Au Cado d’Orléans, qu’il dirige, le metteur en scène Christophe Lidon nous offre une nouvelle version de Mademoiselle Julie. Un spectacle brûlant et brillant comme les feux de la Saint-Jean.
La première du spectacle était prévue le 20 mars 2020, puis il devait se jouer au Festival OFF d’Avignon. Mais la Covid est passée par là. Le Cado a fermé ses portes, le OFF a été annulé. Le voilà enfin, en ouverture de saison, sur cette très belle salle orléanaise. Acceptant les mesures sanitaires et la distanciation, les nombreux abonnés, trop heureux de retrouver leur théâtre, ont répondu présent. Le spectacle affiche complet. Rassurez-vous, il sera, en juillet, à l’affiche du théâtre des Halles au Festival Off d’Avignon et on l’espère, assez vite, dans une salle parisienne.
Jeune femme en feu
Mademoiselle Julie de Strindberg est un classique du théâtre contemporain. Montée par divers metteurs en scène, l’année 2020 a été son année. On croit connaître l’œuvre, mais chaque nouvelle lecture nous prouve qu’il y a toujours quelque chose à découvrir. En explorant les méandres du mal-être d’une jeune femme perdue dans un monde où elle ne trouve pas sa place, Christophe Lidon et Michael Stampe, qui signent une excellente adaptation, mettent le prisme sur les failles de Julie. Qu’est-ce qui fait qu’elle se comporte ainsi ? Doutant sur son présent et surtout son avenir, prise en étaux entre les visions de la vie, totalement opposées de ses parents, elle ne sait pas qui elle est et ce qu’elle désire vraiment. Dans cette nuit chaude et spéciale de la Saint-Jean, totalement perdue, elle va s’égarer, jusqu’à l’acte ultime.
Épatante Sarah Biasini
Ici, Julie n’est pas uniquement une petite fille riche capricieuse et tourmentée par la chair, c’est un être fragilisé par un univers déséquilibré. Au premier acte, elle croit dominer, cherche à déséquilibrer le monde qui l’entoure, celui des maîtres et des valets. Elle est alors lumineuse. Puis, prise dans son jeu du chat et la souris, elle va se troubler pour finalement chuter. Sarah Biasini est exceptionnelle dans ce rôle, jouant sur tous les registres, avec une grâce et une sincérité telles que l’on ne peut que s’attacher à son personnage. Dans une précision raffinée, elle en dévoile toutes les fragilités, les troubles et les faiblesses.
Yannis Baraban, monstrueusement humain
Le personnage de Jean prend également une ampleur différente. Il a des rêves, dont le principal et celui de sortir de sa condition. Scrupuleux, il prévient Julie qu’il est dangereux de jouer avec le feu, car il n’est pas de bois. Il aime donner des leçons, manipuler. Usant de ces charmes et de sa force, il va mettre la jeune femme plus bas que terre. Son seul scrupule, déplaire à Monsieur le Comte. Comme pour le personnage de Julie, celui de Jean va crescendo dans ses sentiments et ses actes. Yannis Baraban, formidable, incarne la sensualité et la dureté de cet homme, qui, le temps d’une nuit, va, comme une revanche sur sa condition, s’offrir la fille du maître.
Déborah Grall, en toute austérité
Le personnage de Christine gagne beaucoup dans ce spectacle. Elle est celle qui demeure droite dans ses bottes et ses principes. Vêtue de noir, en opposition à la robe blanche de Julie, comme une vieille dame avant l’âge, Christine sait que chacun doit rester à sa place. Déborah Grall est parfaite dans ce rôle, austère mais si pleine de bon sens et d’appétit de vivre.
Une mise en scène de belle facture
On aime les mises en scène de Christophe Lidon depuis bien longtemps. Ses spectacles, toujours d’une belle facture, sont de véritables enchantements de théâtre. Une fois encore, il a su nous toucher. Sa scénographie, comme toujours, est d’une grande finesse et de toute beauté. J’ose le dire, il m’a réconciliée avec Mademoiselle Julie. Merci.
Marie-Céline Nivière
Mademoiselle Julie d’August Strindberg
Au Cado, centre national de Créations Orléans-Loiret
Jusqu’au 29 septembre2020
Durée 1h20
Tournée
Juillet 2021 au Théâtre des Halles dans le cadre du Festival Off d’Avignon
Mise en scénographie Christophe Lidon
Avec Yannis Baraban, Sarah Biasini, Deborah Grall
Version scénique de Michael Stampe
Costumes Chouchane Abello-Tcherpachian
Images de Léonard
Lumière de Cyril Manetta
Musique Cyril Giroux
Crédit photos © Cyrille Valroff