Le Chevalier et la dame de Carlo Goldoni - Mise en scène Jean-Luc Revol © Christophe Vootz

Jean-Luc Revol donne lustre et paillettes à un Goldoni inédit

À la maison de Culture de Nevers, Jean-Luc Revol s’attaque au Chevalier et la dame de Goldoni et invite à découvrir une de ses œuvres jamais montées en France.

Le Chevalier et la dame de Carlo Goldoni - Mise en scène Jean-Luc Revol © Christophe Vootz

À la maison de Culture de Nevers qu’il dirige depuis 2016, l’enfant facétieux du pays s’amuse à brouiller les pistes, à passer du théâtre classique à des formes plus irrévérencieuses, moins policées. En s’attaquant au Chevalier et la dame du dramaturge italien, il plonge avec délice dans la Venise du XVIIIe siècle et invite à découvrir une œuvre jamais montée en France qui voit la vertu triompher du vices. 

Patricienne de belle et vieille noblesse, Dona Éléonora vit sans le sou dans une Venise où médisances et persiflages ont force de loi et sonnent comme de douces vérités. En compagnie de Colombine, sa fidèle servante à la langue bien pendue, elle végète loin du monde. Reléguée au ban de la société, depuis que son époux a été exilé, elle n’a que sa vertu comme unique bien et se fait un devoir de la préserver coûte que coûte. Refusant aumône, se nourrissant de croutons de pain, elle croît en la bonté de l’être humain et espère un avenir meilleur. Objet de convoitise, de curiosité mais aussi de malveillance, Dona Éléonora voit autour d’elle virevolter avocat véreux, amoureux transi, mais pudique, aristocrates dont la vacuité n’a d’égale que leur méchanceté et bourgeois plein de compassion pour cette jeune femme qui même dans la tourmente de la pauvreté garde sa belle âme. Après moultes rebondissements et quelques vilénies, la Dame sera-t-elle sauvée par son preux Chevalier ?

Amours, calomnies et faux-semblants 
Le Chevalier et la dame de Carlo Goldoni - Mise en scène Jean-Luc Revol © Christophe Vootz

Plume acérée, enlevée, spirituelle, Goldoni s’amuse des mœurs de son temps. Avec lucidité et clairvoyance, il dissèque avec malice les travers de ses contemporains, la forfanterie sarcastique d’une aristocratie libertine, la rectitude de la bourgeoisie, la fourberie et le franc-parler des serviteurs, l’opportunisme rapace des margoulins. Croquant avec humour les différents protagonistes de cette pièce en trois actes, écrite en 1749, le dramaturge vénitien nous invite à un bal des dupes, à une bluette contrariée, à une comédie, qui certes manque un peu de souffle, mais qui a le grand mérite – ce qui est assez rare à l’époque – de faire la part belle aux femmes. 

Retour aux sources

Pour fêter les 35 ans de sa compagnie, Le TCF/Théâtre du Caramel Fou, Jean-Luc Revol renoue avec l’auteur de ses débuts et boucle le premier cycle d’une carrière foisonnante, riche de 51 spectacles – une exposition imaginée par Christophe Vootz, en retrace les grandes et belles lignes, habite le foyer de la maison de la Cutlure. De Shakespeare à Molière, en passant par Botho StraussLabiche ou encore Jean Robert-Charrier et Frédéric Chevaux, il habite le théâtre, navigue entre classique et contemporain, joue entre grandes formes spectaculaires et show plus intime et extravagant. Avec la générosité qui le caractérise, il signe une mise en scène au cordeau ingénieuse et joliment rythmée. S’appuyant sur la scénographie d’Audrey Wong et les magnifiques costumes de Pascale Bordet, il entraine le spectateur sur les bords du grand canal, le convie à pénétrer dans l’intérieur ouaté de quelques palais décrépis. Ne manque que le chant des gondoliers, pour que l’illusion soit parfaite. 

Une troupe détonante 

Pour totalement séduire et faire mouche, quelques coupes n’auraient pas été de trop. Mais c’est clairement pinaillé, car le succès de ce Goldoni oublié, nouvellement traduit par Huguette Hatem, réside surtout dans la partition des comédiens. Et tous sont excellents. Chloé Berthier est tout simplement radieuse en femme vertueuse. Ne tombant ni dans la mièvrerie, ni dans la pudibonderie, elle campe une Dona Éléonora drôle autant qu’ingénue. Face à elle, ténébreux et un peu gauche, Antoine Cholet joue avec de belles colorature, les amoureux platoniques et les fiers à bras. Olivier Breitman est flamboyant en débauché, en noble sans scrupules. Sophie Tellier, comme toujours irradiante, en courtisane charmeuse autant que gouailleuse. Cécile Camp, finement peste, drôlement vipérine. Ariane Pirie, détonante en bonne un brin godiche, mais ayant tout même pas les pieds dans le même sabot. Jean-Luc Revol impayable en méchant, en fourbe. Le reste de la distribution ne démérite pas et cela fait un bien fou de voir un si bel ouvrage mené de bout en bout de mains de maître. Bravissimo !

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Nevers 

Le Chevalier et la dame de Carlo Goldoni
Maison de la Culture de Nevers – Scène conventionnée Arts & Territoire 
2 Bd Pierre de Coubertin
58000 Nevers
Jusqu’au 8 octobre 2022
Durée 2h20 

Tournée 
les 11, 12 et 13 octobre 2022 à La Comédie de Picardie, Amiens (80)  
le 10 décembre 2022 au Théâtre de Chelles (77) 
le  15 décembre 2022 au Théâtre de Beaune (21) 
le  12 janvier 2023 au Théâtre de Soissons (02)
le 19 janvier 2023 au  Grrranit, Scène Nationale de Belfort (90) 
le  21 janvier 2023 à La Grande Scène, Le Chesnay (78)  
le 24 janvier 2023 à Maison des Arts du Léman, Thonon-les-Bains (74)
le  28 février 2023 aux Scènes du Jura,  Lons-le-Saunier (39) 
le 13 avril 2023 au Théâtre de Vernon (27)


Nouvelle traduction d’Huguette Hatem, éditée à L’avant-scène théâtre.
Mise en scène de  Jean-Luc Revol assisté de Sébastien Fevre
avec Chloé Berthier, Olivier Breitman, Cécile Camp, Jean-Marie Cornille, Frédéric Chevaux, Antoine Cholet, Aurélien Houver, Ariane Pirie, Jean-Luc Revol, Vincent Talon et Sophie Tellier
Scénographie et décors d’Audrey Vuong
Costumes de Pascale Bordet
Lumières de Bertrand Couderc
Création sonore de Bernard Vallery

Crédit photos © Christophe Vootz

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