Transformations Opéra Radio d'Adeline Rosenstein © Annah Schaeffer
© Annah Schaeffer

Transformation Opéra Radio d’Adeline Rosenstein : Chambre d’échos révolutionnaires 

Au Kunstenfestivaldesarts à Bruxelles, la dernière performance d’Adeline Rosenstein prend des airs d’oratorio documentaire. Dans un dispositif aussi enveloppant qu’intime, elle fait entendre la voix de femmes du monde entier en lutte contre le pouvoir et le sexisme. Entre chant, parole et matière sonore, un théâtre de l’écoute en résistance.

Dès l’entrée, l’artiste invite à se débarrasser du superflu et à laisser à la porte tout ce qui encombre. Des casiers permettent de déposer ses chaussures et des cintres pour les manteaux. Le confort avant tout et surtout l’écoute. Dans un décor tendu de gris, feutré comme un studio d’enregistrement, certains s’allongent, d’autres s’installent dans des alcôves capitonnées. Les corps sont ainsi prêts à se laisser traverser par les paroles et les sons. L’ambiance est douce, presque ouatée, mais le propos que chacun s’apprête à recevoir va frapper fort.

Transformations Opéra Radio d'Adeline Rosenstein © Annah Schaeffer
© Annah Schaeffer

Transformation Opéra Radio n’est pas vraiment un spectacle, mais plutôt une performance musicale, une installation vivante, un manifeste sonore. Les matières qui servent de terreau à cet oratorio sont des paroles de femmes recueillies entre 2022 et 2024, anciennes combattantes ou militantes d’aujourd’hui, venues de Guinée-Bissau, de Palestine, du Mexique, de Tunisie. Ce sont leurs voix – réelles, enregistrées ou réinterprétées – qui envahissent l’espace, souvent accompagnées et soutenues par des nappes électros, des chants et quelques notes d’une harpe. 

Le son emporte, secoue, bifurque. Il caresse, stimule l’imaginaire. L’aventure est à portée des doigts, puis la réalité, les drames frappent comme des balles. Le sang, la torture, les bombes, Gaza figent d’horreur. Adeline Rosenstein orchestre ces témoignages avec une intelligence rare, refusant l’illustration ou la sacralisation. Ce qu’elle donne à entendre, c’est la violence d’être femme dans les révolutions. Défendre ses droits, sa parole, sa place, y compris au cœur des mouvements les plus progressistes. Ok pour le combat, mais pas toujours pour la voix des femmes. Alors, elles parlent. Fort. Juste. Drôle, parfois. Rageuses, tendres, puissantes.

Les performeuses – Aminata Abdoulaye HamaIris TherasseMarie DevrouxHanna El Fakir Yvonne Harder – sont éblouissantes de justesse. Elles chantent, elles disent, elles relaient sans trahir. Elles font théâtre, sans pathos, sans jouer ou presque. Le vrai l’emporte sur toute tentative d’imitation. 

Il reste, peut-être, à resserrer le fil dramaturgique, à relier plus fermement les temps et les territoires de cette cartographie en mutation. Mais le concept est fort, le geste audacieux. Et la forme – ouverte, poreuse, inclusive – invite à une belle écoute collective. Un moment suspendu, comme une promesse tenue de faire entendre ce qui, trop souvent, reste en marge ou en sourdine.


Transformation Opéra Radio d’Adeline Rosenstein
Kunstenfestivaldesarts

La Bodega
Du 19 au 23 mai 2025
durée 1h30 environ 

Conception, mise en scène, interprétation – Adeline Rosenstein
Écriture, recherche, interprétation – Marie Devroux
Interprétation, chant – Aminata Abdoulaye Hama
Création sonore et musicale, recherche, interprétation, harpe – Hanna El Fakir
Création sonore et musicale, recherche, interprétation – David Stampfli |Composition musicale, recherche musicale, interprétation – Iris Therasse
Scénographie, interprétation, chant – Yvonne Harder
Scénographie de Lük Stucki
Création lumières d’Arié van Égmond 

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