Mathilde Charbonneaux - Madame M © Manika Auxire
© Manika Auxire

Mathilde Charbonneaux dans la peau de Maillan

Digne héritière de Jacqueline Maillan, Mathilde Charbonneaux se prépare pour la reprise à la Scala-Paris de Madame M., un hommage glorieux à celle qui a auréolé de son talent comique l’histoire du boulevard et du théâtre.

Mathilde Charbonneaux : À la base, c’est venu de cette projection que les autres ont faite sur moi, et qui est inhérente au métier de comédien. Quand je suis entrée au cours Florent, ça a commencé par les : « Tu me fais penser à Jacqueline Maillan. Tu devrais voir ! » Cela m’a surprise. Forcément, je connaissais le nom. Mais je suis allée regarder de plus près qui était cette dame. J’avais dix-huit ans et je n’arrivais pas à me projeter… Je n’étais pas du tout consciente de cette ressemblance.

Mathilde Charbonneaux : La fameuse vis comica ! Cela tient d’une nature de jeu, en tout cas. À l’époque, on me donnait à travailler, entre autres, du Feydeau, du Dubillard… Une amie, pour rigoler, m’appelait Jacqueline. Un camarade, quand il a monté, chez Florent, Le retour au désert, m’a donné le rôle de Mathilde, qui avait été écrit pour Maillan. C’était une sorte de boucle de transmission. Comme cela était inconscient, je n’ai jamais cherché à être dans l’imitation. C’est ce que j’ai d’ailleurs continué à faire dans ce spectacle : ne pas l’imiter et tenter de la rapprocher de moi.

Mathilde Charbonneaux - Madame M © Manika Auxire
© Manika Auxire

Mathilde Charbonneaux : L’idée est venue d’un spectateur, un ami de ma sœur, qui m’a vu jouer dans Les Étoiles de Simon Falguière, où j’avais un rôle assez truculent, tout en ruptures. À la fin, il est venu me voir et m’a dit que je devrais faire un spectacle sur Maillan. D’ailleurs lors de cette exploitation, le nom de Maillan est revenu souvent ! Je me suis dit que cela faisait dix ans que l’on me le répétait et que finalement, il faudrait bien finir par y aller. J’en ai parlé à mon amie Pia Lagrange, qui a ensuite collaboré avec moi sur le spectacle. Un matin, elle m’envoie un texto : « Faut que tu le fasses, tu devrais l’appeler Madame M. » Elle m’a donné le titre. Encore une fois, cela me vient des autres. L’idée fait ensuite son chemin, je plonge dans la vie de Maillan et je découvre qu’elle aurait eu cent ans. Puis, je vois l’appel à projet de La Flèche. Comme j’avais du temps à la rentrée, je me suis lancée.

Mathilde Charbonneaux : J’aime beaucoup le travail autour de la parole d’interview. C’est intéressant à théâtraliser. Comme le fait une chercheuse avec un sujet d’étude, j’ai écouté tous ces entretiens, visionné toutes ses apparitions, ses pièces, ses films. Le fait qu’il n’y ait pas le nom de Maillan dans le titre me permettait de parler aussi un peu de moi. Madame M., c’est à la fois Mathilde, Maillan, mais c’est aussi le « m » du verbe aimer. Comme c’était ses cent ans et qu’elle a été un peu un gentil fantôme durant toutes mes années de théâtre, j’avais cette envie de la faire revenir des limbes et qu’elle devise avec moi, Mathilde. Cela rajoute une théâtralité presque onirique. J’avais envie de jouer un personnage, une figure, et en même temps de créer une distanciation avec elle. Le dialogue permet cela. Pour la reprise, j’ai rajouté un petit passage où elle a vraiment cent ans : je joue donc une très vieille dame qui arrive et parle à la Mathilde de trente ans. Ce dialogue entre elles permet une forme de second degré tout le long du spectacle. Elle se moque de moi parce que je suis en train de lui rendre hommage à travers un spectacle dans une salle qu’est trop petite pour elle. Cela permet de jouer avec les codes du théâtre en les cassant un peu.

Mathilde Charbonneaux : Je les ai fait venir parce que je suis venu au théâtre d’abord pour les textes. Bien sûr, il y a eu les grandes figures d’actrice, mais aussi l’amour des mots. J’avais envie de rendre hommage à cet endroit du théâtre. J’avais aussi le désir de traiter ce clivage, que je trouve parfois un peu étonnant, entre la comédie et le drame, le privé et le public, la nécessité de mettre les gens dans une case. En lui écrivant ce personnage tragi-comique, Koltès a voulu casser ça. Le Retour au désert est une tragédie, mais la première réplique de Mathilde est : « Mes racines ? Quelles racines ? Je ne suis pas une salade ! » On voit bien que c’est une réplique écrite pour le rythme de Maillan.

Mathilde Charbonneaux : C’est un endroit de l’enfance où l’on aborde pour la première fois le théâtre en jouant avec ses peluches ou ses poupées en les faisant parler. Le Retour au désert a été pour Maillan un moment de souffrance. Que Koltès soit ce petit jouet est aussi une mise en distance.

Mathilde Charbonneaux - Madame M © Julie Morteau
© Julie Morteau

Mathilde Charbonneaux : Maillan possède à cette énergie ce qui se prête au théâtre de Boulevard. Mais, je trouvais qu’il était impossible de faire un solo uniquement sur ce ton. Et de toute manière, je suis incapable d’écrire une pièce dans ce style ! Je ne me considère déjà pas comme une autrice, alors encore moins de boulevard. J’ai voulu ramener une forme de sensibilité qui se rapproche de la mienne. Je me suis demandé qu’elles étaient les endroits de théâtre que j’aime et que j’ai envie de célébrer à travers elle. Il y a effectivement la chanson. C’est Barbara qui m’a amené aussi au théâtre. J’avais très envie de chanter sur scène. Bien sûr ce n’est pas du Barbara, mais il y a quelque chose de la Diva auquel j’avais envie de rendre hommage. La danse, un peu. Du texte, forcément.

Mathilde Charbonneaux : Effectivement, l’une est dans ses petits souliers et l’autre totalement à son aise, chez elle sur scène.

Mathilde Charbonneaux : C’était l’endroit de l’hommage… J’ai trois costumes en une heure ! Il y a le personnage de Féfé, le côté plumes et paillettes, le Music-Hall. Cela a été son école. Comme l’a été pour moi, en tant que comédienne, le seul-en-scène. Un mode complètement différent de l’habitude que j’ai des pièces plutôt de troupe. C’est un exercice périlleux mais en même temps très formateur. Je porte aussi la robe qu’elle pouvait avoir dans ses premières pièces. Et ensuite, le tailleur, la chemise et les mocassins qu’elle portait dans Retour au désert mais aussi à la dernière partie de sa vie.

Mathilde Charbonneaux : Comment faire une force de ce qu’on vous a dit être des faiblesses ! Quand René Simon lui dit qu’elle ne pourrait jamais faire de la tragédie, elle décide de devenir la reine du comique. Je pense qu’elle aurait été très bien en tragédie ! Elle dit très belle cette phrase dans une interview : « Je suis un personnage baroque sur scène et une petite chose fragile dans la vie privée ».

Madame M - Charbonneaux - Maillan © Julie Morteau
© Julie Morteau

Mathilde Charbonneaux : Ce soir-là, il y avait une classe du cours Florent ! Il y a eu d’autres écoles qui sont venues. Des jeunes de vingt ans qui ont du coup été voir qui était Jacqueline Maillan. Cela montre que le spectacle peut marcher même si on n’a aucune idée de qui elle est. Ils regardent la vie d’une Madame… Je voulais précisément que cet hommage touche ceux qui ne la connaissent pas, et les amène à la découvrir.

Mathilde Charbonneaux : Ravie. Elle retrouve les boulevards. Je suis heureuse que ce spectacle poursuive sa vie, et d’aller ensuite avec lui à Avignon ! Cela a du sens. C’est dans le Off que j’ai commencé à voir mes premiers seuls-en-scène. Je trouve que c’est une forme superbe pour aller à Avignon. J’espère qu’il y aura aussi des fans de Maillan qui seront, peut-être, contents de me voir.


Madame M. Hommage à Maillan, de et par Mathilde Charbonneaux
La Scala Paris
13 boulevard de Strasbourg
75010 Paris
Du 12 avril au 14 juin 2024
Durée 1h

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