Voyage en Ataxie © Alain Monot

Gilles Ostrowsky conjure le sort par de grands éclats de rire

Embarquement sans crainte pour ce magnifique "Voyage en Ataxie" de Gilles Ostrowsky.

Voyage en Ataxie © Alain Monot

Le comédien, metteur en scène et dramaturge Gilles Ostrowsky nous invite à faire un Voyage en Ataxie, dans le pays des désordres neurologiques. Un spectacle d’une force théâtrale puissante.

© Alain Monot

Gilles Ostrowsky et Sophie Cusset, cofondateurs de la compagnie Octavio, ont pour habitude de prendre des éléments de leur vie pour en faire « matière à théâtre ». On se souvient encore de l’excellent Wonder Woman enterre son papa, dans lequel Sophie Cusset abordait la disparition de son père. C’était joyeux, car l’autre matière première artistes est l’humour. Et avec eux, le comique se fait poétique, souvent clownesque, toujours intelligent. Rien de mieux pour tordre le cou aux tragédies de la vie et réfléchir sur nous-mêmes !

Le régénérant remède du théâtre

Un matin de 2017, sortant de son lit, Gilles Ostrowsky perd l’équilibre. Ces malaises reviennent souvent. Les médecins mettront du temps pour en trouver la cause. Le verdict finit par tomber : atrophie multi-systématisée (ou MSA), dite aussi « ataxie cérébelleuse ». Puisque la maladie s’est invitée chez lui, installant le désordre dans son corps, il n’y avait qu’une solution, en faire un spectacle, parce que jouer, « c’est vital ». Et puisque l’on joue, le réel et l’imaginaire vont faire bon ménage. Le pathos est mis dehors pour laisser place à une farce poético-comique où les mots enchantent l’esprit. Soyons clairs, tout n’est que bonheur dans ce spectacle : le texte, la mise en scène comme l’interprétation.

Voyage en Ataxie © Alain Monot
© Alain Monot
En piste !

Ils sont trois au plateau, tous vêtus à l’identique. Leurs costumes à carreaux, bien que très chics, rappellent ceux des clowns. À cour, assis derrière une table sur lequel est posé un ordinateur, il y a le maître de cérémonie, Gilles Ostrowsky. Il ne bougera pas de là. Avec amusement et bienveillance, il observe, commente.

Ses deux acolytes, tels le clown blanc et l’Auguste, vont être les guides de ce voyage théâtral en Ataxie. Le jeune Thomas Blanchard, exceptionnel, est l’homme qui découvre les étrangetés de son mal et mène le récit. Grégoire Œstermann (extraordinaire) est tous les autres, médecins en tous genres, gourou parlant à Poutine, guérisseur fan de Johnny Hallyday, directeur de théâtre… Il sera même cette maladie neurodégénérative qui annonce à son « nouvel ami » tous les dommages qu’elle va créer dans son existence. Jouant sur toutes une gamme de sentiments, maniant l’art burlesque avec dextérité, ce duo virtuose interprète avec une grande finesse cette belle partition.

Les lois de l’apesanteur

La scénographie d’Yvan Clédat est construite sur des matelas gonflables. Cela peut surprendre, mais dès que l’on comprend l’enjeu, celui de l’équilibre précaire, on adhère totalement à cette trouvaille scénique formidable. Gilles Ostrowsky et Sophie Cusset ont su s’emparer de l’espace pour faire évoluer sans encombre, dans une suite d’étapes de différents styles, cette traversée dans les eaux troubles de la maladie. C’est à la fois drôle, surprenant et poétique. Après le Théâtre de Gennevilliers, où nous avons découvert ce magnifique ouvrage, le spectacle s’installe à CDN d’Orléans pour trois dates, les dernières de leur tournée. On croise les doigts pour que, très vite, un théâtre parisien programme ce spectacle où le rire fait la nique à la maladie et la mort, célèbre la vie. Car cela fait un bien fou !

Marie-Céline Nivière

Voyage en Ataxie de Gilles Ostrowsky
CDN Orléans / Centre-Val de Loire
Boulevard Pierre Segelle
45000 Orléans.
Mardi 23, jeudi 25 mai à 20h30, mercredi 24 mai 2023 à 19h30.
Durée 1h20.

Mise en scène de Gilles Ostrowsky et Sophie Cusset (compagnie Octavio).
Avec Thomas Blanchard, Grégoire Œstermann et Gilles Ostrowsky.
Chorégraphie de Sylvain Riéjou.
Scénographie d’Yvan Clédat.
Costumes de Corine Petitpierre.
Lumières de Marie-Christine Soma.
Création sonore de Dayan Korolic.

Texte paru aux Editions Esse que.

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