Montpellier Danse 2024, un coup d’envoi tout en grâce et volupté

Présentant en ouverture les premières mondiales de Wayne McGregor et Taburo Teshigawara, le festival Montpelliérain se place sous le signe de la beauté et de l’élégance. 

Ciel gris, nuages menaçants : à Montpellier Danse, ce premier jour de festivités, la pluie s’est invitée. Comme veut un vieil adage, c’est plutôt de bon augure pour cette 44e édition, la dernière dirigée par Jean-Paul Montanari, lequel quittera ses fonctions cet hiver après plus de quarante ans de bons et loyaux services. En faisant une part très belle à la création, la manifestation rappelle combien, en ces temps difficiles de coupes budgétaires, dans ce climat social et politique délétère, permettre aux artistes de montrer leur travail est plus que nécessaire. 

La bonne nouvelle : le public, fidèle, est au rendez-vous. Dans la salle de l’Opéra Berlioz, de l’orchestre au poulailler, quasiment aucune place n’est vacante. Lentement, le noir se fait. Les chuchotis se font rares. Place au spectacle! Cela fait dix ans qu’il n’était pas venu à Montpellier : Wayne McGregor ouvre le bal et présente en première mondiale, Deepstaria, sa nouvelle pièce, sorte de songe éveillé métaphysique. 

Deepstaria de Wayne MCGregor © Ravi Deepers
Deepstaria de Wayne MCGregor © Ravi Deepers

Le temps est suspendu. Les gestes sont lents, précis. Ils dessinent des arabesques, d’étranges symboles. Les corps jouent de la pesanteur. Légers puis plus lourds, vêtus de sous-vêtements noirs, les neuf danseuses et danseurs de la compagnie de Wayne McGregor flottent dans un entre-deux extrêmement étendu qui va des profondeurs maritimes aux confins d’un espace illimité. 

Explorant les zones d’ombres qui fascinent l’homme depuis qu’il a pris conscience de ses propres limites, le chorégraphe britannique invite à une balade mystique entre rêve et abstraction. Bras tendus, battant les airs, roulades, jambes souples, l’artiste déploie une grammaire riche, exigeante et extrêmement technique où se conjuguent danse classique, inspiration animalière et mouvements robotiques. Virtuoses, les interprètes en révèlent toute la sophistication. Rien à dire : tout est beau, presque hypnotique, mais peut-être qu’à trop lécher son écriture, le chorégraphe fait perdre un peu de son éclat à un argument particulièrement ciselé. Trop lisse bien qu’extraordinairement dansé, Deepstaria a du corps, mais manque étrangement d’âme.

Voice of Desert de Saburo Teshigawara © Mariko Miura
Voice of Desert de Saburo Teshigawara © Mariko Miura

Autre salle, autre univers. Saburo Teshigawara investit l’Agora. Malgré la météo, fraîche, humide, et les quelques gouttes chargées du sable du Sahara qui ont légèrement trempé le sol, le chorégraphe propose aux festivaliers une immersion totale dans le subtil et raffiné art japonais du mouvement. Rien n’est trop, même le moindre soubresaut est porteur d’une rare émotion. Sur un plateau zébré de lumière diffuse, trois silhouettes vêtues de noir se dessinent. 

L’une, à l’arrière, semble pétrifiée. Les deux autres, plus au devant, s’animent lentement. Premier son de corde : Saburo Teshigawara semble comme traversé par une étrange transe. Les bras fendant les airs, les gestes véloces et habiles, il tournoie et virevolte, incandescent. Face à lui, la danseuse Rihoko Sato reste stoïque avant de commencer imperceptiblement à se mouvoir. Gracile, elle semble faire corps avec la musique. Irradiante, elle emporte le temps sur son passage. Plus rien n’existe sauf sa gestuelle sidérante, sa présence unique, son incarnation même des notes. 

Admirable, éblouissant, Voice of the desert est une traversée émotionnelle rare, qui donne à voir un peu de l’état du monde (terrifiant) et questionne avec ingéniosité nos humanités plurielles. Sentiments intériorisés, grimaces éloquentes, Saburo Teshigawara fait le grand écart entre écriture minimaliste et expressive. Tout simplement magistral ! 


Festival Montpellier Danse 2024
Du 22 juin au 6 juillet 2024

Deepstaria de Wayne McGregor
Le Corum – Opéra Berlioz
Place Charles De Gaulle
34000 Montpellier
du 22 au 24 juin 2024

Tournée
12 au 14 juillet 2024 au Festival dei Due Mondi, Spoleto, Italie
Septembre, West Kowloon, Hong Kong, Chine
Septembre, Modena, Italie
Novembre, Lugano, Suisse
7 novembre au Pfalzbau Bühnen, Ludwigshafen, Allemagne
26 février au 1er mars 2025, Sadler’s Wells Theatre, Londres, Angleterre

Concept, direction, chorégraphie et design – Wayne McGregor
Crée avec et dansé par les interprètes de la compagnie Wayne McGregor – Rebecca Bassett-Graham, Naia Bautista, Salvatore De Simone, Jordan James Bridge, Chia-Yu Hsu, Hannah Joseph, Jasiah Marshall, Salomé Pressac, Mariano Zamora Gonzalez
Set – Benjamin Males
Lumière de Theresa Baumgartner
Costume d’Ilaria Martello
Bijouterie – Hannah Martin
Composition sonore de Nicolas Becker et LEXX
Généré par Bronze
Dramaturgie – Uzma Hameed
Direction des répétitions – Odette Hughes
Collaborateur lumière – Ben Kreukniet

Bande annonce de Deepstaria de Wayne McGregor © Montpellier Danse

Voice of Desert de Saburo Teshigawara
L’agora
Rue de l’Université
34000 Montpellier

Du 22 au 24 juin 2024

Mise en scène, chorégraphie, conception lumière, costumes – Saburo Teshigawara
Collaboration artistique – Rihoko Sato
Avec Saburo Teshigawara, Rihoko Sato, Kei Miyata, Rika Kato, Izumi Komoda
Coordination technique, assistant lumière : Sergio Pessanha

Bande annonce de Voice of Desert de Saburo Teshigawara © Montpellier Danse

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