui donne le ton de l’œuvre.

Vous présentez à la Parenthèse un duo masculin…

Hafiz Dhaou : Aristide et Bastien sont deux jeunes interprètes avec lesquels nous travaillons pour la première fois. C’est pour nous une nouvelle étape dans notre parcours. Nous les avons rencontré par hasard à l’Espace des arts de Chalon-sur-Saône, dont nous sommes artistes associés. Ils faisaient partie de la première promotion d’une formation hip-hop initiée par cette scène nationale et dont nous avons eu la chance d’être les parrains. Ils nous ont bluffés. Ils y avaient dans leur danse une telle énergie, une telle insolence, que cela nous a donné envie de continuer avec eux. 

Aïcha M’Barek : Ils nous ont réconciliés avec une énergie au sol que nous avions, du fait de travailler souvent avec les mêmes personnes, un peu laissée de côté. Ils nous ont reconnectés à la fièvre impertinente de la jeunesse d’aujourd’hui. Ils nous ont redonné l’envie de travailler l’équilibre, le déséquilibre, de remettre des mots, d’utiliser une grammaire que l’on n’utilisait presque plus. Ils nous ont permis de nous réinventer, de sortir des schémas dans lesquels ils nous semblait que nous nous enfermions. 

Comme une renaissance ?

Hafiz Dhaou : On peut dire cela. Ils nous ont aidés à retrouver un chemin, à cartographier différemment notre parcours, à chercher d’autres modes d’expression. Avec eux, nous avons dû remettre en cause nos évidences. C’est pour ça aussi que la Belle Scène Saint-Denis, à un moment, avait souhaité qu’on tienne le pari ensemble, car il était question de transmission, de changement de repère, d’adaptation. 

Qu’est-ce que cela représente d’être programmé à Avignon, à la Belle Scène Saint-Denis ?

Aïcha M’Barek : De poser l’acte de la création à l’endroit du monde professionnel. C’est pour nous comme pour notre duo de danseurs, une belle opportunité de présenter notre travail, de mettre en avant ce que cette rencontre a changé pour nous et pour eux. C’est aussi pour nous, une sorte de retour à nos débuts en tant que chorégraphes. 

Hafiz Dhaou : C’est le pari d’une rencontre, l’ébauche d’une pièce en devenir, d’un nouveau tournant dans notre œuvre. Pour Aristide et Bastien c’est une belle expérience, une façon de débuter dans le métier. C’est leur premier contrat en tant que professionnel. C’est aussi une mise à nu, car on ne maîtrise pas l’accueil du public et c’est très angoissant…

Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

Aristide et Bastien de Aïcha M’Barek & Hafiz Dhaou
La Belle Scène Saint-DenisFestival Off Avignon
Du 11 au 15 juillet 2023
Durée 30 min

Conception et chorégraphie Aïcha M’Barek & Hafiz Dhaou
Avec Aristide Desfreres et Bastien Roux
Univers sonore Hafiz Dhaou
Création musicale Christophe Zurfluh avec la participation exceptionnelle de Adnan Joubran
Création Lumière Xavier Lazarini
Costumes Aïcha M’Barek

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