Dans le cadre la Pièce commune, un dispositif du Festival d’Avignon qui encourage les formes plus légères, La Lettre permet de découvrir un duo franco-belge et ses obsessions. Il sera aussi bien question de La Mouette de Tchekhov que de Jeanne d’Arc. Mais plus encore que ces deux références, ce qui est en jeu, ce sont bien les espoirs de deux jeunes interprètes, aussi drôles qu’attachants.
Un théâtre pauvre
Trois drapeaux, trois chaises, deux interprètes, un bureau et le public se charge du reste. Après la terre battue d’Antigone in the Amazon et la lourdeur de son dispositif technique, Milo Rau imagine un petit théâtre de poche, comme en hommage aux débuts du Festival d’Avignon et ses rêves de décentralisation. À l’aide d’une enceinte, Arne de Tremerie convoque alors sa mère. Texte en main, ce sont des membres du public qui se chargeront des autres personnages.
On ira chercher dans l’assemblée un « médecin alcoolique », un « intellectuel autoproclamé » et quelqu’un pour annoncer les actes comme des rounds sur un ring de boxe. L’exercice est divertissant et tend à désacraliser la pièce-monument de Tchekhov qui, pour de nombreux artistes, fait figure de référence. Il est aussi un moyen de mettre à jour tous les préparatifs qu’impliquent des rôles. Sur ces points, la parole d’Arne de Tremerie et Olga Mouak devient indissociable de la pièce.
Deux comédiens indispensables
Participatif, populaire, léger tant dans son propos que dans sa forme, La Lettre est un exercice de style singulier qui, à de nombreux égards, répond totalement à l’objectif qu’il s’est fixé. Ça ne coûte rien, ça ne contrarie personne, ça ne prend pas de place.
Plus que deux biographies, ce sont deux personnalités que porte Milo Rau. Le public ne s’y trompe pas et réagit vite à ces comédiens-personnages dont la spontanéité fait mouche. Arne de Tremerie et Olga Mouak se donnent la réplique avec une évidente complicité.
Pourtant, quelque chose cloche. Dans ce découpage en trois actes qui semble finalement bien accessoire. On peine à comprendre comment ces deux récits se répondent. Il semble que deux spectacles différents doivent cohabiter et que les comédiens, bon gré mal gré, cèdent régulièrement la place à leur partenaire de jeu, quitte à amputer les récits de leur profondeur. Malgré les voix d’Anne Alvaro, Isabelle Huppert, Jocelyne Monier, Marijke Pinoy mais aussi celles des spectacteurs, on peine à voir un grand tout.
Avec cette parole fragmentée, cette lettre éponyme finalement anecdotique, et ces parenthèses comiques qui servent davantage le rythme que le récit, La Lettre devient une pièce sans enjeu, libre d’errer partout certes mais sans laisser de trace.
La lettre de Milo Rau et l’équipe
Festival d’Avignon
Du 8 au 26 juillet 2025
Durée 1h15.
20 au 23 août 2025 à l’Éclat – Centre national des arts de la rue et de l’espace public (Aurillac)
1er au 3 octobre 2025 Théâtre du Point du Jour (Lyon)
21 et 22 novembre 2025 au Théâtre Les Halles (Sierre, Suisse)
23 janvier 2026 à la Scène 55 – Scène conventionnée d’intérêt national Art & Création (Mougins)
28 au 31 janvier 2026 au Théâtre Silvia Monfort (Paris)
20 au 22 mars 2026 au Théâtre de la Manufacture – Centre dramatique national Nancy Lorraine
20 au 30 mai 2026 au Théâtre Public de Montreuil Centre dramatique national
Mise en scène Milo Rau
Avec Arne De Tremerie, Olga Mouak
Et les voix de Anne Alvaro, Isabelle Huppert, Jocelyne Monier et Marijke Pinoy
Dramaturgie Giacomo Bisordi
Assistanat à la mise en scène Giacomo Bisordi, Edward Fortes
Scénographie, son, lumière, costumes et accessoires Milo Rau et Giacomo Bisordi
Assistanat costumes et accessoires Julie Louvain
Régie générale de l’itinérance Emmanuel Rieussec
Régie générale de la production déléguée Laurent Berger
Régie son Sébastien Dorne