La cachette de Baro d'Evel © François Passerini
© François Passerini

« La Cachette » ou l’hybridation des arts façon Baro d’Evel

Aux Bouffes du Nord, avant de présenter sa nouvelle création au Festival d’Avignon, la compagnie franco-catalane invite à un voyage immobile et poétique dans des univers aussi varié que la poterie, le rock et la danse freestyle. 

Dans le décor ocre un brin décati des Bouffes du Nord, une boite noire de grande taille sert de terrain de jeu pluridisciplinaire à la compagnie Baro d’Evel. Tels deux maîtres de cérémonie, lents, un peu gauches, Blaï Mateu Trias et l’excellent guitariste Nicolas Lafourest en déploient les mystères. Imaginée comme une sorte d’immense malle à secret, un tombeau de pharaon encore inexploré, cet étonnant container renferme en son cœur une multitude de poteries de toute forme, de toute taille, quelques objets divers, et la présence envoûtante de Camille Decourtye. Musicienne hors pair, chanteuse à la voix transcendantale, l’artiste manipule un instrument à vent qui donne à cette cérémonie d’ouverture, une étrangeté et une poésie rare. 

La cachette de Baro d'Evel © François Passerini
© François Passerini

Imperceptiblement, le duo fondateur du Baro d’Evel et leur complice Nicolas Lafourest entraînent les spectateurs vers une autre dimension où tout est bouleversé. le temps est suspendu, les émotions exacerbées, les envolées lyriques, rythmiques et physiques totalement débridées. Créée pendant le confinement, La Cachette explore notamment la manière dont la réalité mise sur pause, à modifier nos perceptions, notre manière de regarder le monde, de le penser. Ainsi, alors qu’on ne pouvait plus s’exprimer en public, le trio d’artistes a cherché au plus profond d’eux, un endroit où il serait encore possible de se réinventer, d’aller de l’avant, de se régénérer. 

Confrontant rock et opéra, gestes minimalistes et foisonnement de mouvements, ils inventent entre passé, présent et futur, un espace de tous les possibles, qui se libère de ses contraintes physiques, le théâtre. Mais, et c’est toute la magie de cette œuvre hybride, entre concert performatif et installation plastique, jamais le trio déjanté ne se départit d’un ancrage dans le sol, dans la terre. Peintures rupestres réinventées, poteries en terre cuite, servent de base, de fil rouge à ce moment complice tout en délicatesse et simplicité. 

Formés au cirque, Blaï Mateu Trias et Camille Decourtye ont l’art du faire du beau, du poétique avec presque rien. Ne cherchant jamais le spectaculaire, mais plutôt l’instant de grâce, ils habitent la scène, la transforment avec poésie. Sculptant l’espace d’un jeu d’ombres et de lumières finement ciselé, ils jonglent, virevoltent, dansent frénétiquement, s’embrassent bouche contre bouche en une étreinte tourneboulée sans fin. Bien que fragmentée, parfois sans queue ni tête apparente, cette Cachette touche à l’émotion pure, celle du partage fugace, tout juste palpable entre les artistes et le public.

S’affranchissant des codes et des règles avec élégance et douce folie, Baro d’Evel signe, une nouvelle fois, un spectacle inclassable, qui, de manière quasi intime, questionne le monde post-covid et tente d’en définir de nouveaux contours, loin de la norme établie. 


La Cachette de Baro d’Evel
Création en juillet 2020 au Théâtre Garonne

Reprise
10 au 18 mai 2024 au Théâtre des Bouffes du Nord

Auteurs et artistes interprètes – Camille Decourtye, Blaï Mateu Trias et Nicolas Lafourest
Régie lumières – Enzo Giordana
Régie son – Brice Marin 

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