Skylight de David Hare. Mise en scène de Claudia Stavisky. Célestins - Théâtre de Lyon © Simon Gosselin

Claudia Stavisky et les affres du capitalisme

Aux Célestins, Claudia Stavisky répète Skylight de David Hare, une œuvre forte, sociale qu'elle a en tête depuis sa création à Londres en 1995.

Dans la grande salle des Célestins, Claudia Stavinsky donne les dernières touches à la mise en scène de Skylight de David Hare, une œuvre forte, sociale qu’elle a en tête depuis sa création par Richard Eyre à Londres en 1995. Entourée par trois merveilleux comédiens, Marie Vialle, de Patrick Catalifo et de Sacha Ribeiro, elle prépare bienveillante, enveloppante, l’ouverture de saison du célèbre théâtre Lyonnais. Un coup d’envoi ciselé et clairement engagé. 

Le soleil brille sur la capitale des gaules. Sur le parvis des Célestins, nombreux sont ceux qui prennent leur pauses déjeuners pour profiter des beaux jours de ce début septembre. Le temps est à l’oisiveté, à la douceur de vivre. L’ambiance est tout autre à l’intérieur du théâtre. Dans quelques jours, c’est la première de Skylight, pièce écrite par le dramaturge britannique David Hare dans les années post thatchériennes. Comédiens, techniciens, s’affairent. C’est l’heure des derniers ajustements, des ultimes vérifications. Attentive, Claudia Stavisky veille au grain. 

Une piéce dans la tête
Skylight de David Hare. Mise en scène de Claudia Stavisky. Célestins - Théâtre de Lyon  © Simon Gosselin

Il y a des pièces qui hantent, qui restent accrocher à nos mémoires, qui se rappellent à nous régulièrement. Pour la directrice des Célestins, Skylight fait partir de ces textes qui touchent au cœur, à l’âme, qui saisissent par leur capacité à parler du monde, d’un état de fait, de faire écho à nos quotidiens. « Quand j’ai vu le spectacle à Londres, se souvient-elle, ce fut un choc. J’ai été happée par l’écriture de David Hare. Elle répond en tout point à ce que je recherche dans les champs dramaturgiques que j’aime explorer, une manière unique de conjuguer l’intime et le politique. Rapidement, j’ai mis la pièce dans un coin de ma tête, celui réservé à mes désirs de mise en scène. » Le temps a passé. 

De Shangaï à Lyon
Skylight de David Hare. Mise en scène de Claudia Stavisky. Célestins - Théâtre de Lyon  © Simon Gosselin

L’occasion de monter le texte ne s’est jamais présenté jusqu’à la proposition du Shanghai Dramatic Arts Center (SDAC) de venir à Shanghai travailler avec les artistes de la troupe permanente. « Après une première expérience très concluante, raconte Claudia Staviskyils m’ont demandé si jamais des envies de mise en scène particulières. Lors d’une conversation tout à fait informer, j’ai listé quelques textes qui me revenait à l’esprit dont Skylight. Contre toutes attentes, d’autant que je ne voyais pas comment cette pièce très proche des préoccupations occidentales face à la mondialisation à outrance pouvait avoir des résonnances avec leur mode de vie, leur culture, ils m’ont demandé si j’aimerais la monter. Je n’ai pas pu résister. » Tout s’est enchainé très vite. En Chine, le succès a été au rendez-vous. Il n’y avait qu’un pas pour que l’artiste basée à Lyon décide qu’il était temps d’en présenter une version française. Encouragée par Pierre-Yves Lenoir, l’aventure est lancée. 

Un trio d’acteurs habités
Skylight de David Hare. Mise en scène de Claudia Stavisky. Célestins - Théâtre de Lyon  © Simon Gosselin

Très vite, Claudia Stavisky s’attèle à monter le projet. Le choix de la distribution se fait dans la foulée. Patrick Catalifo, avec qui elle a déjà, travaillé s’impose avec évidence pour le rôle de Tom, sorte de Tapie de la restauration, qui a construit un empire à partir de rien. Le jeu sincère, tout en délicatesse, et vérité de Marie Vialle, fait mouche pour incarner Kyra, jeune femme rêveuse, qui, à coups de désillusions, va finir par s’émanciper de toute tutelle patriarcale. Enfin, la fougue de Sacha Ribeiro, sorti, il y a peu de l’Ensatt Lyon colle parfaitement à la personnalité d’Edward, fils désabusé et en colère contre ce père sûr de lui, sa réussite éclatante, son incapacité à remettre en question ses principes. Sur scène, c’est l’osmose. La complicité, qui réunit les trois artistes, insuffle la vie à la pièce de David Hare, lui donne une belle intensité, l’ancre dans le présent. 

Filage de dernières minutes
Skylight de David Hare. Mise en scène de Claudia Stavisky. Célestins - Théâtre de Lyon  © Simon Gosselin

Sur le plateau, la très belle et réaliste scénographie de Barbara Kraft, aux faux airs de Dogville de Lars von Trier, livre dans son entièreté l’appartement de Kyra. Construite de manière très classique, Skylight respecte l’unité de lieu, de temps et d’action. Tout se déroule une nuit froide, où tour à tour, le père et le fils, retrouve Kyra, qui fut maitresse du premier, nounou du second. Histoire d’amour, de passion, de vie fracassée, la pièce de David Hare touche du doigt les conséquences d’un capitalisme sauvage sur nos quotidiens. « Le texte n’a pas pris une ride, explique Claudia Stavisky, il est d’une telle lucidité, d’une telle force, qu’il semble avoir écrit hier. C’est d’ailleurs très troublant de voir comment la société française a rattrapé celle d’outre-manche dans le délitement des aides et du tissu social. » Bien que le filage soit une allemande, c’est-à-dire une répétition des déplacements en mode rapide, permettant notamment d’affiner, de fixer les dernières ajustements techniques et artistiques, tout est là, en accéléré, en pas cadencé. Le jeu tout en finesse des comédiens, la mise en scène au cordeau, donne à la pièce toute sa contemporanéité, sa puissance dénonciatrice du système pervers de la mondialisation. 

Afin de garder vivace la surprise de la découverte, il est temps de s’éclipser, de laisser travailler, artistes et techniciens. Le séjour lyonnais fut prometteur, l’attente n’est plus très longue avant de voir enfin la pièce dans le bon ordre et dans son intégralité. Claudia Stavisky a su mettre l’eau à la bouche. Dans quelques jours, le bel essai devrait sans nul doute être confirmé. 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Lyon

Skylight de David Hare
Célestins – Théâtre de Lyon

4 Rue Charles Dullin
69002 Lyon
Du 15 septembre au 3 octobre 2021
Durée 1h50 environ

Mise en scène de Claudia Stavisky assistée d’Alexandre Paradis
Adaptation de Dominique Hollier
Avec Patrick Catalifo, Sacha Ribeiro, Marie Vialle
Scénographie et costumes de Barbara Kraft
Lumière de Franck Thévenon
Son de Jean-Louis Imbert 
Construction décor – Artom Atelier
Costumes de Bruno Torres et Florian Emma  

Crédit photos © Simon Gosselin

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