Pierre Pontvianne, des gestes plus que des mots

Au théâtre de la Vignette, dans le cadre de Montpellier Danse, Pierre Pontvianne présente "œ", sa nouvelle pièce pour sept danseurs.

En résidence à l’Agora – Cité internationale de la Danse de Montpellier, avant de présenter le 30 juin prochain, au théâtre de la Vignette, œ, sa nouvelle pièce pour sept danseurs, l’artiste, très discret sur son parcours, entrouvre entre deux séances de répétitions les portes de son jardin.

© Lena Pinon Lang

Pourquoi avoir choisi la danse pour vous exprimer ? 

Pierre Pontvianne : C’est assez inconscient. Le désir a peut-être toujours été là en moi. Tout petit déjà, je produisais de petites choses. Puis mon parcours, qui passe notamment par la musique et bien d’autres pratiques, d’autres disciplines, m’a amené petit à petit vers la danse. Il n’y a rien de prémédité. Tout simplement, je suis devenu danseur, interprète, puis chorégraphe. 

Qu’est ce qui a fait que d’un interprète vous êtes devenu chorégraphe ?
"Motifs" de Pierre Pontvianne - Marthe Krummenacher et Paul Girard © Lena Pinon Lang
Motifs de Pierre Pontvianne © Lena Pinon Lang

Pierre Pontvianne : Rien ou tout plus exactement. Ce que je peux dire, c’est que je n’arrivais pas à être interprète et chorégraphe en même temps. À un moment donné, j’ai eu l’envie ou le besoin de développer une pensée et de la prolonger en écrivant du mouvement. Il fallait que j’aille au bout de cette idée, que j’évolue dans cette voie. Comme chez beaucoup d’artistes, j’avais aussi la volonté de m’exprimer au-delà des mots d’un autre. Par ailleurs, mon attachement à cet art est certainement aussi lié au fait que c’est du vivant, que des gens entrent en action, dialoguent, confrontent leurs personnalités, leurs désirs, leurs réflexions. Dans l’expérience de la création, il y a ce lien à l’humain qui est primordial, essentiel. Mais peut-être tout simplement qu’écrire pour d’autres m’a aussi permis de m’éloigner de processus plus solitaires. C’est une supposition. En fait, Je ne me suis jamais posé la question. Je n’aime pas trop me questionner là-dessus, ou du moins en faire état. Je n’aime pas me mettre dans la lumière, m’exposer. Je suis assez discret sur qui je suis, d’où je viens et quel est mon parcours. Ce sont des choses qui, à mon sens, relèvent de l’intime.

Qu’est ce qui déclenche chez vous l’envie d’écrire ?

Pierre Pontvianne : Le désir de rassembler des gens au plateau, de les relier par la danse, par le mouvement, par des gestes. Je n’ai jamais de projection en amont sur ce que je vais faire. C’est assez intuitif, comme la prolongation d’une pensée. En tout cas, ce n’est jamais lié à un sujet précis. Et puis le processus créatif, entre le désir de création et l’objet fini, prend tellement de temps que tout est souvent bouleversé. Travailler sur le rapprochement des êtres humains change aussi beaucoup de choses. Il n’y a pas le chorégraphe d’un côté et les danseurs et danseuses de l’autre. Des échanges ont lieu, car nous travaillons ensemble l’écrit, la gestuelle, le sens de ce que nous souhaitons porter au plateau. Je pars toujours d’une base, d’un aplat, et de cette matière première émergent des sujets que nous traitons, puis nous voyons ce que cela donne. C’est d’une grande banalité. Je pense qu’il n’y a absolument rien d’inédit dans mon travail, si ce n’est qu’on est en 2023 et que je suis accompagné d’un groupe d’artistes et techniciens … que j’aime.

Cela se rapproche de l’écriture de plateau…
Œ de Pierre Pontvianne © Cie Parc
œ de Pierre Pontvianne © Cie Parc

Pierre Pontvianne : Oui, dès qu’il y a du dialogue, des confrontations de pratiques, la matière chorégraphique s’en nourrit. Le fait d’agir ensemble est important et donne du sens à ce que nous faisons, ce que nous créons. Au tout début des répétitions, nous apprenons à nous connaître, puis nous nous interrogeons sur ce que nous allons faire et ce que nous voulons dire. J’aime le fait qu’il y ait une part de hasard, d’inconnu, qu’on ne sache pas au départ vers où l’on va tendre. Après souvent, les réflexes et les automatismes viennent se greffer sur le projet. Pour éviter des redites, il est donc important pour moi, dans ces moments-là d’être dans la déconstruction plus que dans la construction. Par étapes, nous avançons. Je me laisse porter par ce que je ressens et aussi par ce que les interprètes expriment. Et petit à petit, les choses se précisent. La pièce va vers sa concrétisation.  

œ, votre nouvelle création, est une pièce pour sept danseurs. Comment les avez-vous choisis ? 

Pierre Pontvianne : je dirais que cela s’est fait un peu bizarrement. J’ai juste demandé aux danseurs et danseuses avec qui je travaille régulièrement, qui d’entre eux voulaient poursuivre l’aventure. Finalement je ne sais pas qui a choisi qui et ce n’est pas plus mal. En fait, le geste que j’avais envie de continuer à explorer s’apparente à un processus assez poétique et évanescent, presque impalpable : le désir de travailler ensemble les tensions des corps, lesquelles, implicitement, disent beaucoup du monde qui nous entoure. Les corps des danseurs s’inscrivent dans une société et en sont, quelque part une sorte de reflet. Sans l’évoquer, la politique a forcément partie liée avec l’écriture, avec ce qui se dégage de chacun au plateau.

D’où vient ce titre œ, somme toute très singulier ? 
Œ de Pierre Pontvianne © Cie Parc
œ de Pierre Pontvianne © Cie Parc

Pierre Pontvianne : C’est marrant, vous le dites « e dans l’o ». En général, on me demande comment il faut le prononcer. J’aime l’idée d’un parti pris, d’un choix de prononciation sans que j’aie à donner d’indication. En fait, c’est très compliqué de donner un titre à œuvre, d’autant que souvent, on doit le trouver alors que le spectacle est encore à l’état de projet : alors pourquoi pas ce graphème ? Il n’y a pas d’intention autre, ce sera finalement aux spectateurs de voir ce qu’ils mettent derrière. Pour une fois, je n’ai rien annoncé en amont ni aux danseurs, ni aux producteurs, ni aux diffuseurs. Je n’avais pas de notes d’intention spécifiques. J’ai donc fait le choix d’un titre très visuel mais aussi d’une abstraction, d’un signe où deux lettres sont unies, liées

Vous êtes actuellement en répétition, comment cela se passe-t-il ? 

Pierre Pontvianne : Comme je l’évoquais plus haut, nous discutions beaucoup. Le projet se nourrit à la fois d’obsessions, d’émotions, de sensations et de réflexions. Les choses doivent se faire naturellement. C’est je crois l’une des seules contraintes qui m’importe. Pour moi, tout est histoire de mouvements, de combinaisons, d’accords entre les corps. Cela guide mon processus créatif, mon écriture. Finalement, des thématiques émergent, naissent des confrontations au plateau, j’aime l’idée très poétique de laisser les expressions corporelles prendre le pas sur un quelconque effet de style. En ce moment, c’est un peu compliqué car nous sommes sur un point d’achoppement mais, d’expérience je sais que cela va renforcer les choses… et peut-être même poser du sens.

Tout spectacle porte en lui un peu de son créateur… 

Pierre Pontvianne : Oui, certainement. En tout cas, il me semble que mes pièces n’évoquent en rien mon intimité, ma vie privée. J’aime rester dans l’ombre, ne pas me dévoiler. Qui je suis, d’où je viens et ce que j’ai fait n’a à mon sens pas d’importance, seul le ressenti quand on voit le spectacle fini donne un sens à l’œuvre. Le reste est du bruit autour. 

Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Montpellier 

œ de Pierre Pontvianne
Festival de Montpellier Danse – Création 
Théâtre de la Vignette 
Avenue  du Val de Montferrand
34199 Montpellier
les 30 juin et le 1er juin 2023

Tournée
du 10 au 11 octobre2023 à l’Atelier de Paris, CDCN
du 6 au 8 février 2024 à la Comédie de St Etienne
en juin à Grand Sud, Latitudes contemporaine
s

Chorégraphie de Pierre Pontvianne
avec Jazz Barbé, Laura Frigato, Thomas Fontaine, Paul Girard, Florence Girardon, Clément Olivier, Léna Pinon-Lang
Conception sonore, costume de Pierre Pontvianne
Lumière de Victor Mandin
Décor :de Pierre Treille

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