Il tinte fortement, le fameux « Merdre » de ce Ubu Président ! Quelle belle idée de s’inspirer d’Ubu Roi pour évoquer notre époque actuelle et les dangers qui nous guettent. Né de l’imagination d’Alfred Jarry, un des précurseurs du mouvement surréaliste et du théâtre de l’absurde, ce personnage grotesque et démesuré est devenu le symbole universel de l’incohérence du pouvoir, du despotisme et de la cruauté.
Une satire piquante
Gardant tout l’esprit presque potache de l’œuvre originale, Mohamed Kacimi signe une satire moderne. Si on rit beaucoup à ce bel exercice de style, l’ascension de ce gros fainéant de Père Ubu jusqu’au Palais présidentiel fait froid dans le dos. Le dramaturge passe au crible tout ce qui dysfonctionne dans le monde politique actuel, en France et d’ailleurs. Il égratigne les médias, les influenceurs en tout genre, les diktats qui font gober n’importe quoi. Quant aux extrêmes, ils ne sont pas en reste. Le peuple, qui est versatile par nature, n’est pas épargné. Kacimi n’est pas un donneur de leçon mais un agitateur de pensée. Son texte touche juste.
Une belle esthétique
La mise en scène d’Isabelle Starkier s’inspire de l’univers visuel de Jarry. Ubu a ce gros ventre et son crâne en pointe. La mère Ubu déborde de partout. Le travail d’Aurore Popineau sur les costumes est extraordinaire. La scénographie est très ingénieuse. Toute l’action se déroule sur un ring et le rythme du spectacle est celui d’un combat.
Comme l’auteur a agrémenté son texte de chansons mises en musique par Alain Territo, la metteuse en scène a également pris le parti pris du cabaret. Les musiciens chanteurs Stéphane Barrière, Michelle Brûlé et Virgile Vauglade interviennent également dans le jeu, interprétant des personnages hauts en couleur. Clara Starkier, que l’on avait découverte dans Boxing shadows, est impressionnante en Mère Ubu. Tout à son aise dans le burlesque, Stéphane Miquel impressionne en Père Ubu. Bravo.
Ubu Président de Mohamed Kacimi (éditons Avant Scène Théâtre)
Théâtre du Balcon – Festival Off Avignon
Du 5 au 26 juillet 2026 à 18h30, relâche jeudi.
Durée 1h20.
Mise en scène Isabelle Starkier,
assisté de Modestine Pellet
Musiques d’Alain Territo
Avec Stéphane Barrière, Michelle Brûlé, Stéphane Miquel, Clara Starkier, Virgile Vaugelade
Costumes Aurore Popineau
Décor Jean-Pierre Benzekri
Lumières Jean Grison
Chef de Chant Cathy Missika