J'ai une épée, Léa Drouet ©Noemie Della Faille

J’ai une épée de Léa Drouet, hyperenfance

Du Kunstenfestivaldesarts au Printemps des Comédiens, Léa Drouet plonge avec «J'ai une épée» dans l'enchevêtrement complexe de l’imagination enfantine et de la répression politique.

J'ai une épée, Léa Drouet ©Noémie Della Faille
©Noémie Della Faille

De grandes chutes de tissu nacré coulent au sol et une forêt de parallélépipèdes s’élève à côté. Rose, bleu, mauve. Créée en mai au Kunstenfestivaldesarts de Bruxelles, passée par le Printemps des Comédiens, la performance de Léa Drouet déploie, à travers la scénographie d’Élodie Daguet, un univers juvénile comme trop conscient de lui-même. Une hyperenfance, dirait-on comme Baudrillard nommait l’hyperréalité. Le royaume de l’aberration optique et politique.

Dans les HLM d’Albertville, des écoliers de dix ans sont interpellés et mis en cause pour apologie du terrorisme. Dans les préfectures, on évalue l’âge de jeunes migrants et leur traitement s’ensuit. Drouet, metteuse en scène bruxelloise, complice d’Adeline Rosenstein, partage avec l’Allemande une volonté d’explorer les modes et les possibles du théâtre documentaire. Ici, articles et témoignages tressent le récit d’enfants et adolescents déformés par les images que d’autres construisent sur leurs vies.

Le souvenir des lycéens à genoux de Mante-la-Jolie revient en tête. Mais sous nos yeux, la soliste convoque quelque chose qui n’a rien à voir, une petite pantomime de gestes et de tours héroïques ou mystiques. Son plateau devient un territoire de rêves et de cauchemars, le lieu d’une sorte d’hallucination collective, d’une paranoïa politique à la faveur de laquelle s’opère une association d’idées surréelle : le terroriste et l’enfant. Quelle épaisseur, quelle consistance pour le réel qui accuse ses filles et fils de soutenir sciemment un projet de mort ? L’ébauche d’une réponse, qui restera en tête, dans ce collage paradoxal et troublant du texte et des formes.

Samuel Gleyze-Esteban – Envoyé spécial à Bruxelles

J’ai une épée de Léa Drouet
Kunstenfestivaldesarts

Théâtre National Wallonie-Bruxelles
Bd Émile Jacqmain 111-115 1000 Bruxelles, Belgique
Du 18 au 21 mai 2023

Printemps des comédiens du 2 au 4 juin 2023

Metteuse en scène, autrice et actrice – Léa Drouet
Dramaturge – Camille Louis
Scénographe – Élodie Dauguet
Composition musicale – Èlg
Lumières de Nicolas Olivier
Costumes d’Eugénie Poste
Régie générale – François Bodeux
Assistante à la mise en scène – Marion Menan

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