Gabriel Garran © Richard Schroeder

Gabriel Garran, l’Archangelet s’est envolé

Gabriel Garran, metteur en scène et fondateur du théâtre de la Commune, s'en est allé vendredi 6 mai 2022.

Décidément ce mois de mai 2022 commence bien tristement pour le monde de la culture et du théâtre. Ce vendredi 6 mai, à l’âge de 93 ans, Gabriel Garran est décédé. Saluons ce grand homme de théâtre qui construisit la décentralisation en banlieue et défendit la langue française.

C’est un pan de l’histoire du théâtre qui se referme aujourd’hui. Qui aurait pensé que ce fils d’émigrés  polonais, qui échappa aux nazis durant la Seconde Guerre mondiale, allait écrire une grande page dans l’histoire de la défense de la langue française, de la francophonie et du théâtre. Il faut lire son livre, Géographie française aux éditions Flammarion, ce récit où il évoque son initiation à la fois affective, littéraire et politique. C’est à la Libération, comme beaucoup d’autres, qu’il entra dans l’univers du théâtre en devenant animateur dans des groupements de jeunesse. Il s’inscrivit ensuite au cours de la grande Tania Balachova, qui fut Inès des Mains sales de Jean-Paul Sartre. Très vite, il fonde sa compagnie, appelée Théâtre Contemporain. Dès le début, il donne le ton à ce ,qu’il va, tout au long de sa carrière défendre.

Géographie Française

Gabriel Garran ©Archives Théâtre de la Commune et A.R.T.

Ces années d’après-guerre, où tout est à reconstruire, sont celles de l’étonnante épopée de la décentralisation théâtrale à travers les régions de France. Or pour Gabriel Garran, la banlieue qui connaît  le même désert culturel, mérite autant d’attention que la province. Pour lui : L’avenir du théâtre appartient à ceux qui n’y vont pas. Avec le soutien et l’aide de Jack Ralite, alors adjoint au maire d’Aubervilliers, il rédige un projet d’implantation d’un théâtre populaire aux portes de Paris. En 1965, le Théâtre de La Commune d’Aubervilliers, premier théâtre permanent en banlieue, est créé. En 1971, le lieu est promu Centre Dramatique National. Il le dirigera pendant 20 ans, deux décennies qui permirent à de nombreux artistes, auteurs, metteurs en scène et comédiens de trouver leur place.

Les enfants de la Commune

Garran et Ralite, aubervilliers © DR

En 1985, il fonde le TILF, Théâtre International de la Langue Française, qui fut itinérant, avant de s’installer au Pavillon du Charollais au parc de la Villette. La mission du TILF est la création d’un répertoire reflétant la diversité des trajectoires de la langue française à travers le monde. Et elle rayonne notre langue. Ainsi, grâce à lui, les auteurs de la francophonie ont trouvé leur place. Et, pour avoir beaucoup fréquenté ce lieu, je sais qu’il nous a ouvert des portes vers de beaux horizons. En 2004, il quitte la direction et lance le Parloir Contemporain, qui a pour axe la recherche contemporaine, francophone et féminine et pour objectif le point de rencontre entre littérature, théâtre et poésie.

La délicatesse

Gabriel Garran © Graziella Riou

Il a signé de nombreuses mises en scène. Pour ma part, je n’en ai vues que deux, mais elles m’ont laissé un souvenir marquant. En 1997, à la reprise au théâtre Déjazet, Faucon de Marie Laberge, avec l’émouvante Myriam Boyer. Son travail était de toute beauté, simple et efficace, marquant, par un jeu de lumières, le temps qui s’écoule, instaurant une atmosphère. En 2002, Prodige de Nancy Huston, au TILF. Il avait su faire « raisonner » avec tendresse cette magnifique partition, portée par Francine BergéJosiane Stoléru et Delphine RivièreGabriel Garran était un homme délicat, d’une grande douceur. Il vous regardait toujours avec tendresse, vous remerciant de l’attention que vous  montriez à son travail. Pour tout ce qu’il a apporté au théâtre, nous l’en remercions. Adieu, Monsieur.

Marie-Céline Nivière

Photos © Richard Schroeder, © Archives théâtre de la Commune et A.R.T, © Dr & © Grabiella Riou

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