Le Grognement de la voie lactée, Maïa Sandoz et Paul Moulin ©Joachim Munoz

Un Bonn Park stratosphérique pour la troupe de l’AtelierCité

Créé au toulousain ThéâtredelaCité, Le Grognement de la voie lactée, mis en scène par Maïa Sandoz et Paul Moulin avec la troupe éphémère du CDN, arrivera en juin à la Tempête, à Paris. Avec lui, c'est un carnaval de personnages absurdes qui foule les planches.

Le Grognement de la voie lactée, Maïa Sandoz et Paul Moulin ©Joachim Munoz

Créé au toulousain ThéâtredelaCité, Le Grognement de la voie lactée, mis en scène par Maïa Sandoz et Paul Moulin avec la troupe éphémère du CDN, arrivera en juin à la Tempête, à Paris. Avec lui, c’est un carnaval de personnages absurdes qui foule les planches.

©Joachim Munoz

Né à Berlin, Bonn Park a fait ses armes aux Beaux-Arts de Zürich et, avant de revenir en Allemagne en tant qu’assistant de Frank Castorf à la Volksbühne. Peut-être y a-t-il dans ces éléments biographiques de quoi expliquer la folie qui traverse Le Grognement de la voie lactée, farandole de personnages déjantés imaginés comme des déformations du réel. Aux manettes d’une mise en scène présentée au cœur de la cité rose en mars dernier, Paul Moulin et Maïa Sandoz devaient se mettre au diapason de cette farce déglinguée. Et après que l’un a adapté Zaï Zaï Zaï Zaï de Fabcaro et que l’autre a mis en scène deux spectacles de Blanche Gardin, une lignée d’observateurs absurdistes et doucement cauchemardesques de l’époque se dessine naturellement jusqu’à l’auteur allemand.

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Il est difficile d’y voir clair dans le grand carnaval qu’est Le Grognement de la voie lactée puisque les personnages se succèdent comme dans un cabaret, venant tour à tour prendre la piste pour décrire, chacun à leur manière, l’effondrement total. La scénographie prévoit d’ailleurs une estrade pour que chacun s’élève et prenne la parole au milieu du désordre du plateau. La pièce prend la forme d’une succession de monologues mettant en scène des personnages tous plus absurdes les uns que les autres, comme des extrapolations paradoxales de figures célèbres : un Kim Jong-Un piqué par l’envie de réunifier les deux Corées ou un Donald Trump alternatif qui aurait acheté tous les arbres du monde pour les fondre en une montagne au sommet de laquelle se serait formé un glacier. Bonn Park lui-même apparaît dans le corps d’une fillette de onze ans… incarnée par le grand barbu Fabien Rasplus.

Heidi Klum mangeuse d’immeubles

Les tours de piste sont entrecoupés de chansons et d’interruptions surréalistes qui, dans le texte de Bonn, prennent la forme de didascalies touffues et poétiques. Tout cela donne lieu à un joyeux bordel se déployant dans un décor de peu à grand renfort de costumes en toc, de fleurs et de confettis, de chorégraphies et d’instruments de musique. Devant une telle farce, on se doit de se demander à quoi aboutit l’agitation tonitruante à l’œuvre sous nos yeux, qui nous commande de donner des claques à nos voisins de siège et de jeter des tomates aux comédiens. La réponse est entre deux, c’est-à-dire que certains moments sont sauvés par le fou rire, d’autres finissent par tourner à vide, noyés dans le bruit, d’autant que les points de référence de ce texte très lié à l’actualité ont pas mal bougé depuis 2016.

Le Grognement de la voie lactée, Maïa Sandoz et Paul Moulin ©Joachim Munoz
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La pièce étant comme un grand terrain de jeu, jusqu’à littéralement se transformer en une fausse partie de foot, il y a du sens à y faire jouer la jeunes troupe éphémère de l’AtelierCité, dispositif d’insertion professionnelle du CDN toulousain, formée entre 2020 et 2021. Maïa Sandoz et Paul Moulin héritent d’une distribution très en forme, une composition de personnalités affirmées et toutes différentes les unes des autres, de laquelle se démarquent des comédiennes puissantes, Marie Razafindrakoto et Jeanne Godard en tête. On ne peut parler de la pièce sans évoquer la Heidi Klum monstrueuse incarnée par cette dernière. En s’appropriant la figure de l’actrice-mannequin américaine (dont la planète se souvient une fois par an, pour Halloween, à la vue de ses costumes plus cauchemardesques d’année en année), Bonn Park lui consacre une idée simple mais magnifique : la star, entraînée dans une incontrôlable fureur boulimique, se met à manger des immeubles puis des pays entiers, et décide de vendre ses services carnassiers comme une sorte de tueuse à gages gargantuesque. Elle porte tout le mélange de grotesque, de vulgarité et de tristesse profonde que réclame la pièce, et devient ainsi son cœur battant.

Samuel Gleyze-Esteban – Envoyé spécial à Toulouse

Le Grognement de la voie lactée de Bonn Park
Théâtredelacité – Centre Dramatique National Toulouse Occitanie
1 rue Pierre Baudis, 31000 Toulouse

Du 9 au 16 mars 2023

Durée 1h40

Tournée

Du 3 au 23 juin 2023 au Théâtre de la Tempête, Paris

Mise en scène Maïa Sandoz et Paul Moulin
Traduction Laurent Muhleisen
Collaboration dramaturgique Clémence Barbier
Traduction / adaptation Sophie Scheidt
Collaboration Lucie Lataste
Création et régie lumière Romane Metaireau
Création sonore et musicale Angie Mercier et Grégoire Leymarie
Mise en espace sonore et régie son Grégoire Leymarie
Scénographie Paul Moulin assisté de Stan Weiszer
Collaboration artistique Guillaume Moitessier
Création costumes Muriel Senaux
Régie générale David Ferré
Régie plateau Paolo Sandoz
Avec Matthieu Carle,Jeanne Godard, Angie Mercier, Fabien Rasplus, Marie Razafindrakoto/Mélissa Zehner, Quentin Rivet, Christelle Simonin

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