Maelström de Fabrice Melquiot. Bernardines. Mise en scène de Marie Vauzelle. © Romain Debouchaud

Handicapée, et alors ?

Aux Bernardines, Marie Vauzelle s’empare de Maelström de Fabrice Melquiot, l’histoire d’une jeune sourde de 14 ans.

Aux Bernardines, Marie Vauzelle s’empare de Maelström de Fabrice Melquiot, l’histoire d’une jeune sourde de 14 ans confrontée aux premiers émois amoureux et aux regards sentencieux des autres. Esquissant le combat salvateur de l’adolescente face à une société étriquée et normée, la metteuse en scène, basée à Arles, peaufine doucement ce monologue en quête d’absolu. 

Marseille sous la pluie est bien triste. Les quelques personnes dans les rues en ce vendredi après-midi, se pressent pour se mettre à l’abri. Devant les Bernardines, une chapelle désacralisée, devenue en 1987 théâtre d’essai dédié à la création et à la recherche, les grilles laissent passer au compte-gouttes quelques professionnels, venus assister à un filage de Maëlstrom. Publiée en 2018, cette pièce de Fabrice Melquiot est une commande du Théâtre du Rivage, qui a déjà fait l’objet d’une adaptation au festival d’Avignon 2019, par Pascale Danielle Lacombe. 

Premier amour blessé 

Le monde des enfants est sans pitié. Il faut rentrer dans la norme à marche forcée. La moindre faiblesse, la plus petite différence, et c’est la mise au ban de la société, c’est essuyer tout un chapelet de quolibet. Vera (Louise Arcangioli) a 14 ans. Elle est blonde, charmante. Tout devrait lui sourire. Un seul détail, une oreillette et un implant auditif rouge vif, trahi son handicap. Elle est malentendante. Ce ne serait pas si grave, si les flèches de Cupidon n’avaient pas percé son cœur. Amoureuse, elle l’est d’un jeune homme de sa classe. Malheureusement ; malgré une certaine tendresse qu’il lui porte, il ne peut faire fi de son infirmité. La sentence tombe, il ne peut être avec elle, il faut qu’elle l’oublie.

Colère salutaire

L’humiliation est terrible pour la jeune adolescente. La blessure infligée déclenche au plus profond de ses entrailles une violente et salvatrice colère. Errant dans les rues, sur les toits, elle hurle sa peine, déverse sa diatribe sur une ville endormie. Rien ne peut l’arrêter, l’apaiser. Il faudra qu’elle se confronte à l’image d’elle-même, suicidaire et vieillie de plusieurs années, pour avancer, faire la paix et enfin s’accepter. 

Des mots hachés 

Se confrontant à la dureté de prononciation pour une enfant malentendante, Fabrice Melquiot signe un texte âpre, rugueux, douloureusement audible, à dessein. Son écriture si fluide en temps normal, se fait tranchée, tronçonnée. Elle respire la fureur, la rage, la difficulté à mettre des mots face à l’incompréhensible. Elle oblige à faire un effort, à entendre la voix de la différence, du handicap. Le style déroute au risque de laisser sur le bas-côté quelques spectateurs. 

Une mise en scène en construction 

C’est une gageure de s’emparer d’une telle pièce. Elle demande une attention particulière, un travail de diction, un regard singulier. Marie Vauzelle s’y emploie avec un bel engagement, ciselant le jeu brut de sa comédienne. C’est un choix assumé, qui demande encore un peu de resserrage, de dosage. Continuant à peaufiner sa mise en scène, le confinement ayant ralenti sa progression, la metteuse en scène cherche encore l’équilibre entre des effets trop appuyés et une épure nécessaire pour faire entendre la parole de Vera, les mots de Melquiot

La musique jouée en direct par le jeune Léopold Pélagie est l’atout charme de ce Maeström en devenir. Un peu de temps, de lissage – imposé par la fermeture des théâtres au public – devrait joliment bonifier ce monologue puissant qui creuse avec une belle lucidité les tourments de l’adolescence.

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

Maelström de Fabrice Melquiot
Répétitions aux Bernardines 
17 Boulevard Garibaldi
13001 Marseille
Durée 1H environ

Mise en scène de Marie Vauzelle assistée de Lison Rault
avec Louise Arcangioli
Musicien – Léopold Pélagie
Création sonore de Josef Amerveil
Création lumières d’Yann Loric
Création vidéo de Raphaël Dupont

Crédit photos © Romain Debouchaud

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