Thomas Quillardet et Marie Lenoir © Pauline Rousille
Thomas Quillardet et Marie Lenoir © Pauline Rousille

Paris l’été 2025 : Marie Lenoir et Thomas Quillardet à la tête d’un festival en mouvement

Pour leur toute première édition du festival conçu pour les Parisiens  qui ne partent pas en vacances, l’artiste et son ancienne directrice de production ouvrent grand les portes de la ville. Patrimoine, quartiers populaires, nouvelles esthétiques et joyeuse hybridité sont les piliers du nouveau souffle qu’ils souhaitent incarner.
Comment est né votre binôme à la tête de Paris l’été ?

Marie Lenoir : On se connaît depuis sept ans. J’ai été directrice de production et de diffusion pour la compagnie de Thomas pendant six ans. En parallèle, chaque été depuis 2017, je travaillais déjà pour le festival comme responsable de l’accueil des publics et des professionnels. Quand Laurence de Magalhes et Stéphane Ricordel ont annoncé leur départ, Thomas m’a proposé que l’on candidate ensemble. C’était évident.

Thomas Quillardet : Après vingt ans de compagnie, j’avais besoin d’un nouveau défi sans abandonner mon travail de metteur en scène. On partage la même sensibilité artistique avec Marie, mais on est très complémentaires. Elle a son expérience de production, j’ai mon regard d’artiste. Nous sommes tous les deux à la direction artistique et générale. Et il y avait surtout ce festival qu’on connaissait intimement, auquel on était très attachés. L’envie était là de faire perdurer son esprit tout en l’ouvrant encore davantage.

Quelle est votre vision du festival aujourd’hui ?
Rave Lucid de Mazelfreten © Jonathan Lutumba - Viascent
Rave Lucid de Mazelfreten © Jonathan Lutumba – Viascent

Marie Lenoir : Avant tout, la joie et la rencontre. Joie des artistes, des publics, de tous les publics. On reste pluridisciplinaires, mais on ouvre à de nouvelles esthétiques comme les drag shows, le cabaret, et encore plus de performances. Cette année, par exemple, Sara Forever, finaliste de la deuxième saison de Drag Race France, présentera son cabaret queer, et l’artiste brésilienne Marina Guzzo proposera une performance immersive dans les jardins des Tuileries. Nous espérons aussi aller chercher des publics plus jeunes, plus diversifiés, dans des quartiers populaires comme le 18e, le 19e ou le 17e en travaillant localement avec les associations.  

Thomas Quillardet : Paris l’été est avant tout un festival de diffusion. C’est une dimension essentielle pour nous de donner une seconde vie à des spectacles créés ailleurs, les faire circuler, les inscrire dans de nouveaux contextes. Nous accueillons par exemple Crowd de Gisèle Vienne, que nous présentons pour la première fois en extérieur à Paris au bois de Vincennes. Cette démarche demande un vrai travail d’adaptation technique et artistique.

Depuis 35 ans, Paris l’été enchante la capitale avec des spectacles audacieux, accessibles à toutes et tous, prolongeant l’idée fondatrice de Jack Lang et Jacques Chirac, qui était d’offrir une programmation artistique de qualité à celles et ceux qui restent en ville l’été. Aujourd’hui plus que jamais, dans un contexte international bousculé, on souhaite accueillir des artistes du monde entier, croiser les regards, créer des dialogues esthétiques et humains.

Il ne faut pas oublier que ce sont avant tout les habitants de la ville qui sont au cœur du projet. On est là pour ceux qui vivent à Paris toute l’année, qui restent pendant l’été.

Vous revendiquez une forme de continuité avec Paris Quartier d’été…
Voo Livre - História de Marcio Abreu © Nana Moraes
Voo Livre – História de Marcio Abreu © Nana Moraes

Thomas Quillardet : On assume pleinement la 35ᵉ édition, avec sa pluralité de forme, son implantation dans différents lieux de la ville et de la banlieue parisienne, une incursion au mois d’août pour ceux qui ne partent pas en vacances. Et on ressuscite, en partenariat avec le Louvre, le Carré du Sanglier aux Tuileries, une scène importante des années 90.

Marie Lenoir : Oui, avec l’idée d’un renouveau, plus de lieux, plus d’espaces extérieurs, moins de boîtes noires et surtout en dehors des plateaux de théâtre utilisés toute l’année. Et beaucoup de complicité avec les artistes sur le choix des endroits dans Paris et en région parisienne où ils souhaitaient se produire. Chacun a pu nous faire ses propositions, auxquelles nous avons essayé de répondre.

Cette année, la compagnie brésilienne de Marcio Abreu investira le lycée Bergson pour une série de représentations très familiales. Et sur la rue Pailleron, Chloé Moglia installera son impressionnante structure de suspension aérienne pour un spectacle accessible à tous, gratuitement.

Comment avez-vous construit cette première programmation ?

Marie Lenoir : On est partis à la fois des lieux et de l’envie d’accueillir des artistes internationaux. Le Brésil, saison France-Brésil oblige, est très présent cette année avec la venue de Lia Rodrigues, figure incontournable de la danse contemporaine brésilienne, celle de Marcio Abreu ou de Marina Guzzo.

 Bach Nord de Marina Gomes © Pierre Gondard
Bach Nord de Marina Gomes © Pierre Gondard

Ensuite, il était important de connecter avec les quartiers populaires de Paris ; on a donc pensé à Marina Gomes et son spectacle Bach Nord, que j’avais repéré au Festival de Marseille. On veut que Paris l’été soit une plateforme de circulation des œuvres internationales, un carrefour de rencontres entre les créateurs et les publics parisiens.

On pense aussi à l’accessibilité. Ainsi, un tiers des spectacles sont payants, deux tiers gratuits. Le pass voisin permet aux habitants du quartier de venir pour quelques euros. Cette attention à la proximité est primordiale.

Thomas Quillardet : Nous sommes avant tout des passeurs. Paris l’été permet à des spectacles qui ont parfois beaucoup tourné ailleurs de rencontrer un nouveau public, dans des conditions toujours renouvelées grâce aux lieux atypiques. Nous accueillerons aussi le transcendantal spectacle Rave Acid de MazelFreten aux Tuileries. C’est une fierté de pouvoir inviter des artistes de renommée internationale et de les insérer dans des quartiers parfois moins desservis culturellement. Et c’est un véritable défi technique et organisationnel, car chaque lieu demande une adaptation sur-mesure.

Quels seront les grands temps forts ?

Marie Lenoir : D’abord l’ouverture dans la Nef rénovée du Grand Palais Immersif avec un battle de waacking orchestré par Josepha Madoki, suivi d’un DJ set très inclusif de Kiddy Smile et ses invités. Ensuite, dix jours intenses au Jardin des Tuileries avec danse (Sylvia Gribaudi et son jubilatoire Grand jeté, MazelFreten et son mythique Rave Lucid), concerts (Chloé et Vassilena Serafimova et leurs Vies électro), performances queer, cirque et cabaret.

Puis le QG au lycée Bergson dans le 19e, avec des spectacles familiaux, gratuits ou à petit prix pour les habitants du quartier. On retrouvera notamment la pièce autobiographique d’Eugen Jebeleanu avec Le Prix de l’or. Et enfin, un week-end très dansé au Palais de la Porte Dorée avec la présentation de trois pièces courtes (Rebecca Journo, Calixto Neto et Thibaut Eiferman), et au bois de Vincennes avec Gisèle Vienne.

Le prix de l'or d'Eurgen Jebeleanu © Christophe Raynaud de Lage
Le Prix de l’or d’Eurgen Jebeleanu © Christophe Raynaud de Lage

Thomas Quillardet : On crée des parcours dans la ville, des passerelles entre les institutions et les habitants. Voir un spectacle dans un musée, un jardin, une chapelle ou sur un terrain de sport, c’est aussi offrir aux artistes des terrains de jeu inédits.

L’un de nos paris est de faire dialoguer des institutions fortes avec notre programmation contemporaine et engagée. Nous investissons dix-sept sites cette année, dont quinze nouveaux. Et nous sommes déjà en train d’imaginer pour les prochaines éditions de nouveaux lieux encore jamais investis. Chaque saison devra être une nouvelle carte de Paris à dessiner. C’est une aventure à long terme.

Le mot d’ordre ?

Marie Lenoir : Légèreté, déplacement, joie. Que la ville soit un immense plateau ouvert, en perpétuel mouvement.

Thomas Quillardet : Et hospitalité. Faire de l’été un moment de fête, d’art et de rencontre, pour celles et ceux qui restent, qui vivent ici ou qui passent par là. Créer cette chaleur humaine, cet esprit collectif, c’est aussi ce qui donne tout son sens à notre engagement. C’est une aventure artistique, humaine et politique, au plus près de la ville et de ses habitants.


Paris l’été
du 12 juillet au 5 août 2025

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