L’Angleterre des années Thatcher est en crise et la jeunesse se rebelle. Son moyen d’expression préférée : la musique. Le rock, déjà issu d’une rébellion, va se faire plus dur et plus rageur à travers le mouvement punk. Le mot n’est pas anodin, il se traduit par vaurien. Donc une génération de gamins, sentant qu’elle ne valait rien, a crié sa rage aux adultes qui leur proposaient un avenir sans futur ! À travers Punk.e.s, ou comment nous ne sommes pas devenues célèbres, les deux autrices culottées retracent le parcours étonnant et véridique de quatre jeunes filles dans le vent qui ont secoué les préjugés et permis aux femmes d’accéder à bien des libertés.
Because the night
À une époque pas si lointaine, une fille, dans un groupe. Elle chantait, point barre. Puis, une génération de nanas gonflées a surgi, Janis Joplin, Patty Smith… Même si ce sont avant tout des chanteuses, elles ont soufflé une bouffée d’air qui a porté des gamines à oser braver les tempêtes pour devenir un groupe où chacune d’elles jouait d’un instrument. Clavier et guitare, rien d’anormal, mais batterie et basse, ça, c’était nouveau. Elles s’appelaient The Slits. Ari Up, fondatrice et chanteuse du groupe, avait tout juste quatorze ans, les autres à peine vingt ans. Nous sommes en 1976, c’était hier mais c’est encore un peu aujourd’hui !
La scénographie de Marie Hervé donne le premier ton au spectacle. Les échafaudages et les flight cases nous plongent dans l’ambiance des salles de concert. Avec une grande efficacité, Justine Heynemann fait évoluer dans cet espace l’aventure humaine et musicale de ces filles gonflées. Sur le plateau, cela n’arrête jamais. Les scènes se suivent au rythme d’une playlist épatante, jouée en direct, qui fait ressurgir chez bien des spectateurs de sacrés souvenirs. Derrière la musique, il y a les mots. Ils racontent comment le groupe s’est construit mais, surtout, ils permettent de montrer comment les filles ont évolué avec leurs rêves et leurs aspirations. On touche ici à toutes les questions au cœur des débats d’aujourd’hui : la place de la femme dans la société, son droit à la parole, à la liberté.
Ça dépote
Cinq comédiennes et un comédien — belle parité — donnent corps à ce récit endiablé. Chacun d’entre eux sait se servir d’un instrument mais également pousser la chanson, ils jouent avec talent la comédie et la musique. Telle une Madame Royale, à travers le rôle de Nora Forster, la mère d’Ari Up, mais également d’autres personnages, Rachel Arditi porte l’histoire. Comme toujours, cette subtile comédienne nous offre une prestation formidable. Charlotte Avias (délurée et fine Ari), Kim Verschueren (imposante et impressionnante Tessa Politi), Camille Timmerman (pertinente et pétillante Viv Albertine) et Salomé Diénis Meulien (ineffable Paloma dite Palmolive) forment un quatuor remarquable. Quant à James Borniche, il est tout aussi épatant en Mick Jones des Clash, qu’en contremaître ou en Margaret Thatcher. Ce spectacle intergénérationnel, qui avait mis le feu à la Scala-Provence durant le dernier festival Off d’Avignon, s’installe pour quelques représentations à la Scala de Paris, apportant la chaleur dont on a bien besoin. Alors, pas d’hésitation, courez-y !
Marie-Céline Nivière
Punk.e.s ou comment nous ne sommes pas devenues célèbres de Rachel Arditi et Justine Heynemann.
La Scala Paris
13 boulevard de Strasbourg
75010 Paris.
Du 30 mars au 6 avril 2024.
Durée 1h35.
Mise en scène de Justine Heynemann.
Avec Rachel Arditi, Charlotte Avias, James Borniche, Salomé Diénis Meulien, Camille Timmerman et Kim Verschueren.
Assistantes à la mise en scène Stéphanie Froeliger et Marine Torre.
Scénographie de Marie Hervé.
Compositeur Julien Carton.
Lumières d’Héléna Castelli.
Chorégraphe d’Alexandra Trovato.
Régie son de Soizic Tietto.
Costumes de Camille Aït-Allouache.
Perruques & maquillage de Julie Poulain.
Régie générale Fouad Souaker.
