Danse(s) par-delà les ténèbres

Grégory Maqoma fait danser les ombres de la mort en ouverture du Festival de Marseille.

En ouverture du Festival de Marseille, le chorégraphe Sud-Africain Grégory Maqoma, propose une danse transcendantale et hypnotique qui emprunte ses codes aux rituels funéraires. Revisitant le Boléro de Ravel, il délivre avec ses danseurs, ses chanteurs, ses musiciens, un poétique message d’espoir. La mort n’a qu’à bien se tenir. 

Des sanglots longs déchirent l’obscurité. Ils deviennent litanies, complaintes. Lentement, une lumière rasante éclaire le plateau révélant une forêt de croix ainsi qu’une silhouette courbée. Voix aigue, démarche lancinante secouée de soubresauts, l’homme erre dans un cimetière, pleure ses morts. Imperceptiblement, un tambour accompagne ses lamentations. En filigrane, le motif musical itératif du Boléro de Ravel rythme la cadence des percussions. 

Suggérée, revisitée, le chef d’œuvre du compositeur français sert de colonne vertébrale à ce singulier et onirique ballet, qui emprunte autant aux traditions sud-africaines qu’à des influences plus occidentales, plus contemporaines. Du combat violent, acharné, d’un chef de tribu avec un de ses soldats, à des rites chorales où les corps des danseurs se meuvent à l’unisson, en passant par un break de street dance, à un tableau rappelant étrangement quelques scènes évoquant les plaines sauvages du Far West, Grégory Maqoma entremêle les genres, les styles, évoque les amitiés viriles, les rites ancestraux permettant d’éloigner la mort, d’en avoir moins peur. 

Les chants zoulous, interprétés en direct, donnent le tempo à cette fresque lyrique et soulignent l’écriture chorégraphique sensible, émouvante de l’artiste, né à Soweto en 1973. Jouant sur les clairs-obscurs, enrobant le plateau d’un voile noir, il invite ses danseurs virtuoses à repousser les ténèbres, à entrer dans la transe. S’inspirant Du livre Ways of Dying, de l’auteur Zakes Mda, qui conte les errances d’un pleureur professionnel en Afrique du Sud au cours de la période de transition qui a mis fin de l’Apartheid, Grégory Maqoma transforme les larmes en éclats de rires, la mélancolie, la tristesse en joie féroce. 

Transporté par cette danse hypnotique, cette musique envoûtante entre occident et continent africain, le public charmé réserve à Cion : le Requiem du Bolero de Ravel, un standing ovation amplement méritée. 

En marge de cette magnétique et bouleversante performance qui a pour écrin le Théâtre de la Criée, deux autres manifestations ouvrent les festivités. Au parc Borely, plus de 300 amateurs se réapproprient, avec spontanéité et énergie, Le Sacre du printemps de Stravinsky, sous le regard bienveillant des chorégraphes Yendi Nammour, Isabelle Cavoit et Samir M’Kirech. Au MAC vide de toute œuvre, Eric Minh Cuong Castaing met une partie du Ballet de Marseille, ainsi que quelques volontaires amateurs Sous influence de la musique éléctro sensorielle du duo DJ Yes sœur !, jusqu’au bout de la nuit. À chacun d’entrer dans la danse, art au cœur du Festival de Marseille !

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – envoyé spécial à Marseille


Cion : le Requiem du Bolero de Ravel de Gregory Maqoma
Festival de Marseille
Théâtre de la Criée
30, quai de Rive Neuve
13007 Marseille
jusqu’au 16 juin 2019
durée 1h10


Conception et chorégraphie de Gregory Maqoma
Assistant à la chorégraphie et à la dramaturgie Shanell Winlock
Assistant aux répétitions Lulu Mlangeni 
Avec les danseurs Otto Andile Nhlapo, Roseline Wilkens, Thabang Mojapelo, Smangaliso Ngwenya, Katleho Lekhula, Itumeleng Tsoeu, Lungile Mahlangu, Ernest Balene, Nathan Botha 
Avec les Musiciens Thabang Mkhwanazi, Sbusiso Shozi, Simphiwe Bonongo, Xolisile Bongwana Président du conseil d’administration du Vuyani Dance Theatre Thandiwe Msibi
Direction musicale et composition de Nhlanhla Mahlangu 
Aide à la composition Xolisile Bongwana 
Costumes de BlackCoffee 
Scénographie et direction technique d’Oliver Hauser 
Création lumière de Mannie Manim 
Accessoires de Wesley Mabizela 
Création sonore deNtuthuko Mbuyazi 
Régie son de Katleho Mokgothu 

Crédit photos © Siphosihle Mkhwanazi et © Pierre Gondard

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