Fouad Boussouf © Boulomsouk Svadphaiphane
Fouad Boussouf © Boulomsouk Svadphaiphane

Fouad Boussouf : « Faire danser les lieux, les ouvrir autrement »

Au printemps, le chorégraphe à la tête du Phare – Centre chorégraphique national du Havre – fait danser murs et jardins. À Paris, il investit deux week-ends consécutifs le musée du quai Branly – Jacques Chirac. En Normandie, il déploie Plein Phare Out dans différents lieux de la ville. Deux invitations à bouger les lignes et les regards.

Fouad Boussouf : Travailler dans un musée, ce n’est pas une première pour moi. J’ai déjà chorégraphié au Louvre, au MAC VAL, au Musée d’Art et d’Histoire de Genève… Mais cette invitation du musée du quai Branly – Jacques Chirac est particulière. Elle m’a permis de poursuivre une recherche entamée il y a plusieurs années, notamment grâce à l’artiste plasticien Kader Attia. C’est lui qui m’a sollicité un jour pour l’une de ses œuvres, Les racines poussent aussi dans le béton. Il avait besoin de corps vivants, de présences, et j’ai découvert à cette occasion la puissance des musées comme espaces de dialogue entre l’immobile et le mouvement.

Carte blanche à Fouad Boussouf © Mehrak Habibi
Carte blanche à Fouad Boussouf © Mehrak Habibi

En 2022, lors de l’exposition consacrée à Ugo Rondinone au Petit Palais, nous avions aussi travaillé à une performance in situ mêlant vidéo et danse. Depuis, j’essaie de faire en sorte que les visiteurs ne se contentent pas de regarder les œuvres. Je veux qu’ils croisent aussi des corps dansants, qu’ils vivent une expérience sensorielle, presque rituelle. Il y a quelque chose de la mémoire qui s’imprime, quelque chose qui reste.

Fouad Boussouf : Oui, il y a quelque chose de l’ordre du souvenir qui s’imprime. Les objets exposés ont leur mémoire, bien sûr, mais les corps aussi. Quand vous mettez en présence ce qui est figé et ce qui est vivant, il se passe quelque chose. Une résonance. Un trouble parfois. La danse, c’est une forme de rituel en soi — elle rend présent, mais elle inscrit aussi une trace. Et dans un musée, cette tension devient très forte.

Fouad Boussouf : L’idée était vraiment de faire en sorte qu’on ne puisse pas rester statique. Je voulais inviter les gens à bouger, à suivre un chemin, à se laisser entraîner. Ce n’est pas une simple promenade, c’est une forme chorégraphique déambulatoire. On dessine des lignes, des courbes, on insuffle un mouvement de foule, tout en douceur. Et je tenais aussi à investir l’extérieur, les jardins, qui sont souvent oubliés ou traversés sans attention. Ils deviennent, eux aussi, scène, matière vivante.

Carte blanche à Fouad Boussouf © Mehrak Habibi
Carte blanche à Fouad Boussouf © Mehrak Habibi

Fouad Boussouf : Je voulais qu’il y ait de la voltige, une danse qui défie la gravité. L’objectif était de faire lever les yeux aux spectateurs, de leur permettre de voir la façade du musée autrement, cette architecture qu’on ne regarde jamais depuis le théâtre de verdure. Cette compagnie fait naître une verticalité et déplace le regard. Ça me semblait essentiel pour rééquilibrer les perspectives, inviter à la surprise.

Fouad Boussouf : Ce sont des pièces courtes, intenses, très physiques. Elles portent en elles un élan, un feu, une énergie qui ne demande qu’à être canalisée par l’espace. Dans un musée, leur impact est décuplé. Ce sont des œuvres qui racontent quelque chose de l’ordre du vital, de l’humain en tension. Les jouer là, c’est leur donner un autre écrin.

Fouad Boussouf : Absolument. Depuis le départ, j’ai voulu que le CCN ne reste pas enfermé entre quatre murs. Plein Phare Out, c’est l’édition qui sort, qui respire. Chaque année, on explore de nouveaux quartiers du Havre. Pour cette édition, on investit la plage, le quartier de Caucriauville, ainsi que différents lieux autour du Phare. Il y a tant d’espaces à activer, tant de manières de regarder la ville autrement. Ce qui m’intéresse, c’est de révéler l’architecture par la danse, d’ouvrir des brèches dans le quotidien.

Feû de Fouad boussouf © Christophe Raynaud de Lage
Feû de Fouad boussouf © Christophe Raynaud de Lage

Fouad Boussouf : On retrouve notamment Dominique Boivin avec sa pièce Transports exceptionnels, où un danseur fait un pas de deux avec une pelleteuse. C’est puissant et délicat à la fois. Je présente °Up dans sa version pensée pour l’extérieur. Bastien Dausse revient avec une nouvelle proposition. Et puis, il y a tous les ateliers, les moments de partage, et la block party : une grande fête pour que le public danse lui aussi. Ce n’est pas un festival pour regarder, c’est un festival pour vivre.

Fouad Boussouf : Oui, c’est vraiment ça. Se déplacer, physiquement, mais aussi dans son regard. Sortir d’un confort, d’un cadre, pour aller vers l’autre, vers l’espace, vers l’inconnu. C’est ça qui m’anime. Que la danse fasse lien, qu’elle ouvre des lieux et des imaginaires.


Invitation à Fouad Boussouf
Musée du Quai Branly -Jacques Chirac
les 17 et 18 mai et les 24 et 25 mai 2025


Festival Plein Phare – Out #3
Le Phare CNN du Havre-Normandie
du 29 mai au 1er juin 2025

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