Embodying Pasolini, Olivier Saillard, Tilda Swinton © Ruedieger Glatz

Tilda Swinton et Olivier Saillard dans les sapes pasoliniennes

Dans Embodying Pasolini, performance présentée à la Fondazione Sozzani dans le cadre du Festival d'Automne à Paris, l'actrice britannique et l'historien de la mode replongent dans la garde-robe des films de Pasolini. Une redécouverte de pièces précieuses doublée d'un hommage au réalisateur de Salò.

Embodying Pasolini, Olivier Saillard, Tilda Swinton © Ruedieger Glatz

Dans Embodying Pasolini, performance présentée à la Fondazione Sozzani dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, l’actrice britannique et l’historien de la mode replongent dans la garde-robe des films de Pasolini. Une redécouverte de pièces précieuses doublée d’un hommage au réalisateur de Salò.

Blanche jusqu’au bout de sa chevelure platine, comme un écran sur laquelle des artistes aussi différents que Derek Jarman, Béla Tarr, Wes Anderson ou Apichatpong Weerasethakul ont projeté leurs visions, Tilda Swinton fait, avec cette performance, un pas rétrospectif dans le cinéma de Pier Paolo Pasolini. Aidée d’Olivier Saillard, historien de la mode et directeur artistique de la maison J.M. Weston, cette icône sculpturale traverse les univers de certains des plus grands films de l’auteur italien, ou plutôt, laissent ces mondes s’inviter sur son corps.

Embodying Pasolini, Olivier Saillard, Tilda Swinton © Ruedieger Glatz
Pasolini sur le podium

Depuis The Impossible Wardrobe en 2013, le duo signe régulièrement des performances autour du vêtement dans le cadre du Festival d’Automne. Embodying Pasolini est davantage qu’un défilé de mode, même si les spectateurs regretteront un protocole très fashion week où le second rang devra se tenir droit comme un piquet pour espérer y voir quelque chose. À peine Swinton esquisse-t-elle quelques pas de catwalk au début de la performance, encore vêtue de cette combinaison margielesque qui la fait ressembler à un buste en tissu. L’actrice ne fait pas que porter les costumes pasoliniens (d’ailleurs leur fragilité l’empêche de les enfiler vraiment), elle remet en scène ce vestiaire en épousant à chaque fois pendant quelques secondes les poses des personnages comme si leurs fantômes la traversaient.

À travers les costumes se réactive toute une veine du cinéma de Pasolini, corporelle, sensuelle et concrète. En voyant les pièces, on se rappelle alors comment il filmait, par exemple, les tissus sur la tête de Jésus qui participaient à faire de L’Évangile selon Saint-Matthieu une incroyable exégèse christiano-marxiste. Ou, dans sa ‌Trilogie de la vie, dont sont représentées ici Le Décaméron et Les Contes de Canterbury, comment les étoffes donnent son épaisseur et ses couleurs au peuple joyeux.

Embodying Pasolini, Olivier Saillard, Tilda Swinton ©
Figures

En mettant en scène les gestes du conservateur et celui du modèle, Olivier Saillard et Tilda Swinton rendent un hommage sobre au travail de Danilo Donati, collaborateur au long cours du réalisateur, en même temps qu’aux métiers de la conservation. Au début de la performance, lunettes sur le nez et calepin à la main, Swinton enregistre les observations faites au déballage — l’état des coutures, les traitements à prévoir. On redécouvre aussi l’originalité de certaines pièces, comme les chapeaux de Saló ou les robes d’Œdipe roi, tressages étonnants de contemporanéité.

Mais ce dépouillement, qui met à distance les œuvres et les personnages comme pour préserver leur intégrité, n’est pas complètement sourde au contenu des œuvres. Terminant par un essayage dans une forêt fantomatique de costumes tirés de Salò, Tilda Swinton, face à un miroir, détourne son regard lorsqu’elle se voit endosser les vêtements de ces monstres fascistes. Et du Décaméron, ce sont les habits des figurants qui sont présentés, comme pour rendre honneur à la façon dont le cinéaste figurait ce peuple en périphérie, ces « lucioles » qu’il décrivait en 75 dans l’article Il vuoto del potere in Italia et auxquelles il entendait rendre sa lumière. Cette plongée dans la garde-robe de Pasolini est aussi un rappel, par la matière, à l’amour avec lequel cet artiste éminemment politique filmait ses figures.

Samuel Gleyze-Esteban

Embodying Pasolini d’Olivier Saillard et Tilda Swinton
Festival d’Automne à Paris
Fondazione Sozzani
22 rue Marx Dormoy
75018 Paris

Du 3 au 10 décembre 2022
Durée 1h45

Conception et interprétation, Olivier Saillard et Tilda Swinton
Collaboration artistique, Gaël Mamine
Assistant, Romain Blot
Costumes, Danilo Donati des ateliers Farani, direction Luigi Picolo
Formes en bois des ateliers Pieroni, direction Massimo Pieroni.
Studio manager, Aymar Crosnier

Crédit photos © Ruedieger Glatz

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