La langue de Joyce est complexe. La traduction et l’adaptation d’Hélène Arié, sans jamais en perdre sa force poétique, rendent limpide le flot des pensées de Molly, cette femme que son mari vient de réveiller en allant se coucher à point d’heure et qui se retrouve dans le silence de la nuit à revenir sur son existence.
Définie par James Joyce comme étant « Une femme parfaitement saine, complète, amorale, amendable, fertilisable, déloyale, engageante, astucieuse, bornée, prudente, indifférente », Molly est une sœur sorcière dans laquelle on peut se reconnaître. Dans le roman, elle a la trentaine. Or dans cette version, elle est au-delà de la fleur de l’âge. C’est la grande force du spectacle. Avec le temps, malgré les rides, Molly reste cette femme ardente qui assume sa relation au sexe, qui brûle toujours de ce désir de vivre avec cette soif d’aimer et d’être aimée.
Sortie en 1970 du Conservatoire national supérieur d’Art dramatique avec un premier prix de tragédie, la comédienne a travaillé notamment pour Jean Meyer, Denis Llorca, Jean-Louis Barrault (Le soulier de satin), Jorge Lavelli, Marcel Maréchal, Jean-Pierre Bouvier. La qualité de son interprétation est exceptionnelle. Elle fait vibrer de toute son âme les étapes de la vie d’une femme. Dans ce bel écrin de la petite salle de l’Essaïon, qui a l’aspect d’un salon intime, la mise en scène qu’elle co-signe avec Antony Cochin est d’une belle précision. Plus que jamais, Molly fait entendre sa parole incandescente. Bravo Madame.
Marie-Céline Nivière
Molly ou l’Odyssée d’une femme, d’après Ulysse de James Joyce
Théâtre de l’Essaïon
6 rue Pierre au lard
75004 Paris.
Jusqu’au 30 juin 2025
durée 1h.
Traduction, adaptation et interprétation : Hélène Arié
Mise en scène : Hélène Arié et Antony Cochin
Lumière : Jean-Luc Chanonat
Costume : Roberto Rosello
Musique : Céline Andréani
Création sonore : Enzo Bodo.