Artemisia Gentileschi D'après le texte It's true, it's true, it's true d'Ellice Stevens et Billy Barrett et les transcriptions du procès intenté à Agostino Tassi en 1612. Mise en scène de Guillaume Doucet. © Caroline Ablain

Artemisia Gentileschi, un rendez-vous manqué de peu

Au Train Bleu à Avignon, le Groupe Vertigo et son co-fondateur Guillaume Doucet mettent en lumière le destin tragique et glorieux d'Artemisia Gentileschi.

Mars 1612, Rome, tribunal papal, la jeune peintre, fille d’Orazio Gentileschi, se tient à la barre. Sa réputation a été bafouée. Un ami de son père, Agostino Tassi l’a déflorée puis l’a violée à plusieurs reprises neuf mois durant, argumentant qu’il l’épouserait pour sauver les apparences et ainsi continuer à abuser d’elle. En plongeant dans les minutes de ce procès retentissant qui ont conduit à la condamnation du défendeur — une première —, le Groupe Vertigo investit le Train Bleu et met en lumière une artiste rare, une jeune femme qui, jusqu’à la torture qui lui a coûté un temps l’usage de ses doigts, s’est battue pour son honneur, pour que soit reconnu l‘effroyable crime dont elle a été la victime. 

Brune, frêle mais déterminée, Artemisia (lumineuse et incandescente Chloé Vivarès) se bat contre les faux-semblants, les faux témoignages. Elle tient bon malgré l’opprobre. Considérée par tous comme une fille légère, une fille de mauvaise vie, elle va leur montrer qui elle est vraiment, sans jamais fléchir, malgré les méthodes inquisitrices des juges et de la justice papale. Plutôt bien menée, la mise en scène de Guillaume Doucet, dont on avait aimé Pronom en 2019, est efficace, rythmée, sans temps morts. Faisant bien évidemment écho à l’actualité — l’explosion des violences conjugales et sexistes, elle permet de mieux comprendre les tenants et aboutissants de cette instruction pour stupro violente (défloration par force) qui met en cause un proche du pape et révèle la misogynie du système, sa perversion —la victime étant plus malmenée que l’accusé. 

Portée par une troupe de comédiens talentueux et habités, la pièce ne fait qu’effleurer la personnalité d’Artemisia et finit par se perdre dans une scène finale abracadabrantesque et superfétatoire plus pop-rock et électro que baroque — la description faite par la peintre au cours du procès de Judith décapitant Holopherne, la toile qui lui a été dérobée, est intense, révélant toute puissance de son art ; vouloir la recréer en réel n’a pas de sens, voire dessert le propos. Oubliant quelque peu le travail en clair-obscur qui a fait de la jeune femme l’une des artistes féminines les plus reconnues de l’histoire de la peinture italienne, le Groupe Vertigo perd un peu sa cible. Resserré, peaufiné, débarrassé du « too much » qui brouille la lecture, la pièce pourrait faire renaître Artemisia Gentileschi intensément de ses cendres et la sortir une nouvelle fois de l’ombre.

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Avignon

 Artemisia Gentileschi D’après le texte It’s true, it’s true, it’s true d’Ellice Stevens et Billy Barrett et les transcriptions du procès intenté à Agostino Tassi en 1612. 
Le Groupe Vertigo
Festival Off d’Avignon
Théâtre du Train Bleu
40 rue Paul Saïn
84000 Avignon
Jusqu’au 27 juillet 2022 à 20h20

Mise en scène de Guillaume Doucet
avec Philippe Bodet, Gaëlle Héraut, Bérangère Notta, Chloé Vivarès
Création lumière de Nolwenn Delcamp-Risse
Régie lumière d’Adeline Mazaud
Composition/création/régie son – Maxime Poubanne
Régie plateau de Mélanie Fidalgo

Crédit photos © Caroline Ablain

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