© RJ Muna

Avec Deep River, Alonzo King parfait un show à flot tendu

Dans la saison Montpellier Danse, Alonzo King et le LINES Ballet présentent "Deep River", un show parfait à l'américaine.

Dans le cadre de sa saison, Montpellier Danse accueille deux des rares représentations européennes du LINES Ballet sous la direction d’Alonzo King. Avec Deep River, le chorégraphe américain signe un spectacle sublime et sans faux pas, dans un héritage du show à l’américaine.

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Certaines images marquent toujours plus que d’autres en sortie de salle. Chez Alonzo King, qui développe une esthétique remarquable tout au long de Deep River, ces images sont légion et s’enchaînent durant plus d’une heure de spectacle. S’il y en a pourtant une qui ne s’efface pas, c’est celle qui ouvre la pièce. Dans le silence qui accompagne l’extinction des lumières dans le public, le lourd rideau s’ouvre sur douze interprètes sous le feu des projecteurs, le regard dirigé vers les spectateurs. Les corps sont déjà sur le qui-vive, dans une énergie qui se met bientôt en mouvement avec pour seuls bruits les frottements et les respirations… pour l’instant.

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Ainsi le chorégraphe américain, fondateur du LINES Ballet qu’il dirige ici, entame-t-il avec beaucoup d’effets une plongée dans un show particulièrement léché qui ne peut que convaincre. Maillant les chorégraphies de groupes avec les duos et solos qui s’imbriquent les uns aux autres, Alonzo King ne laisse aucune seconde de répit, aucun instant de relâchement, comme un fil tendu d’un bout à l’autre de la représentation. Les danseurs et danseuses formés au ballet avec une rigueur incontestable se mettent au service d’un spectacle éminemment moderne empreint d’un classicisme qui le sublime, accompagnés de la voix enveloppante de Lisa Fischer qui apporte un relief supplémentaire aux tableaux qui prennent vie au plateau. Tout comme les lumières de Jim French viennent magnifier une scénographie aussi simple qu’harmonieuse, ou comme les costumes de Robert Rosenwasser évoluent imperceptiblement au cours de la pièce, chacun des éléments qui compose Deep River contribue à son équilibre permanent.

Il y a de toute évidence dans ce spectacle une écriture du show à l’américaine, qui maintient l’attention et l’intérêt en éveil à tout instant par un rythme qui ne faiblit pas et par des images fortes et soignées. Dans sa quête de la perfection et de la synchronisation si caractéristiques du ballet, Alonzo King joue avec beaucoup de précision sur la contorsion et l’extension des corps, sur les effets de masse et les solitudes, jusqu’aux entrées et sorties des interprètes qui ne doivent rien au hasard et prennent aussi part à l’esthétique irréprochable qu’il développe. À travers elle, Deep River prend des airs de grand spectacle sans pour autant occulter totalement le propos.

C’est là toute l’intelligence du chorégraphe, qui ne cède pas tout à la beauté au détriment du fond. Création enfant du Covid, Deep River est le fruit d’un travail en solitaire de la part des artistes, travail qui prend une nouvelle ampleur dans le collectif. Cherchant précisément à retrouver l’optimisme, l’espoir et la fraternité dans les situations qui en sont exemptes, Alonzo King immerge ses interprètes – et le public avec – dans une allégorie de flot aquatique incessant dans lequel chaque individu est confronté à la dualité courant / contre-courant. L’intention artistique rejoint alors sa réalisation au plateau avec une pertinence implacable, donnant lieu à un spectacle parfait… trop parfait ?


Deep River d’Alonzo King
Opéra Berlioz – Le Corum / Montpellier Danse
Les 13 & 14 décembre 2023
Durée 65 minutes

Alonzo King LINES Ballet
Directeur artistique et chorégraphe – Alonzo King
Directeur adjoint – Robert Rosenswasser
Maître de Ballet – Jenny Sandler
avec Maël Amatoul, Adji Cissoko, Madeline Devries, Theo Duff-Grant, Lloris Eichinger, Shuaib Elhassan, Joshua Francique, Ilaria Guerra, Maya Harr-Siebenlist, Marusya Madubuko, Michael Montgomery, Tatum Quiñónez
Musique de Jason Moran, Lisa Fischer, Pharoah Sanders, Maurice Ravel, James Weldon Johnson
Chant de Lisa Fischer
Conception lumière de Jim French
Conception des costumes de Robert Rosenwasser
Vidéo de RJ Muna
Directeur technique – Joshua Weckesser
Régisseuse lumière – Seah Johnson
Régisseur plateau – Byron Roman

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