Le Chien, la nuit et le couteau de Marius de Mayenburg, Munstrum théâtre ©Bekir Aysan
©Bekir Aysan

Le chien, la nuit et le couteau, un conte fantasmagorique inquiétant et burlesque

A la manufacture Patinoire, Louis Arène et Lionel Lingelser nous plongent dans l'univers fantasmagorique de la pièce de Marius von Mayenburg.

Projeté dans un monde de ténèbres où l’humanité n’a plus droit de cité, un jeune homme tente désespérément de survivre et de sauvegarder la pureté de son âme. S’inspirant de la pièce éponyme de Marius von Mayenburg et de son univers cauchemardesque, Louis Arène signe une fable noire, poétique et décalée entre ombre et lumière. Une fantaisie trash, granguignolesque des plus savoureuses.

Un soir, de retour d’un dîner arrosé, M (fascinant François Praud) s’assoupit un instant. Quand il se réveille, rien n’est comme avant. Perdu sur une route déserte, un étrange masque comprime sa tête. Commence alors pour le jeune homme une nuit d’errance et de rencontres étranges et singulières. C’est tout d’abord un étrange et patibulaire gaillard (épatant Lionel Lingelser) qui croise son chemin. À la recherche de son chien, il engage la conversation. Très vite, tout est surréaliste. Les dialogues, les sous-entendus ne présagent rien de bon. M s’inquiète, tente d’apaiser la situation. Rien n’y fait, la confrontation dérape. L’homme s’effondre transpercé d’un coup de couteau. C’est le début d’une série d’évènements tragiques et involontaires qui vont transformer profondément notre héros, l’entraînant sur les pentes glissantes et dangereuses du vice.

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Bien décidé à ne perdre pas son âme et à préserver sa part d’humanité dans ce monde de cauchemar individualiste, M lutte de toutes ses forces contre ses nouveaux penchants meurtriers, épaulé par une étrange et accorte jeune femme (surprenante Sophie Botte). Rien, n’y fait chacune de sesdécisions l’entraînent toujours plus loin dans la noirceur et la barbarie, son inconscient délétère et destructeur prenant sur sa conscience lucide. Confronté aux désirs cannibales des habitants affamés de ce monde parallèle obscur, distordu et glauque, notre héros se libère inexorable de ses attaches, de ses principes espérant survivre à cette nuit terrifiante et spectrale.

Si l’univers horrifique dans lequel nous plonge Louis Arène et son complice Lionel Lingelser nous fascine et nous happe, c’est qu’il est parfaitement en accord avec l’écriture poétique, ciselée et noire de Marius von Mayenburg. Soulignant le surréaliste du texte, le jeune metteur en scène nous entraîne avec espièglerie et malice au plus prés de l’atroce histoire de M. Réveillant nos angoisses, il nous plonge dans ce monde fantasmagorique et cauchemardesque grâce à un dispositif bi-frontal du meilleur effet. Collant aux intentions du jeune dramaturge allemand, l’ancien pensionnaire de la Comédie-Française casse les codes et réinvente un théâtre de fantaisie grand-guignolesque et surréaliste à la fois gore et burlesque. Jouant sur le fil, il ne tombe jamais dans l’excès et nous invite à un voyage initiatique et singulier sur le chemin pavé d’embûches à la lisière de l’enfer.

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Portant des masques qui cachent le haut du visage, les comédiens s’en donnent à cœur joie et se glissent avec une étonnante facilité dans la peau monstrueuse et horrifique de leur personnage. En héros apeuré, délicat et incompris, François Praud séduit par sa naïveté fragile, sa bienveillance à l’égard des autres quels qu’ils soient. Son jeu en clair-obscur donne une profondeur humaine et vibrante à son personnage. Femme amoureuse, sœur schizophrène ou infirmière sanguinaire, Sophie Botte varie les genres et les tons pour notre plus grand plaisir. Enfin, Lionel Lingesler excelle dans l’interprétation des êtres les plus vils, les plus monstrueux, les plus odieux. Il s’amuse d’un rien et donne à chacun de ses rôles une dimension ubuesque, délirante et décalée.

Totalement captivé par ce conte sombre et acide où se révèlent, derrière le voile noir de la nuit, les pires penchants de l’humanité, on se laisse envoûté, hypnotisé par la mise en scène précise, énergique et très contemporaine de Louis Arène et par le jeu haut en couleur des artistes de la compagnie Munstrum Théâtre. Un cauchemar éveillé que l’on prend un malin plaisir à rêver. Magique !

Par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore


Le chien, la nuit et le couteau de Marius von Mayenburg
Festival d’Avignon le Off
La Manufacture – Patinoire
2 a, rue des écoles
84000 Avignon
jusqu’au 26 juillet 2017
tous les jours à 15h20 relâches le 12 et 19 juillet 2017
durée 1h50 trajet en navette compris

Le Monfort Théâtre
106, rue Brancion
75015 PARIS
Du 8 au 19 janvier 2019
Durée 1h20

Mise en scène de Louis Arène
Traduction d’Hélène Mauler et René Zahnd
Conception : Lionel Lingelser et Louis Arene.
avec Lionel Lingelser, François Praud, Sophie Botte
Dramaturgie de Kevin Keiss
Lumière de François Menou
Son de Jean Thévenin
Costumes de Karelle Durand assistée de Camille Loos et Julien Antuori
Masques de Louis Arène
Scénographie de Louis Arène et Amélie Kiritzé-Topor
Compagnie Munstrum théâtre

Crédit photos © Bekir Aysan

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