Memoire de fille ©-Monika Rittershaus -collection, Comédie-Française
© Monika Rittershaus -collection, Comédie-Française

Le voyage d’Annie Ernaux aux tréfonds de la mémoire d’une jeune fille en fleurs

Au théâtre du Vieux Colombier, la metteuse en scène Silvia Costa fait entendre la petite musique d'Annie Ernaux.

Memoire de fille ©-Monika Rittershaus -collection, Comedie-Francaise
©-Monika Rittershaus -collection, Comedie-Francaise

C’est la deuxième fois, qu’Annie Ernaux est présente sur la scène d’un des théâtres de la Comédie-Française. La première était en 2017, avec Françoise Gillard dans L’Événement, texte fort sur l’avortement. Mémoire de fille s’inscrit logiquement dans ce travail qui appartient au Français, de faire entendre les grands textes, même si ceux-ci ne sont pas forcément écrits pour le théâtre.

L’œuvre du prix Nobel de littérature 2022, est pour l’essentiel des romans d’auto-fiction. De son écriture ciselée, dépouillée dans sa structure, elle explore ce que signifie être femme dans notre société. Qu’est-ce qui marque le plus une jeune fille qui s’apprête à entrer dans le monde ? Sa première expérience sexuelle. Celle qui pour toujours la marquera. Pourtant, Ernaux a tardé à explorer ce moment de sa vie. « Depuis vingt ans, je note « 58 » dans mes projets de livre. C’est le texte manquant, toujours remis. Le trou inqualifiable. » Il y a comme une honte à assumer, un mal-être à exprimer. Lorsqu’elle arrive enfin à l’écrire, en 2016, elle lui donne pour titre, Mémoire de fille. Parce qu’en son nom, elle nous parle à toutes.

La metteuse en scène Silvia Costa a eu l’excellente idée, de choisir trois comédiennes, Anne Kesler, Coraly Zahonero et Clotilde de Bayser, pour faire entendre le récit de cette jeune fille qui se remémore cette période de sa vie. Cela ajoute à la distanciation présente dans le style narratif de l’auteur. Avec leurs corps, leurs voix, leurs styles différents, ces trois représentations de la femme observent et font entendre les sensations comme les réflexions que traverse cette bonne élève, à peine sortie de l’enfance, aux aspects de Sainte-Nitouche, qui découvre en colonie de vacances, la sexualité. Il y a quelque chose de très fort dans la structure de sa mise en scène. Telle une plasticienne, chaque image se fait tableau. Par sa direction précise et poétique, le magnifique trio d’actrices, fait résonner superbement la petite musique d’Ernaux. C’est beau.

Marie-Céline Nivière

Mémoire de fille d’Annie Ernaux.
Comédie-Française – Théâtre du Vieux Colombier
21 rue du Vieux-Colombier
75006 Paris.
Du 7 juin au 16 juillet 2023.
Le mardi à 19h, du mercredi au samedi à 20h30, matinée dimanche à 15h.
Durée 1h20.

Adaptation, mise en scène, scénographie, costumes et lumière de Silvia Costa.
Avec Anne Kesler, Coraly Zahonero et Clotilde de Bayser.
Musique originale et collaboration artistique d’Ayumi Paul
Collaboration à la scénographie de Thomas Lauret
Assistanat à la mise en scène Robin Ormond de l’académie de la Comédie-Française,
aux costumes Clément Desoutter de l’académie de la Comédie-Française,
aux lumières Nicolas Faucheux.

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