K., Alexis Armengol ©Simon Gosselin
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K. d’Alexis Armengol : parler la même langue

Dans "K.", au 11·Avignon, Alexis Armengol mobilise la musique, le dessin et le jeu pour faire le portrait sensible d'un enfant autiste, et dit le lien complexe qui unit une famille à un esprit impénétrable.

K., Alexis Armengol ©Simon Gosselin
©Simon Gosselin

Au 11·Avignon, c’est le bazar. Mais si la scénographie d’Heidi Folliet est bordélique, en chantier, c’est parce que la vie racontée dans K. est chaotique. Cette vie-là, c’est celle qui suit la naissance d’un enfant atypique, de ceux qu’Alexis Armengol a connus pendant ses études de psychologie clinique. Et de la même manière qu’une famille doit apprendre à composer avec les différences souvent impénétrables du handicap, nous, spectateurs, mettons un peu de temps, à partir du désordre sensoriel qui s’offre d’abord à nous sur scène, à prendre la route déductive qui nous amènera à comprendre ce dont parle vraiment la pièce.

K., c’est l’initiale de Kadhiravan, un garçon autiste mutique. Il apparaît sans corps au plateau pour l’incarner, et sans mots puisqu’il ne parle pas. À la place, il est représenté par un collage de dessins et de vidéos d’animation reconstituant un portrait fragmenté, qui tente d’épouser les perceptions de l’enfant dans une sorte d’ASMR autistique assez intense. Le choix étonnant qui préside à cette transfiguration, à l’opposé d’une déshumanisation, d’une désincarnation froide, construit, là aussi progressivement, une image à la fois pudique et caractérisée — la voix qui crie, les yeux qui regardent, la main qui dessine.

La lettre kafkaïenne du titre dit l’enfermement, la loi arbitraire du handicap ; le père raconte d’ailleurs la rupture entre deux mondes, le sien et celui de son enfant. Sur scène, Laurent Seron-Keller, comédien fidèle de la compagnie Théâtre à cru, Shin Han Shaw et Romain Tiriakian forment une sorte de petite famille attentive (et parfois étourdie) autour de Kadhivaran. Le premier raconte, la seconde dessine, le troisième bricole la musique. Et discrètement, chacun à leurs outils sur un plateau dont l’écriture chorale saute aux yeux, il font glisser ce désordre d’abord crispant vers l’accomplissement de sa logique propre, où se nouent l’amour et la joie indicibles qui finissent par jaillir de ce lien entravé, non sans nous toucher au cœur.

Samuel Gleyze-Esteban – Envoyé spécial à Avignon

K. d’Alexis Armengol
11·AvignonFestival Off Avignon
11 boulevard Raspail 84000 Avignon

Du 7 au 26 juillet 2023
Durée 1h

Tournée
12 Décembre 2023 Théâtre d’Auxerre
20 et 21 Décembre : Vandeouvre-lès-Nancy
3 Février 2024 : Festival MOMIX, Kingersheim

Écriture, conception, mise en scène Alexis Armengol
Dessins et film d’animation Félix Blondel et Shih Han Shaw
Voix de K. Marius Seron-Keller
Voix additionnelles Heidi Folliet et Félix Blondel
Régie générale et régie lumière Rémi Cassabé
Création et régie son Quentin Dumay
Régie son Julien Bouvier
Scénographie Heidi Folliet
Construction décors Alexandre Hulak
Création lumière Sébastien Marc
Assistanat à la mise en scène Lisa Porteix, Jean Canesse, Isabelle Vignaud
Compositions musicales Romain Tiriakian

Avec Laurent Seron-Keller, Shih Han Shaw, Romain Tiriakian

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