Molly Bair, Chanel haute couture 2015, Vogue Italia, Paris, 2015. Tirage chromogène sur papier Fujiflex © Paolo Roversi
Molly Bair, Chanel haute couture 2015, Vogue Italia, Paris, 2015. Tirage chromogène sur papier Fujiflex © Paolo Roversi

Paolo Roversi le photographe enchanteur de la mode

Ses images sont magiques et font chatoyer le monde de la mode depuis des décennies. Le grand photographe italien qui vit à Paris se voit célébré dans une incroyable exposition au Palais Galliera.

Il est né à Ravenne en 1947 et est arrivé à Paris en 1973 dans le sillage de Peter Knapp, le génial directeur artistique de ces années-là. Dans sa ville natale, comme Marcel le raconte dans La Recherche…, le jeune homme découvre la magie de la camera obscura ou lanterna magica, c’est-à-dire un objet entre le réel et la fantasmagorie, entre l’ombre et la lumière, entre la lampe et le noir : ce qui révèle. Le révélateur, comme l’est le dessin dans la pierre, la couleur sous le pinceau… 

Paolo Roversi est dans ces 140 photos, sur les murs de ce beau Palais Galliera. Un artiste qui se dit artisan, qui aime ce que les mains font, manipulateur de clichés, amoureux des Polaroids, ces instantanés qui dispensent ce côté laiteux, crémeux, cet enveloppement qui dissimule et fait apparaître au bout du compte les formes d’un objet, d’un être, d’une couleur (double exposition), d’une émotion…

Paolo Roversi, dit de lui Sylvie Lécallier, la commissaire de cette extraordinaire exposition, « qu’il n’est pas du côté du réel, mais qu’il se situe dans la fantasmagorie ». Ajoutons la révélation des traits d’un visage. Tous ces visages qui regardent l’objectif, c’est-à-dire, nous, nous les spectateurs qui découvrons, les yeux de Lucie de la Falaise, qui s’inscrivent dans un ovale parfait , le creux des joues à peine ombré ou les yeux d’une interrogation intense de la très jeune Kate Moss et encore la beauté de Kirsten, mannequin liée à Paolo Roversi depuis l’adolescence et qui tient contre son corps la robe de la mère du photographe : chaque photographie recèle un secret qu’on ne découvre pas, ce qu’on ressent, c’est la qualité de ce secret, l’incroyable chatoiement des émotions. 

Et pourtant comme on les connait depuis longtemps ces photographies avec ces joyeux rouges, ces roses veloutés ou les mystérieux noirs. Roversi a illuminé les splendides volutes de Rei Kawakubo de Comme des garçons, les noirs absolus de Yohji Yamamoto et de bien d’autres. La forme, la coupe, le découpage, la vie du regard, la tenue des mains, le poids du corps… tout élément et chaque mouvement s’inscrivent dans l’espace. L’art photographique de Paolo Roversi dont la ville natale, Ravenne, recèle les mystérieuses mosaïques parmi les plus belles au monde, son art relève de la danse, tant ce qui est dessiné « dans l’air » reste dans la rétine, ploie lentement comme une liane dans le cerveau est la mémoire.

Sylvie Lécallier et Paolo Roversi ont pris le chemin du temps long pour cette exposition, des années pour la préparer, comme les temps de pose qu’affectionne le photographe, dont il dit : « Un long temps de pose, c’est laisser à l’âme le temps de faire surface. Et laisser au hasard le temps d’intervenir. » Pour travailler cette patience, dans son studio atelier du 14ème arrondissement de Paris, il s’installe à côté de son appareil et non derrière et dirige le faisceau d’une petite lampe torche sur le mannequin plongée dans le noir. Pour les catalogues des couturiers comme pour les publicités ou les commandes journaux de mode, Roversi laisse advenir. L’extérieur n’est pas pour lui. Lorsqu’il dut photographier des mannequins sur une plage de Lanzarote aux Canaries, il préféra renoncer et retourner dans sa boîte noire à lui dont il ouvre parfois les grands rideaux, noirs bien sûr, qui obstruent les larges fenêtres. 

La beauté, il la capte dès cette première photo qui ouvre l’exposition : sa sœur Maria s’apprête à partir à un bal. Elle a dix-huit ans, il en a dix de moins. Retrouve-t-il cette image fondatrice lorsqu’il photographie Kate Moss, Nadia Vodianova, Kirsten Owen, Guinevere, la chanteuse Rihanna ?… De rares portraits d’hommes s’affichent aux murs : John Galliano de profil, Paolo Roversi dans un auto-portrait penché sur son appareil. 

Dans le catalogue très couture dont les pages crémeuses sont reliés par un fil noir, les analyses des spécialistes mais aussi de beaux entretiens avec les mannequins éclairent la pratique et les liens que le photographe tisse entre elles et lui. S’il ne revendique aucune filiation avec le monde de la peinture, il se situe pourtant, avec son art du portrait, dans cet espace particulier de la lumière qui donne la vie. Une mise au jour, un formidable émerveillement. 


Paolo Roversi, l’exposition
Palais Galliera, musée de la mode de Paris
jusqu’au 14 juillet 2024
Réservation recommandée : www.billetterie-parismusees.paris.fr

Catalogue Paolo Roversi
Éditions Paris Musées
ouvrage sous la direction de Sylvie Lécallier et Paolo Roversi 
208 pages, 100 images
prix conseillé 45 euros.

Rencontre exceptionnelle avec Paolo Roversi, le lundi 3 juin à 19h à avec l’Institut culturel italien à Paris, 50 rue de Varenne, Paris 7ème.

Reportage de Brigitte Hernandez et Samuel Gleyze-Esteban © L’Œil d’Olivier

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