Acid Jams d'Adam Linder - le Ballet de Lorraine © CCN - Ballet de Lorraine

Le Ballet de Lorraine en toute altérité   

À Nancy, le Ballet de Lorraine se confronte, pour son deuxième programme de saison, aux écritures de Michèle Murray et Adam Linder.

Acid Jams d'Adam Linder - le Ballet de Lorraine © CCN - Ballet de Lorraine

À l’Opéra national de Nancy, un samedi soir n’est pas coutume, le Ballet de Lorraine fait vibrer la scène encore un peu plus intensément que d’habitude. Porté par les écritures de Michèle Murray et Adam Linder, le corps de ballet se met à nu et offre sa diversité en toute lumière. 

© CCN – Ballet de Lorraine

Balcons et corbeilles débordent. C’est soir de première, et le magnifique opéra de Nancy, dont la façade fait partie intégrante de la place Stanislas, fait salle comble. C’est beau à voir, ces spectateurs venus en nombre découvrir le deuxième programme de la saison du Ballet de Lorraine. Depuis son arrivée en 2011, Petter Jacobsson n’a de cesse de se balader en terres de contraste, à convoquer des artistes aussi disparates que virtuoses, La danse étant le cœur palpitant qui guide ses choix. D’origine suédoise et ayant beaucoup travaillé outre-Atlantique, il a placé cette soirée d’exception sous des astres anglo-saxons. D’un côté, la Franco-Américaine, Michèle Murray, croque avec ingéniosité la vie d’un Dancefloor, de l’autre l’australien, basé à Berlin, Adam Linder propose à la manière d’un Balanchine, de tisser l’histoire de la danse contemporaine à travers l’évolution des corps et des gestes. 

Sous les sunlights 
Dancefloor de Michèle Murray - Ballet de Lorraine © Laurent Philippe
© Laurent Philippe

La salle est plongée dans le noir. Sur scène, une ombre portant un blouson lumineux, vert fluo tourne, virevolte, se familiarise avec le plateau, en appréhende chaque recoin. Dans quelques minutes, la boîte de nuit va ouvrir, le dancefloor être foulé par des dizaines de clubbers. Tee-shirt pailleté, jean à la mode retroussé aux chevilles, le premier danseur se jette dans la fosse aux lions. Gestes précis, jambes tendues, il impressionne. À peine vingt ans, Gabin Schoendorf, issu de la cellule d’insertion professionnelle du CCN – Ballet de Lorraine, habite le plateau, l’irradie par sa maîtrise impeccable, sa présence incroyablement mature. Autour, les autres l’observent, le jaugent, attendent le flow favorable. L’un après l’autre, les 25 artistes chorégraphiques du Ballet de Lorraine vont entrer en piste et se laisser emporter par les vagues sonores, tantôt ronronnantes, tantôt tempétueuses, imaginées par Gerome Nox

Puisant son inspiration dans l’énergie du DancefloorMichèle Murray esquisse la vie des clubbers, de ces oiseaux de nuit, qui seul ou à plusieurs jouent chaque soir leur existence aux rythmes des beats, des changements de lumières. Écriture au cordeau, grammaire ciselée, la chorégraphe franco-américaine, basée à Montpellier, signe une œuvre exigeante, une pièce de groupe lumineuse, où chaque élément à sa place et donne à l’ensemble sa puissance, sa beauté viscérale. Nourrie à l’œuvre de Merce Cunningham, auprès duquel elle s’est formée, elle instille à sa prose une légèreté et une pureté des lignes faite de pliés, de déroulés, de jetés particulièrement épurés. Au plateau, les couples se font et se défont. Tous les mouvements, les gestes sont d’une parfaite fluidité. À l’unisson, galvanisé par le travail astringent et fin de Michèle Murray, le corps de ballet irradie la scène et prouve une nouvelle fois son excellence. 

Des gemmes ciselées 
Acid Jams d'Adam Linder - Ballet De Lorraine © CCN - Ballet de Lorraine
© CCN – Ballet de Lorraine

Imaginant les danseurs du Ballet de Lorraine comme des pierres précieuses à sculpter, à tailler, Adam Linder imagine une œuvre protéiforme et hyper-colorée où se dessinent à travers un certain nombre de tableaux de groupe, des images sidérantes. Sur deux chaises d’arbitre ou de maîtres-nageurs, deux créatures voilées, un homme, une femme, observent le reste de la troupe habité un espace délimité par un carré blanc au sol. Les uns suivent des diagonales. Les autres ondulent en fond de scène. Mi-êtres humains, mi-sirènes, les 12 interprètes, qui constitue le corps dansant de cette pièce – quatre artistes étant figuratifs – , vêtus d’académiques fluo coupés, recoupés, découpés, transforment le plateau en piscine sans eau, en lieu de transe où chacun finit par s’accorder aux autres. Balancement des bassins, torses ondoyant, bras fusionnant avec ceux de leurs voisins, les corps s’entremêlent, se conjuguent pour former une seule entité à 42 membres et 12 têtes. L’impression de monstruosité céleste est fugace, retient l’attention tel un mirage, puis s’évapore, chacun retrouvant sa place. 

Étonnement, et sans concertation, l’écriture plus pop, mais tout aussi exigeante du chorégraphe sydnéen répond à celle de Michèle Murray. Les deux volets du programme forment un tout, qui respire la danse. Chaque geste, chaque mouvement, sont étudiés pour donner l’impression de souffle de vie au plateau. L’art n’est jamais plus beau que quand il est sublimé, que quand il est porté par une troupe, des danseurs et des danseuses qui ont le feu sacré. Le ballet de Lorraine, que l’on pourra retrouver au Musée de l’Orangerie, le 22 mai prochain, puis en ouverture du Festival Paris l’été, les 10 et 11 juillet, brille donc de mille feux dans cette double invitation à une balade délicate et flamboyante au cœur de l’histoire contemporaine de la chorégraphie. 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – envoyé spécial à Nancy 

Programme 2 du Ballet de Lorraine
Opéra national de Nancy
1 Rue Sainte-Catherine
54000 Nancy
Jusqu’au 7 avril 2023
durée 1h50

Dancefloor de Michèle Murray 
Création pour 25 danseurs
Scénographie de Koo Jeong A 
Création sonore de Gerome NOX 
Lumière d’Olivier Bauer
Costumes de Laurence Alquier

Acid Jems d’Adam Linder
pièce pour 16 danseurs 
Création musicale de Billy Bultheel 
Lumières de Shahryar Nashat 
Costumes d’Antonin Tron

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