Justine Berthillot © Ximena Castro

Justine Berthillot, cœur battant d’une forêt

En ouverture du festival Transdanses à l'Espace des Arts, Justine Berthillot investit le salon panoramique avec Notre Forêt.

En ouverture du festival Transdanses, qui se tient jusqu’au 26 novembre 2021 à l’Espace des Arts à Chalon-sur-Saône, Justine Berthillot investit le salon panoramique et invite les spectateurs, en petit nombre, à plonger au cœur d’une forêt ancestrale autant qu’intime, peuplée d’étranges et fantastiques créatures. Corps gracile, mouvements précis, gestes emplis de grâce, l’artiste circassienne enchante et envoûte dans ce solo éblouissant. Rencontre. 

Notre Forêt de Justine Berthillot © Julie Mouton

Quel est votre premier souvenir d’art vivant ? 
Je n’ai pas de souvenir précis, si ce n’est du théâtre en tant que lieu, les halls, ses fauteuils. Mes premières rencontres avec l’art vivant passe par mes expériences de spectatrices, avec des spectacles de théâtres, des classiques que ma mère m’emmenait voir. Un souvenir, ou une sensation plutôt, cet Arlequin farceur et coloré qui était comme une aberration fantasque, et qui m’a marqué par sa liberté de jouer, de se moquer et d’être moqué. Mais plus généralement, je me souviens d’abord des langues, des mots qui vibrent entre les murs.


Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ? 
Le déclencheur s’est fait plutôt tardivement – ou pas, en tout cas un peu concernant les carrières dans les arts du cirque – , à mes 21 ans. Après deux sublimes, et un peu folles années, en classe préparatoire littéraire, j’entre donc directement en troisième année à l’Université Lyon 3 pour y passer ma Licence en Philosophie. Et, après ces deux années riches d’émulation intellectuelle, soudain me vient comme un profond ennui, la perte d’un sens, la découverte d’une étroitesse, et la révélation philosophique du besoin de penser et d’être en présence à nos corps. Alors, je n’avais aucune idée pré-conçue de comment réagir à cela, mais quelqu’un est arrivé et m’a dit “Tu devrais te présenter à l’École de cirque de Rosny-sous-Bois”. Je ne savais pas que des écoles existaient, ne concevais pas du tout la possibilité d’en faire un métier, et pourtant, sans savoir où j’allais, j’ai candidaté, et suis entrée à l’ENACR, puis au CNAC.

Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être artiste circassienne ? 
Une nécessité de corps, nécessité plus totale qui est encore là aujourd’hui dans chaque création que j’entame. Il est difficile pour moi de répondre à cette question tant je découvre et réalise toujours a posteriori de mes pièces ce que j’ai mis dedans profondément et à quoi leur nécessité correspondait chez moi. Je crois que créer est pour moi, à la fois très intime et en même temps très connecté au monde, très philosophique. Il y a comme un croisement entre un processus d’auto-psychanalyse sans doute, et toutefois inconscient, et en même temps une vraie nécessité à penser le monde, et à mettre en rapport, à analyser. Je crois que dans chacune de mes créations, dans la rencontre avec d’autres artistes aussi, il y a le besoin de penser et chercher la faille, et d’en faire force. C’est pour cela aussi, que la rencontre avec l’écriture, et l’autrice qu’est Pauline Peyrade, a été notamment évidente. 

Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ? 
Je ne sais pas vraiment à quel spectacle j’ai d’abord participé, et ce qu’on entend par spectacle, mais je sais que ça a été d’abord un peu compliqué et douloureux. Que ce soit de la prime enfance avec mes galas de gymnastique et de danse, aux premiers essais de monstration en école de cirque ou carrément aux premiers spectacles de Jury ou de sortie d’école, je n’aimais pas vraiment être sur scène, j’y perdais mes moyens. Bizarrement, ça peut être encore compliqué pour moi d’être au plateau, c’est une expérience complètement paradoxale qui me terrorise et en même temps dont j’ai besoin, et que j’aime malgré la violence qu’il peut parfois encore y avoir dans l’acte de se laisser regarder. Maintenant, et avec mes propres créations, je vis de très beaux voyages, j’aime à traverser des états et les partager avec le public, c’est très fort d’être au plateau pour moi, je ne sais pas le vivre très légèrement, mais c’est aussi très joyeux !

Notre Forêt de Justine Berthillot © Loïc Nys

Votre plus grand coup de cœur scénique  ? 
Les soirs de Première, nos victoires. La force d’une équipe.

Quelles sont vos plus belles rencontres ? 
Je pourrais répondre de mille manières. J’ai envie de dire avec la vie, quand je sors du “faire”, quand je me sors des tunnels de la création et que je me souviens que de respirer est juste génial, et que j’ai la possibilité d’accueillir de sensations dans l’intimité d’un livre, en forêt, dans l’Océan. Des rencontres un peu existentielles et de plaisir pur, je dirais, ce sont les plus précieuses pour moi.

En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ? 
Je le fais avec passion. L’énergie créatrice est quelque chose de ravissant et qui se partage, on parlait de rencontres, mais elle crée des rencontres humaines et de visions complètement incroyables. Créer rend mon corps et ma pensée dynamiques et me permettent d’être en mouvement, c’est le mouvement qui est essentiel, je crois.

Qu’est-ce qui vous inspire ? 
Tout. Mais surtout, je crois, des pensées. Ensuite, je digère, je fais mien, je traduis et/ou ré-invente. À chaque création, je crois m’être inspiré plus ou moins lointainement d’une pensée, que ce soit dans les créations plutôt danse/cirque ou celles plus théâtrales avec Pauline Peyrade, avec qui on creuse des thématiques et construit de vraies bibliographies de travail. Sinon, pour Notre Forêt notamment, j’ai été inspirée par des concepts comme l’écologie du sensible ou des philosophies de l’écoute.

De quel ordre est votre rapport à la scène ? 
Ah, je crois avoir répondu à cette question plus haute, je vais parfois trop vite..!

Tiempo – Le Trident- Scène nationale de Cherbourg-en-Cotentin Conception et interprétation : Justine Berthillot et Juan Ignacio Tula Sur une proposition de Juan Ignacio Tula © Julie Mouton

À quel endroit de votre chair, de votre corps situez-vous votre désir de faire votre métier ? 
Les cellules et les muscles. Les cellules, parce que je crois que je travaille avec des mémoires présenteS dans mon corps, et auxquelles parfois, je trouve l’accès avec la scène et la création. Et puis les muscles, car il y a chez moi beaucoup d’impulsion, une énergie un peu brute qui impose un désir d’activité, d’intensité. Alors à ce désir, on tente de mettre de l’eau et de faire corps tranquillement, doucement et tendrement aussi.

Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ? 
Je n’ai jamais réfléchi à cette question, car je ne cristallise pas beaucoup, et j’admire un tas de choses chez les gens ! Mais, peut-être que j’aimerais travailler avec un.e réalisateur.trice, afin d’encore pouvoir contacter un autre langage artistique, jouer encore d’une autre manière. Incarner physiquement, plus ordinairement, comme j’ai pu la faire dans Carrosse que nous avons créé avec Pauline Peyrade, et dans lequel je joue une mère.

À quel projet fou aimeriez-vous participer ? 
jjxxxxxxxx.xxx@gmail.com !

Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ? 
Sarah Bernhardt !

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

Notre forêt de Justine Berthillot
Carte blanche à Justine Berthillot
Cirque – Danse
Transdanses
Festival du 16 au 26 novembre 2021
Danse – Electro
Espace des Arts
5B Av. Nicéphore Niépce
71100 Chalon-sur-Saône

Crédit photos © Ximena Castro, © Julie Mouton et © Loïc Nys

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