Dicklove, Sandrine Juglair © Aurélie Ruby

Juglair entre deux pôles

Dans « Dicklove », la circassienne offre une réflexion personnelle sur un certain trouble dans le genre. Programmée au Théâtre Mansart de Dijon dans le cadre de la Nuit du cirque, elle, y fait rayonner une présence et une allure captivantes.

Dicklove, Sandrine Juglair © Aurélie Ruby

Dans Dicklove, la circassienne offre une réflexion personnelle sur un certain trouble dans le genre. Programmée au Théâtre Mansart de Dijon dans le cadre de la Nuit du cirque, elle y fait rayonner sa présence et son allure captivantes.

Lorsqu’elle se forme aux arts du cirque entre les murs du CNAC, en 2008, Sandrine Juglair est l’une des seules femmes à se mesurer au mât chinois. Connoté comme masculin, plus encore jadis qu’aujourd’hui, l’agrès est constitué, dans l’imaginaire des acrobaties verticales, comme le yang du pole dance, pratique sensuelle des strip-teaseuses, sport de femmes.

Cross

Mais Juglair ne choisit pas. Sur scène, il y a les deux, un mât noir et un pole blanc. Et si les deux agrès, semblables mais distingués par des données d’épaisseur, de poids et de souplesse, se tiennent là comme deux polarités d’une même essence, le jeu de la circassienne consiste à osciller de l’un à l’autre, et son premier terrain est l’espace intermédiaire qui les sépare.

Dicklove, Sandrine Juglair © Aurélie Ruby

Se poursuit dans Dicklove le parcours entamé avec Diktat, le premier spectacle de l’artiste, exploration au mât du rapport de soi au regard d’autrui. Ici, sa voix jaillit d’abord des gradins, et raconte à cœur ouvert son renoncement à finir première au cross, à l’école, devant les garçons. De cette anomalie (et sa question sous-jacente : que devient une femme lorsqu’elle dépasse les hommes dans leurs disciplines physiques ?) s’ensuit une exploration, justement, de cette part d’androgynie inhérente et de la malléabilité qui l’accompagne, d’un pôle à l’autre.

Gender as blob

À mesure que la question du genre chemine dans les milieux artistiques, il est de plus en plus risqué d’en proposer des récits personnels sans piétiner les jalons déjà bien posés par celles et ceux qui s’y sont intéressés en premier. Heureusement, Juglair a plusieurs atouts dans sa manche. Ces deux agrès, d’abord, qui, une fois installés, catalysent le propos tout en ouvrant entre l’un et l’autre un espace de liberté. Puis son corps à elle, corps androgyne incarnant superbement un homme en plein roulage de mécaniques, lequel finit par se mettre à son tour au drag. Ce corps capable, au mât, d’indéniables prouesses.

Enfin, ce spectacle entre cirque et théâtre propose quelques intuitions justes sur le genre, dont il offre une vision aérée, libérée. Rythmées au plateau par le musicien Lucas Barbier, les transformations successives de Juglair, d’un garçon engoncé dans sa virilité jusqu’à une bimbo pop paradoxalement très couillue, disent la performance de genre comme un masque, qu’importe celui ou celle qui le porte. Le blob en lequel elle finit par se métamorphoser sous la cape de Léa Gadbois-Lamer est une métaphore parfaite cette indétermination érigée en principe. Il viendra ramper au Centquatre en février, au milieu d’une belle tournée sur les scènes françaises.

Samuel Gleyze-Esteban – Envoyé spécial à Dijon

Dicklove de Sandrine Juglair
La nuit du cirque 2022
Théâtre Mansart (en partenariat avec CirQ’ônflex)
94 boulevard Mansart
21000 Dijon

Les 10 et 11 novembre 2022
Durée 1h

Tournée
Le 6 décembre 2022 au Prato, PNC, Lille (59)
Le 7 janvier 2023 à L’Avant Seine, Colombes (92)
Les 2 et 3 février 2023 à La Passerelle, Scène Nationale, St Brieuc (22)
Du 15 au 17 février 2023 au Centquatre, Paris (75) dans le cadre du Festival Les Singulier·es
Les 24 et 25 mars 2023 à Cherbourg (50) dans le cadre du Festival Spring

Création et interprétation : Sandrine Juglair
Création et interprétation sonore : Lucas Barbier
Regards extérieurs et dramaturgiques : Claire Dosso et Aurélie Ruby
Création et régie lumière : Julie Méreau
Construction : Max Heraud, Etienne Charles et La Martofacture
Costumes : Léa Gadbois-Lamer

Crédit photos © Aurélie Ruby

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