Boule de suif de Maupassant. André Salzet. Sylvie Blotnikas. Lucernaire. © Michel Paret

André Salzet sur les traces de la courtisane de Maupassant

Au théâtre du Lucernaire, après Zweig et Flaubert, André Salzet s’attaque à Guy de Maupassant et son bouleversant Boule de suif.

Au Lucernaire, poursuivant son exploration des grands romans du XIXe siècle, André Salzet s’attaque à Maupassant et son bouleversant Boule de suif. Un portrait toute en finesse d’une femme au grand cœur que les biens pensants briseront.

Fuyant l’invasion prussienne, pendant la guerre de 1870, des notables, des aristocrates, deux religieuses et un républicain prennent une diligence pour fuir Rouen. Une femme se joint à eux, « une de celles appelées galantes, était célèbre par son embonpoint précoce qui lui avait valu le surnom de Boule de Suif ». Le trajet jusqu’au Havre se révèle tout sauf un havre de paix et chacun dévoile le fond de son âme. 

Un goût pour les belles lettres
Boule de suif de Maupassant. André Salzet. Sylvie Blotnikas. Lucernaire. © Michel Paret

Après Le joueur d’échec de Zweig, Madame Bovary de Flaubert, c’est en toute logique qu’André Salzet aborde la langue de Maupassant. Par son style narratif, les récits de ce grand auteur se prêtent à l’art scénique. Il manie l’art de la description comme un cinéaste le ferait avec sa caméra, fait dialoguer ses personnages comme les héros d’une pièce. L’adaptation va en ce sens. Elle est construite  comme les feuilletons littéraires qui tenaient en haleine les lecteurs des journaux du XIXe siècle. C’est bien fait et, même si l’on connaît l’histoire, on ne perd pas une miette du récit.

Un touchant seul-en-scène

André Salzet est à l’aise avec ce style théâtral qu’est le seul en scène. Le comédien est un excellent diseur de textes. Il est tour à tour narrateur, installateur du décor et de l’ambiance, mais aussi protagonistes de ce drame social. Il le fait avec gourmandise, jouant des mots, des situations, brossant d’un trait subtil les diverses  personnalités. L’univers de Maupassant est tel qu’il n’est nul besoin de surcharger, la metteuse en scène Sylvie Blotnikas a libéré le plateau, où se trouve juste une table et un carré de lumière, pour tout centrer sur le comédien. La magie opère, car l’on voit tout, la diligence, l’auberge. Mais le plus marquant est lorsque l’acteur, dans une interprétation remplie d’empathie raconte le désespoir de la fille de joie, qui devant l’attitude des autres, n’a plus que ses beaux yeux pour pleurer. 

Un parallèle fascinant

C’est fou comme le récit de cet exode de 1870 fait songer à celui de 1940 et par sa finalité à ce qui se passa ensuite en 1945. Comme quoi l’être humain est fidèle à ses bassesses. Maupassant dans cette nouvelle s’attaque aux thèmes, tristement indémodables, que sont la guerre, la défaite, l’occupation et surtout l’hypocrisie de la société, surtout celle des biens pensants. Ce texte n’est malheureusement pas prêt de perdre son actualité.

Marie-Céline Nivière
Boule de suif de Maupassant. André Salzet. Sylvie Blotnikas. Lucernaire. © Michel Paret

Boule de suif de Guy De Maupassant
Le Lucernaire
53, rue Notre-Dame des Champs
75006 Paris
Jusqu’au 18 octobre 2020
Durée 1h00
Du mardi au samedi aÌ 18h30 et le dimanche aÌ 15h

Adaptation d’André Salzet et Sylvie Blotnikas
 Mise en scène de Sylvie Blotnikas
Avec André Salzet CréationLumières d’Ydir Acef
Musique de César Franck 

Crédit photos © Michel Paret

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