Delphine Cottu © Damien Vigouroux

Delphine Cottu, une « Munstrum » à part entière

Au Théâtre Public Montreuil, Delphine Cottu rejoint, tout le mois d'avril, la troupe du Munstrum, pour présenter Zypher Z et Clownstrum.

Delphine Cottu © Damien Vigouroux

Peu connue du grand public, souvent masquée, Delphine Cottu est l’un des piliers du Munstrum théâtre, la compagnie fondée à Mulhouse par Lionel Lingesler et Louis Arene. Du 4 au 30 avril 2023, dans le cadre de la carte blanche offerte par Pauline Bayle à cette incroyable troupe, elle investira avec ses compagnons de route, le Théâtre Public de Montreuil. L’occasion de mettre en lumière, une artiste rare autant hors-norme, démesurée, extravagante, que sensible et habitée.

Quel est votre premier souvenir d’art vivant ? 
J’ai six ans, j’accompagne ma mère qui répète en amateur dans un spectacle semi-professionnel en plein air… Antigone de Sophocle. Elle fait partie du chœur, elle a un grand masque, elle chante. J’écoute attentivement la scène entre Antigone et sa sœur Ismène et comme les répétitions ont lieu le soir, je m’endors sur les gradins. Malgré cela, le texte me rentre dans les oreilles, je connais certaines scènes par cœur et à la fin, je m’amuse à tout rejouer, par imitation. C’est d’ailleurs une chose que j’aime encore beaucoup aujourd’hui, imiter les autres !

Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ? 
Mon frère avait commencé à faire du théâtre avec la troupe amateure de ma ville, ils allaient jouer dans les villages à côté. De là, j’ai construit tout un fantasme autour de l’idée d’une communauté où on partirait en tournée et on vivrait ensemble, avec plein d’anecdotes à raconter. Plus tard, quand j’ai commencé à en faire moi-même à quinze ans, j’ai compris tout de suite que j’avais trouvé ma voie. Je ne voulais vivre que pour ça.

Clownstrum du Monstrum théâtre - Louis Arène - Delphine Cottu © Darek Szuster
© Darek Szuster

Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédienne ? 
J’ai eu affaire très jeune à la cruauté des enfants, ce qui arrive quand votre corps n’est pas « dans le moule ». Être comédienne, c’était la possibilité pour moi de devenir quelqu’un d’autre et surtout de transformer le regard des autres. En ce qui me concerne, d’abord par le rire.

Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ? 
À l’école primaire, je joue Maya l’abeille. Mon costume est un maillot de bain noir sur lequel on a cousu des rayures jaunes en papier crépon, j’ai deux petites ailes dans le dos, on répète au stade municipal… Je suis fière, j’ai l’impression d’être Madonna au Parc des Princes.

Votre plus grand coup de cœur scénique ? 
Lorsque j’ai découvert le Théâtre du Soleil à 23 ans en tournée avec Tartuffe, j’étais comme emportée, je trouvais tout beau, les acteurs, les actrices, leurs costumes, le décor, c’était fou, je ne voyais pas le temps passer… j’étais dedans. 

Quelles sont vos plus belles rencontres ? 
Ariane Mnouchkine, bien sûr, comme une colonne vertébrale. Mais aussi Jean Bellorini, Joël Pommerat, Jeanne Candel, et bien sûr Louis Arène et toute l’équipe du Munstrum avec qui je suis tellement heureuse de travailler.

En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ? 
Le théâtre me permet de mieux vivre et de me sentir en mouvement, en alerte. Quand j’ai commencé, ce métier était tout pour moi, il y avait peu de place pour autre chose. Avec le temps, ça a bougé. Aujourd’hui je côtoie beaucoup de gens qui ne sont pas dans le métier et je m’aperçois que j’ai absolument besoin des deux. Aller vers ceux qui ne me ressemblent pas forcément.

Zypher Z du Munstrum Louis Arene - Delphine Cottu © Jean-Louis Fernandez
© Jean-Louis Fernandez

Qu’est-ce qui vous inspire ? 
Tout ce qui est furtif, qui passe vite, que je saisis de façon inconsciente et qui ressurgit plus tard, sans que je ne sache trop pourquoi, sous forme de vision. Ça peut être une image, trois lignes dans un livre, une musique que j’entends, quelqu’un que je rencontre, un rêve, un souvenir…

De quel ordre est votre rapport à la scène ? 
Comme un coach sportif, je me parle à moi-même : « Vas-y, même si tu dois être pitoyable, vas-y… Personne ne le fera à ta place… Tu n’as pas dix ans devant toi… Tente tout ce qui te vient, ouvre les vannes, débride ton imagination et on verra bien.»

À quel endroit de votre chair, de votre corps situez-vous votre désir de faire votre métier ? 
Le ventre, tout ce qui se passe là.

Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ? 
Plein. À chaque fois que je vois un spectacle qui me remue, me rend euphorique. Récemment Jean-François Sivadier, mais aussi Rebecca Chaillon et les Chiens de Navarre : personne ne me fait rire comme eux, ils sont sans limite, j’adore ça.

À quel projet fou aimeriez-vous participer ? 
À quinze ans, quand la conseillère d’orientation m’a posé la question, j’ai répondu que je voulais écrire des scénarios pour Isabelle Adjani. Aujourd’hui, réaliser un film et jouer dedans.

Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ? 
Une symphonie, L’Apprenti Sorcier de Paul Dukas… À cœur vaillant rien d’impossible !

Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

Zypher Z. Une création originale du Munstrum Théâtre
Création en novembre 2021 à la Filature de Mulhouse

Reprise l du 4 au 12 avril 2023 au Théâtre Public Montreuil

Clownstrum du Munstrum Théâtre
reprise du 27 au 30 avril 2023 au Théâtre Public Montreuil

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