Des nouvelles de La Comédie de Reims

A Reims, Chloé Dabert invite la première quinzaine de juillet, à l'heure de l'apéro, à partager autour du théâtre et du spectacle vivant.

Après l’arrêt brutal des spectacles le 13 mars dernier, La Comédie de Reims reprend doucement vie. Sa directrice, Chloé Dabert invite, le temps de l’apéro, les amoureux du texte, les passionnés de culture et les néophytes, à des lectures et à quelques spectacles, afin de finir en beauté cette saison et pouvoir regarder l’avenir avec sérénité. 

Comment s’est passé le confinement ? 

Chloé Dabert : Plutôt bien aux vues des circonstances. Nous n’avons jamais arrêté de travailler afin de maintenir La Comédie en ordre de marche, prête à repartir au plus vite. Nous avons fait, comme dans la plupart des théâtres et des entreprises, beaucoup de Zoom et de téléconférences. Les journées ont défilé très vite. Et surtout, j’ai la chance de ne pas avoir eu de drame proche. Après nous avons été longtemps en zone orange. Le temps du déconfinement a été plus long qu’ailleurs. La classe a repris timidement début juin. Quelques résidences sont prévues jusqu’à mi-juillet, puis ensuite fin août. 

Est-ce que cette étrange période a modifié votre manière d’aborder le théâtre ? 
Extérieur de la Comédie de Reims © Vince VDH

Chloé Dabert : Honnêtement, je ne sais pas. Je ne crois pas. On a tous vécu la même chose. Certes nous étions chacun dans nos bulles, mais nous étions tous ensemble finalement, face à cette chose là, ce virus, cet enfermement. Pour ce qui est de la manière de travailler, je ne suis pas sûre non plus qu’elle ait changé. Disons que la période étant compliquée, car pas choisie et frustrante, il faudra du temps pour en digérer toutes les réflexions, toutes les conséquences. Mais clairement, ce n’a pas été pour moi un moment créatif. La gestion du théâtre, des annulations, des reports, ainsi que la préparation de la saison à venir ont occupé largement tout mon temps. 

Est-ce que, cet isolement, vous a amené à vouloir dans vos futurs spectacles traiter de certaines thématiques ? 

Chloé Dabert : Non, pas vraiment. J’ai plutôt bien accepté cette situation. Je l’ai plutôt bien vécue. Bien au contraire, j’ai découvert notamment que je pouvais très bien travailler de chez moi, sans avoir à courir partout, tout en voyant quand même les gens mais autrement. Cela m’a permis de me recentrer sur l’essentiel, sur des choses importantes, être peut-être même plus efficiente. C’est un mode de fonctionnement qui me va bien, qui me permet de profiter de mon métier bien sûr, mais aussi des miens. Cela ne touche pas à l’artistique mais cela questionne sur soi, sur son mode de fonctionnement, sur son rapport à l’humain. C’est un moment finalement qui m’a permis de prendre le temps de la réflexion, de laisser maturer certaines idées, de repenser différemment mon engagement, mes habitudes de vie et ma manière de travailler. Bien sûr, il y a toujours une période où le metteur en scène est seul face à lui, face aux mots d’un auteur. Il doit les apprivoiser. Il a besoin de rêver, d’écrire, de se laisser porter par sa propre vision de la pièce à venir. Pour créer un spectacle, faire du théâtre, il faut être plusieurs. On a besoin des autres, de leurs regards, de leurs présences, pour appréhender un texte, lui donner vie. Et puis, il y a le public. Il est essentiel pour que nos œuvres existent. 

Est-ce que cela vous a manqué ? 
Girls and Boys de Dennis Kelly - Mise en scène de Chloé Dabert avec Bénédicte Cerutti © Victor Tonelli

Chloé Dabert : Le confinement est arrivé à une période très singulière pour moi. J’étais en création. La première de Girls and Boys de Dennis Kelly avez eu lieu quatre jours avant l’annonce de la fermeture des théâtres. On a joué deux fois normalement. Puis nous avons dû réduire la jauge à moins de 100 personnes. Cela avait un côté pré-apocalyptique. Et enfin le samedi soir, nous avons baissé le rideau, alors qu’il nous restait encore une semaine de programmation. On a fermé le théâtre, les décors encore en place. C’était assez étrange. On s’est dit au revoir en espérant se voir fin avril au Rond-Point. Les circonstances en ont voulu autrement. J’avoue avoir eu un pincement Au cœur, un coup de blues le jour où l’on devait monter le plateau à Paris. Le contexte a pris le dessus. Étant dans le Grand-Est, nous étions au cœur d’un des plus importants foyers de pandémie. 

Quel est l’avenir de cette pièce ? 

Chloé Dabert : Après moult rebondissements et retournements de situation, nous n’avons pu reporter Girls and Boys au Rond-Point qu’en 2021-2022. Par contre, la semaine que nous n’avons pas pu jouer en mars nous avons réussi à la caler à la Comédie la saison prochaine. Et comme le décor est toujours place, avec Bénédicte Cerutti nous avons décidé de reprendre en jauge réduite le spectacle pour trois dates en juillet lors des lectures-apéros qu’avec l’équipe de la Comédie nous avons mises en place pour faire vivre le théâtre cet été. 

Qu’est-ce donc ? 
Bar de la comédie de Reims © Vince VDH

Chloé Dabert : Faute d’avoir pu mener à bien notre saison et afin de retrouver le lien avec nos publics, nous avons inventé un temps suspendu, où des textes seront lus, par les artistes associés au théâtre, dans le petit jardin situé à côté du bar. Nous allons y installer une estrade et nous inviterons les gens qui le souhaitent à profiter, le temps de l’apéro, d’une lecture. Pour les plus petits, nous avons imaginé un principe similaire pendant le goûter.

Qu’en est-il de la saison 2020-2021 ? 

Chloé Dabert : Ne pensant pas honnêtement que les théâtres rouvriraient le 2 juin, nous avions pris la décision de l’annoncer qu’en septembre, le quatre plus exactement. Nous sommes donc restés sur cette ligne, ce qui nous laisse le temps de voir venir, en cette période encore pleine d’incertitudes. Toutefois la programmation est faite et ne devrait pas changer. Nous avons pris le parti autant que possible de reporter les spectacles que nous avons dû annuler au printemps. En tout nous avons une quarantaine de pièces qui seront jouées l’an prochain sur les plateaux de la Comédie. Nous avons aussi entièrement reporté la première édition de la biennale du printemps numérique. Par ailleurs, à l’Automne nous avons de nombreuses créations prévues. Pour ne pas fragiliser les compagnies, nous avons décidé de les maintenir coûte que coûte et quelles que soient les conditions sanitaires, en tout cas jusqu’à la première. Nous verrons bien comment cela va se passer. Nous réfléchirons avec les artistes sur comment présenter leur travail au public. 

Avez-vous une autre création à venir ? 
Portrait de Chloé Dabert Directrice de La Comédie de Reims © BenoitPelletier.photo

Chloé Dabert : Le planning a été un peu chamboulé. Mais je prépare pour les lycées dans le cadre du programme « lycéens citoyens : sur les chemins du théâtre »- anciennement Éducation et proximité – , un projet que nous menons en collaboration avec le TNS et La Colline-Théâtre national, je vais mettre un scène un texte que j’ai commandé à Christophe Honoré, intitulé Dear Prudence. Pour l’instant, la pièce n’est encore qu’à l’état débauche, je préfère garder un peu de mystère autour des thématiques qu’elle aborde. En parallèle de ça, je vais préparer pour la saison 2021-2022 un gros projet. Du coup, je devrais être bien occupée. J’espère que tout se passera bien.

Entretien réalisé par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

Crédit photos © Benjamin Pinard, © BenoitPelletier.Photo, © Victor Tonelli et © Vince VDH

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