Apnée © Corinne Marianne Pontoir

Une Apnée qui nous tient en éveil

Au théâtre des Déchargeurs, avec « Apnée », Sophie Torresi aborde, non sans humour et intelligence, les rapports d'une famille à la maladie.

Apnée © Corinne Marianne Pontoir

Aborder la maladie, surtout celle d’un enfant, n’est jamais une chose aisée. Dans le docu-fiction théâtral Apnée, Sophie Torresi défie tous les pièges et nous livre, sur le petit plateau des Déchargeurs, un spectacle bouleversant.

La maladie est entrée dans sa vie quelque temps après la naissance de son petit garçon au souffle court. Le diagnostic est tombé, ses poumons ne sont pas bons, il est atteint d’un handicap respiratoire sévère. L’enfant, mais aussi toute la famille, va apprendre à vivre avec tout ce que cela implique : les hospitalisations fréquentes, le suivi médical régulier avec ses tonnes d’examens et d’analyses, une attention perpétuelle sur tout ce qui peut devenir dangereux. Une longue apnée qui durera tout au long de l’existence de cet être qui n’avait rien demandé.

La vie au jour le jour
© Corinne Marianne Pontoir

Depuis des années, Sophie Torresi tient un journal de bord, Mon histoire de la maladie de mon fils, sur un grand réseau social. La comédienne s’est servie de cette matière pour écrire, avec talent, intelligence, humour et sensibilité, Apnée. Dans un style des plus remarquables, elle y raconte son histoire de mère confrontée à la maladie de son fils, à cette vie tenue par un fil. La pièce démarre ce fameux jour où un coup de téléphone du pneumologue évoque l’urgence d’une greffe. La mère ne comprend pas, son gamin va bien. Il a apprivoisé ses poumons et son souffle court. Il n’a plus besoin d’aide respiratoire. Et cette greffe risque non pas de le sauver, mais de le tuer. Alors, en accord avec son ex-mari, elle va refuser et se mettre à dos le corps médical.

Faire entendre sa voix

Le cœur du projet est d’évoquer les relations entre le corps hospitalier et le malade. Il faut savoir que les patients atteints de maladies chroniques finissent par en savoir autant que leur soignant. Ils ont même cette intuition qui leur fait comprendre le bien-fondé ou non de certaines décisions. C’est tout aussi valable pour l’entourage, surtout pour une mère. Les médecins, avec tout leur savoir, peuvent se tromper ou, dans leur désir de faire avancer la médecine, aller trop vite. Pour que la communication entre les deux parties ne se rompe pas, il faut tenir compte de cela. Ne vous trompez pas, l’auteur ne s’attaque pas à ces sauveurs de vie. Au contraire ! Elle leur demande juste de prendre en compte cette chose qui s’appelle la connaissance du quotidien et de l’intime que possède le patient et, lorsqu’il est mineur, ses parents.

Les liens d’amour

Sophie Torresi trace également le merveilleux portrait d’une femme qui maintient son souffle à celui de son fils. Évitant de l’étouffer par trop d’amour et de peur, elle doit lui apprendre à grandir avec. La maladie chamboule tous les rapports et, ici, elle a fini par faire exploser le couple. Chacun de son côté va s’occuper de l’enfant et se retrouve en accord sur les décisions à prendre. Être sœur ou frère d’un malade vous change radicalement la perception des choses. Il faut apprendre à faire avec, accepter que l’autre soit le centre de l’attention. Garance est un rayon de soleil qui irradie.

Vivre sa vie
© Corinne Marianne Pontoir

Et puis, il y a Lucas, ce petit bonhomme courageux et téméraire, qui a décidé que rien « ne l’empêchera » de vivre. C’est un adolescent comme les autres, qui renâcle à faire sa fiche de lecture, aime traîner et s’amuser. Il a tout le temps devant lui, même s’il sait que cela n’est pas si certain. La pièce s’achève à sa majorité, ce moment où il devra se prendre en charge et poursuivre, sans sa mère, le dialogue avec le corps médical. Comme il est suffisamment armé, il est prêt pour mener sa vie.

Un spectacle de haute tenue

Sophie Torresi a écrit une pièce chorale pour cinq actrices. Chacune d’elles porte une parole, celle des médecins, des médiateurs, du mari. Sophie Torresi est la narratrice principale, normal puisque c’est de sa vie dont il est question. Mais elle a eu la très bonne idée de partager ses réflexions, ses récits avec ses camarades de jeu, Domitille Bioret, Violaine de Carné, Madeleine Mainier et Isabelle Saudubray. Tel un chœur, composé de diverses tonalités, les comédiennes reprennent ses phrases et pensées. Ainsi, toutes les mères sont représentées sur le plateau. Cette universalité prend un sens très fort qui rassemble et ouvre le propos. Avec sa fluidité de mouvements, la mise en scène collective donne à ce spectacle une respiration où tout n’est que vie et espoir. C’est bouleversant !

Marie-Céline Nivière

Apnée de Sophie Torresi
Les Déchargeurs
3 rue des Déchargeurs
75001 Paris.
Du 5 au 28 février 2023.
Dimanche, lundi, mardi à 19h.
Durée 1h.

Du 1er au 4 mars à 19h au Théâtre de la Reine Blanche.

Ce spectacle existe en forme courte avec débat, diffusé dans les universités de médecine et divers lieux, pour les dates voir ici.

Mise en scène et jeu de Domitille Bioret, Violaine de Carné, Madeleine Mainier, Isabelle Saudubray et Sophie Torresi.
Regard extérieur d’Arnaud Carbonnier.

Création sonore de Didier Léglise.
Création lumière de Véronique Hemberger.
Scénographie d’Alain Burkarth.
Costumes de Lou Delville.
Régie son de Baptiste Marty.
Collaboration artistique de Rachel Mateis.

Crédit photos © Corinne Marianne Pontoir

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