Maud Lübeck © Ph. Lebruman

Maud Lübeck, les vestiges des premiers émois 

À Vannes, Maud Lübeck a carte blanche aux Émancipéés des scènes du Golfe. En compagnie de Clotilde Hesme et d'Alex Beaupain, elle ouvre le journal intime de son adolescence.

Maud Lübeck © Ph. Lebruman

À Vannes, Maud Lübeck a carte blanche aux Émancipéés des scènes du Golfe. En compagnie de la comédienne Clotilde Hesme et du musicien Alex Beaupain, l’auteure-compositrice-interprète ouvre le journal intime de son adolescence et revient sur le décès prématuré de son premier amour, une amie de son grand frère. Haut les cœurs, au-delà du deuil, la vie se réinvente ! 

© Ph. Lebruman

Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire de la musique votre métier ? 

Maud Lübeck : C’est finalement très lié à ce que j’aborde dans l’album 1988, Chronique d’un adieu, et dans ce que je raconte dans le livre que je suis en train de terminer, Privé SVP, qui doit sortir en mai. J’y détaille tout le cheminement intérieur qui a fait que la musique est devenue pour moi essentielle à mon équilibre, à ma vie. Je me suis inspirée du journal intime de mes 15 ans, qui tristement est devenu un journal de deuil à la suite du décès dans un accident d’une jeune femme dont j’étais secrètement amoureuse. C’était une amie de mon frère. Sa perte m’a mis sur la voie. Des mois durant, je me suis enfermée dans ma chambre et je jouais inlassablement de mon piano. Petit à petit, l’envie de créer une œuvre, de raconter à travers, ma musique, mon histoire, son histoire, faire en sorte qu’au-delà de sa mort, elle reste en mémoire, qu’on ne l’oublie pas. De cette douleur intime, de cette volonté de la rendre omniprésente à mes côtés, mais qu’elle existe aussi pour ceux qui ne l’ont pas connue, est née la nécessité pour moi d’écrire musique et chanson. 

C’était votre manière de vous exprimer….
Carte Blanche à Maud Lübeck © Gilles Vidal
© Gilles Vidal / Hans Lucas.

Maud Lübeck : oui, de manière très naturelle, finalement, la musique m’a permis de dire ce que j’avais dans le cœur, de m’exprimer, de créer. Tout est venu de cet amour tu, de cette histoire qui a nourri mes premiers émois. Sans que je le décide, j’ai composé quelques chansons et j’ai fini par me retrouver sur scène et à faire des albums. Sans ce drame, est ce que je serais là aujourd’hui ? Je ne sais pas.  

Il était important de raconter votre histoire dans un album ?

Maud Lübeck : Je crois que c’était un besoin vital de mettre en musique les maux liés à ce deuil, une envie présente en moi depuis longtemps. Le chemin est toujours long dans ces cas-là. Il faut du temps pour exprimer ce que l’on ressent, pour le dire avec les mots justes. À 15 ans, je m’étais fait une promesse, d’un jour raconter cette histoire. Je m’étais donc commandée à moi-même un opéra. J’ai fini par faire autre chose, un album d’un côté, un livre de l’autre. L’ensemble compose un tout à la manière d’un diptyque, où chaque opus bien que différent répond à l’autre. Et puis, je ne sais faire que des albums concepts. Il y a toujours une finalité, une trame très précise. Certes, 1988, chronique d’un adieu n’est pas un opéra, mais j’estime avoir honoré en grande partie la promesse que je m’étais faite adolescente. D’autant qu’avec le roman à venir, où je raconte le lien que j’avais avec cette personne et l’influence que cette histoire a eu dans ma vie, j’ai l’impression d’avoir bouclé un chapitre, de mettre libérée d’un poids. 

Dans le cadre des Émancipéés, Ghislaine Gouby vous invite à une carte blanche…

Maud Lübeck : C’est un format passionnant à explorer. On peut faire ce que l’on veut. En réfléchissant à ce que je pourrais proposer, j’ai logiquement eu envie de jouer quelques morceaux de mon dernier album. C’est ce qui est le plus proche de moi en terme artistique actuellement. Mais j’avais aussi le désir de poursuivre l’histoire dont je parle dans l’album en lisant des extraits de mon journal intime de l’époque. En filigrane, il y avait cette idée de convoquer sur scène à mes côtés, l’adolescente que j’ai été. En lisant des extraits de mon journal intime, c’est une façon de la ramener, de m’en souvenir autrement, de l’incarner à nouveau. 

Vous avez fait le choix de quelque chose de très épurée ? 
Carte Blanche à Maud Lübeck © Gilles Vidal
© Gilles Vidal / Hans Lucas.

Maud Lübeck : En effet, je voulais être au plus près de ce que j’étais ado. À l’époque quand je m’enfermais dans ma chambre, j’étais seule avec mon piano et j’entendais dans ma tête des instruments à cordes. Je voulais préserver cette intimité, cette simplicité, ainsi les textes et les chansons ne sont accompagnés que de ces instruments-là. Je souhaitais aussi, toujours dans l’idée de retrouver ma chambre d’adolescente, de passer des extraits de la cassette qui était posée sur mon piano et où j’avais enregistré mes premières compositions. J’ai vraiment pensé cette carte blanche comme une balade dans mes souvenirs, un parcours au cœur du sentiment amoureux dont je me nourris pour écrire, pour créer. Le deuil n’est qu’une étape, j’évoque aussi la séparation, la rencontre amoureuse. C’est une traversée, un chemin à travers mon intimité, un moment de partage. 

Une sorte de mise à nu …

Maud Lübeck : Pas tout à fait. Ce n’est pas comme cela que je l’envisage. Je parle de choses intimes, mais ce sont des émotions, des sentiments universels. En me livrant sur scène, je parle aussi aux autres, je fais écho, il me semble à leur propre histoire, à leur propre ressenti. L’amour est un bien commun. 

Vous avez fait le choix pour cette carte blanche d’être accompagnée de Clotilde Hesme et Alex Beaupain… 

Maud Lübeck : C’était une évidence. Clotilde est partie intégrante de l’album. Elle est une des trois comédiennes avec qui je partage un duo. Nous chantons ensemble, Était-ce toi. Nous nous connaissons bien, pour avoir fait d’autres scènes ensemble On a même tourné un clip toutes les deux. Il était donc logique qu’elle partage ce moment avec moi. Clotilde, c’est aussi elle qui me lie à Alex Beaupain. Quand j’ai fait le choix des actrices – Irène Jacob et Nicole Garcia sont les deux autres – qui m’accompagnent sur l’album, j’avais en tête Les Chansons d’amour de Christophe Honoré. Le film est sorti au cinéma en 2007. Ça a été pour moi un vrai choc, une comédie musicale qui parle, entre autres, de la perte de l’être aimé. Il y avait une résonnance avec ma propre histoire. Cela m’a bouleversée et profondément émue. C’est par ce long-métrage que j’ai découvert la musique d’Alex Beaupain, qui en signe la bande originale. En l’invitant, cela me permettait de faire un pont artistique entre le 7e art, la littérature et la musique, d’être au plus près du « mood » des Émancipées.

Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore 

Carte Blanche à Maud Lübeck
Les Émancipéés
Les Scènes du Golfe

Place de Bretagne
56000 Vannes

Maud Lübeck : chant, piano
Clotilde Hesme : lecture, chant
Alex Beaupain : chant
Chloé Girodon : violoncelle
Christelle Lassort : violon

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