Thomas Lanoye © Arthur Los

Tom Lanoye, une muse à Avignon pour célébrer sa carrière 

Dans le cadre des quatrièmes rencontres de la Sabam au Théâtre Transversal, Tom Lanoye a reçu ce week-end une Muse pour l’ensemble de sa carrière.

Thomas Lanoye © Arthur Los

Dans le cadre des quatrièmes rencontres de la Sabam, en association avec le Théâtre Transversal dirigé par Laetitia Mazzoleni, le romancier et dramaturge néerlandophone Thomas Lanoye a reçu ce week-end à Avignon une Muse pour l’ensemble de sa carrière. Rencontre avec un artiste multi-primé.  

© Arthur Los

Que représente le théâtre pour vous ? 

Tom Lanoye : Je crois que c’est la clé pour comprendre toute mon œuvre. Tout ce que j’écris, que ce soit des poèmes, des romans, des pièces de théâtre, est très oral, très musical, fait pour être lu à haute voix, entendu. Pour être portée au plateau, la langue ne doit pas être naturaliste. Elle doit être vivante, mélanger modernité et universalité. J’évoque mon goût pour la dramaturgie, le théâtre, dans un livre où je parle de ma mère. C’était une comédienne amateure. Quand j’étais enfant, elle m’a appris à lire des pièces de théâtre. Souvent, j’étais son répétiteur, je lui donnais la réplique, je corrigeais ses erreurs. C’était pour moi le plus beau des cadeaux. Elle m’a permis de découvrir Molière, Shakespeare, mais aussi des textes plus futiles, plus légers. Hier, avant de recevoir le prix de la Sabam (Société des auteurs belges), une de mes pièces a été lue en français, cela m’a touché d’autant que j’ai toujours considéré qu’il était plus normal d’assister à ce type d’exercice que d’aller dans un stade voir un match de foot. 

Qu’est-ce que cela fait d’entendre ses propres mots dits par d’autres ? 
Rencontres de la Sabam - Théâtre transversal © DR
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Tom Lanoye : C’est amusant, mais surtout, cela me rappelle que je me suis toujours considéré comme un acteur raté ayant travaillé avec les plus grands comédiens de ma région natale, la Hollande et les Flandres. Côtoyé des personnes comme Bouli Lanners, c’est un vrai privilège qui m’a aussi fait comprendre mes limites. Certes, je ne peux pas jouer, je ne sais pas jouer, mais j’espère au moins être un auteur qui sait écrire pas trop mal pour les comédiens. C’est un exercice passionnant que de composer une pièce avec beaucoup de personnages, tisser des liens. Le chœur est quelque chose qui me passionne, car à travers lui, c’est le destin de chacun qui fait jour, la condition humaine qui transparaît. 

Vous venez de recevoir, à Avignon, l’une des distinctions les plus importantes de Belgique, une muse de la Sabam, qu’est-ce que cela représente pour vous ? 

Tom Lanoye :  C’est un événement d’autant que la Sabam est un organisme très important en Belgique. Depuis le début de ma carrière, il me soutient, m’aide à gérer mes droits, m’évite de me soucier de tout ce qui est administratif. En quelque sorte, il m’offre du temps artistique. C’est extrêmement précieux. Et puis la statue, que j’ai reçu hier, est plutôt pas mal. Disons qu’on peut la mettre sur une commode. Ce n’est déjà pas si mal. Et puis cela consacre tout mon travail. Maintenant, j’ai 65 ans, mais c’est difficile encore de croire que j’ai vraiment une œuvre, alors que j’ai écrit plus d’une soixantaine de textes, dont une vingtaine de pièces. Je n’aime pas regarder le passé, je préfère rêver à l’avenir. Et cette cérémonie, organisée dans le cadre de ces rencontres avignonnaises, m’a permis de rencontrer d’autres artistes, d’autres dramaturges, comme Patrick Delperdange, avec qui j’ai eu des échanges passionnants. Lui comme moi, nous avons le même ressenti sur notre métier. Quand on écrit, sur le moment on est heureux. Cela dure une heure, puis de nouveau l’angoisse, l’inquiétude nous reprend. Il faut nous remettre à l’ouvrage pour avoir l’illusion d’avoir fait quelque chose. Du coup, avoir reçu cette Muse, cela va peut-être m’aider à être content quelque temps, avant de reprendre l’écriture. 

Avoir reçu cette distinction à Avignon, ville du théâtre par excellence, quel sens cela a pour vous ? 

Tom Lanoye : Bien évidemment. Je suis venu de nombreuses fois à Avignon. J’y ai vu de magnifiques spectacles, d’autres totalement ratés. C’est d’ailleurs cela qui est formidable. Et puis trois de mes pièces, montées par Guy Cassiers, ont été jouées dans le in, une même dans la cour d’honneur, la plus belle scène du monde. C’était magique de voir mes textes joués dans ma langue originale, le néerlandais. Cela fait partie de la magie d’Avignon, d’autant que c’est assez récent – une vingtaine d’années – que les Français ne s’irritent plus des surtitres au théâtre. Cela m’a ému de voir Gilles de Ray, Jeanne d’Arc parler dans la langue maternelle, d’entendre ma propre musique résonnait entre les murs du Palais des Papes. Ici, à Avignon, on joue pour le monde. C’est incroyable, vertigineux. C’est notamment grâce à ces expériences que mon théâtre est joué dans le monde entier, au Japon, en Espagne, en Allemagne et même en Iran. Je l’ai découvert par hasard. Un ami anversois, qui a dû émigrer pour fuir le régime pour des raisons politiques, m’a raconté avoir entendu, Mephisto Forever, ma première pièce jouée, ici à Avignon, en Farsi. Je ne le savais même pas. J’ai trouvé ça touchant d’avoir été ainsi « volé ». C’est pour moi le plus beau des compliments…

Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore 

Les quatrièmes rencontres de la Sabam
Théâtre transversal

10 Rue Amphoux
84000 Avignon

jusqu’au 8 octobre 2023

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