Elliot Jenicot, un Satie pas comme les autres

A la Contrescarpe, Elliot Jenicot évoque Satie.

Jouant sur les ambiguïtés, les excentricités du personnage, son caractère irascible, loufoque, Laetitia Gonzalbes esquisse, au théâtre de la contrescarpe, le portrait tendre, humain du compositeur Erik Satie. Évoquant son style singulier entre surréalisme et minimalisme, elle offre à l’épatant Elliot Jenicot un rôle en or, et à sa jeune complice Anaïs Azit une belle partition. 

Qui est donc l’auteur des Gymnopédies, des Gnossiennes, de Trois morceaux en forme de poire ? Un artiste maudit, un peu fou, un compositeur de génie, incompris de son temps, un homme a la vie mouvementée, chaotique, tragique ? Un peu de tout cela. Avec une certaine légèreté, un lyrisme aérien, Laetitia Gonzalbes s’empare de cette personnalité unique et conte par touches son histoire. Né à Honfleur en 1866, Erik Satie doit faire face très tôt au deuil. Il n’a pas 7 ans quand sa mère, d’origine écossaise meurt et pas plus de 12 ans quand sa grand-mère paternelle est retrouvée inanimée sur une plage de la côte normande. Marqué à vie par ses deux disparitions, il se cherche dans la musique, invente son style, sa patte.

Partant d’un incident dans un asile, la fuite d’un homme, d’une jeune femme, lui grand, portant chapeau melon, elle toute fine, habillée d’une blouse blanche décorée d’étoiles noires, l’auteure-metteuse en scène s’amuse à déconstruire le mythe, à explorer la créativité de Satie pour mieux lui rendre hommage. Entremêlant réalité et fiction onirique, elle entraîne le public dans la tournée des bars montmartrois, à la rencontre de Cocteau, de Picasso, de la belle Suzanne Valadon. Elle parle de ses tocs – répondre à des lettres qu’il n’a ni lues, ni décachetées – , de ses peurs, de ses angoisses. Elle évoque son animosité rageuse envers les critiques qui n’ont jamais compris son travail. Elle lève le voile pudiquement sur l’intimité de l’homme, bien au-delà de l’artiste. 

S’appuyant sur les très belles et inventives animations de Suki qui viennent souligner le propos, Laetitia Gonzalbes signe un spectacle délicat, poignant, qui malgré quelques facilités d’écriture, séduit et réhabilite la figure mal connue du compositeur honfleurais. Entre déprime et alcoolisme, entre amour déçu et perte d’appétit de vivre, suite à la mort d’un proche, Satie apparaît en filigrane, magnifiquement interprété par Elliot Jenicot. Sensible, drôle, troublant, le comédien habite la scène, l’illumine. Face à lui, la jeune Anaïs Yazit se révèle bouleversante, vibrante. Un duo d’acteurs qui touche au cœur, un récit joliment concocté, Je m’appelle Erik Satie comme tout le monde tient ses promesses. Une soirée théâtrale à caler a plus vite ! 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore


Je m’appelle Erik Satie comme tout le monde de Laetitia Gonzalbes
Théâtre de la Contrescarpe
5, rue de Blainville
75005 Paris
Jusqu’au 4 janvier 2020
Du mardi au samedi à 19h
Durée 1h10


mise en scène par de Laetitia Gonzalbes
Avec Elliot Jenicot et Anaïs Yazit
Création musiques et sons de Tim Aknine et David Enfrein
Création costumes et décors de Claire Avias 
Illustrations et animations de Suki
Voix-off Laetitia Gonzalbes, Jennifer Karen et Axel Krot

Crédit photos © Fabienne Rappeneau

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