Balestra, Marie Molliens © Christophe Raynaud de Lage

Marie Molliens met le feu au CNAC

À Châlons-en-Champagne, sur invitation du CNAC, Marie Molliens met en scène les élèves sortants de la trente-quatrième promotion de l'école. Spectacle enragé, Balestra ramène cette nouvelle génération aux origines de son art et tente de lui inventer un avenir.

Balestra, Marie Molliens © Christophe Raynaud de Lage

À Châlons-en-Champagne, sur invitation du CNAC, la fil-de-fériste à la tête de la compagnie Rasposo met en scène les élèves sortants de la trente-quatrième promotion de l’école. Spectacle enragé, Balestra qui ramène cette nouvelle génération aux origines de son art et tente de lui inventer un avenir.

Marie Molliens le dit elle-même en entretien : le cirque contemporain ne l’intéresse pas tant que ça. La compagnie Rasposo, dont elle a pris la tête à la suite de sa mère Fanny, trouve ses racines du côté du théâtre de rue, et a toujours visé à faire cohabiter l’art dramatique avec celui des clowns et des acrobates. La circassienne, elle-même, revendique plutôt de travailler avec l’héritage du cirque classique, son grain, son animalité, sa fumée, sa poussière et, bien sûr, l’écrin du chapiteau.

Cette année, c’est donc à cette artiste singulière, artisane du spectacle vivant, que Peggy Donck, directrice du Centre national des arts du cirque, a convoqué sous le chapiteau de La Marnaise, à Châlons-en-Champagne, pour signer la mise en piste de la promotion sortante. Sous la toile, on retrouve les artefacts auxquels tient tant la metteuse en scène. D’abord, les Pierrots qui nous attendent pendant que l’un d’entre eux se balance de longues minutes sur sa roue allemande. Mais aussi l’enchaînement des numéros, d’inspiration classique, jusqu’au tour de piste animalier — une chèvre dont l’arrivée, charmante au demeurant, semble installer une petite gêne.

Sous le soleil

Les quatorze circassiens du CNAC, ainsi confiés aux mains de cette ancienne élève de l’Académie Fratellini, sont comme pris à contresens de l’évolution à laquelle les destinerait habituellement ce centre de formation très en phase avec les formes contemporaines. Au lieu d’éclore dans les cadres du nouveau cirque, les élèves de la trente-quatrième promotion doivent faire feu de cet ancrage dans les canons, faire feu dans tous les sens du terme : jouer les Prométhée avec des agrès inflammables, et mettre à exécution un spectacle voulu comme une déflagration par sa metteuse en scène (le titre Balestra désigne un mouvement visant à accélérer le rythme dans un duel d’escrime).

Balestra, Marie Molliens © Christophe Raynaud de Lage

Dans la mise en péril inhérente à l’art circassien, Marie Molliens cultive la faille autant que la prouesse. Il y a des chutes, des visions empêchées, comme cette cordiste occultée derrière des filets. Son cirque théâtral s’empare en outre de cette génération à venir pour en faire la protagoniste d’une parabole faite d’impulsions et d’affects. Chaque numéro semble doublé d’une autre idée, qu’il s’agisse d’expressions de courage, de colère, ou de joie collective. C’est là, plus que dans la pratique circassienne, que la rencontre ne s’est pas totalement faite avec les élèves du CNACBalestra peine parfois à faire croire que les interprètes eux-mêmes soient convaincus par la rébellion obscure qui y gronde une heure durant à renforts de guitares et de batterie.

Peut-être qu’un programme moins classique se serait mieux prêté à la particularité du spectacle de sortie d’école, défilé de talents en devenir dans lequel chaque interprète doit pouvoir briller. Sans doute aussi qu’un imaginaire aussi précis et assuré que celui de Marie Molliens ne s’exprime vraiment que dans la pleine possession de ses moyens. La pièce s’achève par une tentative : provoquer ou d’impressionner l’impassible soleil électrique qui illumine en biais la piste d’une lumière brûlante. On retiendra, à l’instar de celle-ci, les belles images qu’est capable d’invoquer l’artiste, et les capacités prometteuses de ce petit groupe de quatorze en route vers la lumière.

Samuel Gleyze-Esteban – envoyé spécial à Châlons-en-Champagne

Balestra de Marie Molliens
Cnac/La Marnaise
32 avenue Leclerc
51000 Châlons-en-Champagne

Du 30 novembre au 11 décembre 2022

Tournée
Du 25 janvier au 19 février 2023 à La Villette – Espace Chapiteaux (Paris)
Les 7, 8, 9 avril au Cirque-Théâtre d’Elbeuf – Pôle National Cirque de Normandie, dans le cadre du festival Spring
Du 21 au 23 avril au Manège, scène nationale-Reims – Parc de la Patte d’Oie
Du 12 au 14 mai à Cirk’Eole (Montigny-lès-Metz), dans le cadre des Nuits d’Eole
Les 10 et 11 juin au Festival utoPistes – Lyon
Du 30 juin au 2 juillet à Moroges – Cie Rasposo, spectacle co-accueilli avec les Scènes nationales Espace des Arts-Chalon-sur-Saône, L’Arc-Le Creusot et Le Théâtre-Mâcon

Écriture, Mise en scène, Lumière Marie Molliens/Cie Rasposo
Assistant.e.s à la mise en scène Robin Auneau, Fanny Molliens
Contributeur Guy Périlhou
Regard chorégraphique Milan Hérich
Conseiller artistique Jacques Allaire
Création musicale Eric Bijon
Création sonore Fabrice Laureau
Création costumes Solenne Capmas, assistée de Madeleine Davies
Assistant création lumière Théau Meyer
Régisseuses animalières Silène Martinez ou Aline Revilla
Régie générale Julien Mugica
Régie plateau Guillaume Bes
Régie lumière Vincent Griffaut ou Laura Molitor
Régie son Gregory Adoir

Avec les 14 interprètes de la 34e promotion du CNAC : Noa Aubry, Alice Binando, Tomás Denis, Jef Everaert, Yannis Gilbert, Julien Ladenburger, Marisol Lucht, Elena Mengoli, Carolina Moreira Dos Santos, Matiss Nourli, Pauline Olivier de Sardan, Niels Mertens, Thales Peetermans, Tiemen Praats

Crédit photos © Christophe Raynaud de Lage

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