Florence Pernel © Fabienne Rappeneau

Florence Pernel : « Je crois à l’adage : une histoire, une histoire, encore une histoire »

À Avignon, la comédienne brille dans Still, pièce de Lia Romeo adaptée par Christian Siméon et mise en scène par Anne Bouvier. Au Théâtre du Chien qui fume, elle retrouve Bernard Malaka dans un duo charnel, tendre et brutal, où l’amour affronte les années, la solitude, et les blessures enfouies. Rencontre.

Florence Pernel : Tout est parti du simple désir de rejouer avec Bernard Malaka. Nous nous étions rencontrés sur Le Huitième Ciel de Jean-Philippe Daguerre. Il y a eu Avignon, Paris, une tournée… Sur scène, il y avait une alchimie évidente, un vrai couple de théâtre. Après cette première belle aventure, nous avions tous les deux le désir de retrouver cela. Nous avons donc commencé à chercher chacun de notre côté, sans succès.

Suzanne Sarquier, qui est agente littéraire et avec laquelle j’avais parlé de ce projet, m’a proposé quelques pièces, mais rien de vraiment marquant. Puis, elle est partie à New York, où elle a des relais. Là-bas, elle a découvert Still, de Lia Romeo, et m’a envoyé le texte. Je l’ai lu immédiatement, et j’ai senti qu’il y avait un sujet, une dynamique… Mais il manquait de densité, de profondeur psychologique. C’était un peu trop anecdotique, trop court dans la version originale.

C’est là qu’intervient Christian Siméon.
© Fabienne Rappeneau
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Florence Pernel : Christian, qui vit à New York, est allé voir la pièce, c’était la dernière. Et à partir du matériau originel a retravaillé en profondeur le texte, notamment la fin, pour lui donner un véritable enjeu dramatique. Il fallait garder l’ancrage américain – indispensable à certains éléments de l’histoire – tout en parlant à un public français. Il a apporté une épaisseur, une tension plus universelle, plus psychologique, plus « européenne », je dirais. Lia Romeo a accepté cette réécriture, en comprenant que nous devions faire résonner ce texte autrement en France.

Comment s’est passée la rencontre avec Anne Bouvier, qui vous met en scène ?

Florence Pernel : Bernard travaillait déjà avec elle sur un autre projet. Cela faisait longtemps que j’avais envie de collaborer avec elle. On lui a proposé le texte. Elle a eu le même ressenti que nous sur le fait que dans la version américaine, il manquait un enjeu, mais a quand même décidé de nous suivre. Travailler avec Anne est un bonheur. Elle a une approche littéraire, très précise, mais jamais figée.

Elle casse l’évidence. Là où l’on serait tenté d’aller dans une direction évidente, elle vous emmène ailleurs. Quand on veut proposer une affirmation, elle glisse un doute. Là où l’on verrait du cynisme, elle cherche la douceur. Elle déséquilibre pour mieux faire surgir la complexité des personnages. Ce qu’on a construit ensemble, ce sont des montagnes russes émotionnelles. Rien n’est lisse ou attendu. Tout est vivant.

Vous incarnez une femme de 60 ans qui assume son désir, sa sensualité, sa liberté. Ce n’est pas si courant.
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Florence Pernel : Et c’est ce que j’adore dans cette pièce. Cette femme dit : « Pour 60 ans, je suis canon, mais pour 40, je suis affreuse. » C’est drôle, c’est vrai, c’est touchant. Et c’est rare de voir ça sur scène une telle sensualité assumée, mais sans complaisance, à cet âge-là. Ce n’est pas une pièce sur le vieillissement. C’est une pièce sur le vivant. Cette femme est libre, elle est seule, elle est forte. Elle a fait des choix, et elle en porte les conséquences. Elle assume. Surtout, elle ne demande pas qu’on la plaigne. Elle veut rester digne et rester belle dans la tête de l’autre. 

La complicité avec Bernard Malaka est palpable.

Florence Pernel : Elle est là depuis le premier jour. C’était déjà une évidence dans Le Huitième Ciel. Ce n’est pas juste un partenaire, c’est un corps à deux. Il n’y a pas lui et moi. Il y a nous. Cette fusion est vitale au vu de ce que l’on joue sur scène. C’est un vrai plaisir, une évidence rare. Une alchimie. Comme deux personnes faites pour jouer ensemble. Et je sais que lui pense exactement la même chose.

La pièce évite la facilité de la comédie romantique. Elle reste âpre.

Florence Pernel : C’est ce qui me plaît. Il n’y a pas de hiérarchie entre l’homme et la femme. Ils sont à égalité. Même à la fin, quand il croit décider, elle le remet à sa place. Ce sont deux visions du monde qui s’affrontent, deux façons d’aimer. Il y a du politique aussi, mais tout est fait avec pudeur sans pour autant invisibiliser les problèmes. Ce que traverse cette femme, sa manière de refuser la compassion est bouleversant.

Une phrase vous touche particulièrement ?
© Fabienne Rappeneau
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Florence Pernel : Oui : « Arrête de m’aimer comme ça, ça me fait t’aimer comme ça, et ça rend tout tellement difficile. » C’est de Christian Siméon. Ce n’est pas dans la version originale. Mais quelle justesse ! Il y a des moments où l’amour déborde, devient impossible. Et pourtant, c’est là. Et c’est beau. C’est ça qui me bouleverse dans cette pièce.

Des projets à venir ?

Florence Pernel : Je vais tourner bientôt un nouvel épisode de la série Enquêtes parallèles, et un téléfilm avec Bruno Debrandt, Le Voyageur. Ensuite, j’aimerais vraiment me lancer dans un seule-en-scène. Mais il me faut une sacrée bonne femme à incarner. Et un texte fort. Moi, je crois à l’adage : une histoire, une histoire, encore une histoire. Et Still, c’est exactement ça. Un passé, un présent, un futur – ou pas. Mais une histoire. Une histoire qui nous raconte.


Still de Lia Romeo
Théâtre du Chien qui fume – Festival OFF Avignon
du 5 au 26 juillet 2025 –  relâche les 9, 16, 23 juillet 2025
à 18h30  
durée : 1h20

Mise en scène d’Anne Bouvier
adaptation théâtrale de Christian Siméon
Avec Florence Pernel et Bernard Malaka
Scénographie d’Emmanuel Charles
Musique de Philippe Kelly
Lumière de Denis Koransky

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