Curtain Call ! de Judith Rosmair © Ebby Koll
Curtain Call ! de Judith Rosmair © Ebby Koll

Curtain Call !, Judith Rosmair au bord de la crise de nerfs

À La Colline,  la comédienne d’origine allemande invite à une plongée apnéique dans la tête d’une actrice confrontée au personnage d'Anna Karénine.

Éclairée d’une lumière diffuse, allongée sur un praticable, Judith Rosmair, qui jouait Nora dans Tous des oiseaux de Wajdi Mouawad, tente désespérément de s’endormir. Son souffle amplifié par le son étouffé du saxophone de Johannes Lauer, elle est totalement obsédée par le destin tragique d’Anna Karénine, sa mort violente, son corps broyé par le froid métallique d’un train de marchandise. Est-ce un cauchemar, une hallucination ou la réminiscence de quelque souvenir douloureux ?

Étroitement liée à son enfance, à sa mère décédée trop tôt, à ces moments partagés le soir avant le coucher, l’histoire de l’héroïne de Tolstoï agit sur elle comme le catalyseur de ses peurs et de ses angoisses. Elle en connaît les moindres détails. Victime du patriarcat et d’une société corsetée dans ses principes moraux, Anna Karénine est finalement l’antithèse de la femme qu’elle souhaite être. Pourtant, c’est à elle qu’elle s’identifie en tombant amoureuse du comédien qui joue Vronski, en hystérisant sa relation à l’équipe, au metteur en scène, en cristallisant ses doutes.

Objet de passion autant que de répulsion pour l’artiste, Anna Karénine permet à Judith Rosmair, de fictionner sa mémoire, d’inventer les mots que sa mère ne lui a jamais écrit, de se réapproprier à travers le fantasme, la folie, sa propre existence. Objet théâtral singulier, Curtain Call ! ne laisse personne indifférent. Il déroute les uns, enchante certains et exaspère les autres. Partition habitée d’actrice que l’ambiance sonore créée en direct par Johannes Lauer souligne intensément, la performance frise parfois l’exagération, quitte à desservir son propos sur le long cours…


Curtain Call ! de Judith Rosmair
Petit théâtre
La Colline – Théâtre national
15 rue Malte-Brun
75020 Paris
Jusqu’au 21 janvier 2024
durée 1h10

mise en scène de Johannes von Matuschka et Judith Rosmair
avec Judith Rosmair et le musicien Johannes Lauer
musique d’Uwe Dierksen
traduction d’Uli Menke

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