Désir, Terre et Sang, Les Baladins du Miroir © Pierre Bolle

Les Baladins du Miroir sillonnent les routes avec Lorca dans le rétroviseur

Du 9 au 21 juillet 2022, le festival Villeneuve en Scène accueille Désir, Terre et Sang, spectacle en forme de collage autour de Lorca. Nous avions vu la pièce en Belgique, dans la patrie de cette troupe itinérante qui sillonne le territoire francophone en roulotte depuis quarante ans.

Désir, Terre et Sang, Les Baladins du Miroir © Pierre Bolle

Du 9 au 21 juillet 2022, le festival Villeneuve en Scène accueille Désir, Terre et Sang, spectacle en forme de collage autour de Lorca. Nous avions vu la pièce en Belgique, dans la patrie de cette troupe itinérante qui sillonne le territoire francophone en roulotte depuis quarante ans.

Sur les bords de la Meuse, aussi près de Liège que de Maastricht, la ville de Visé offre l’hospitalité à une troupe de théâtre pas comme les autres. Les Baladins du Miroir, compagnie belge de théâtre itinérant, fonctionne comme des circassiens. Enfin pas tout à fait : « Nous ne sommes pas gitans, nous ne sommes pas des vrais nomades, parce que les nomades n’ont pas de port d’attache. »

Eux en ont un, le Stampia, un domaine de sept hectares situé à Jodoigne, en Wallonie, où la compagnie a emménagé en 2015. Mais il ne faut pas s’y méprendre, ces gens de théâtre passent le plus clair de leur temps en roulotte, à arpenter les routes de France et d’Europe pour donner des spectacles de leur cru ou élaborés en collaboration avec des artistes venus d’ailleurs.

Désir, Terre et Sang, Les Baladins du Miroir © Pierre Bolle
Sol rond comme une arène

Ce soir-là, à Visé, la foule se presse autour du chapiteau pour voir Désir, Terre et Sang, une pièce imaginée par la metteuse en scène invitée Dominique Serron, sorte de collage élaboré à partir de la trilogie rurale composée par Yerma, les Noces de sang et La Maison de Bernarda Alba. Cette mise en scène se tisse autour de la peinture de l’Espagne profonde et traditionnelle chère à Lorca, dans laquelle les femmes sont contraintes de tenir ce rôle très catholique de martyres, dans l’amour et dans la mort. Les rôles ne cessent de s’échanger, des filles d’Alba à la Novia et aux multiples itérations de Yerma — ce dernier personnage étant décuplé sur scène, incarné de manière chorale par la quasi-dizaine de comédiennes comme une ribambelle spectrale.

Il faut attendre la seconde partie du spectacle pour que cette toile émotionnelle trouve sa densité. On jurerait alors que du sang espagnol coule dans les veines de ces Belges. Quelque chose brûle dans les voix, dans les visages, dans la façon dont ils donnent corps à ces existences enracinées et insulaires, corsetées par les tabous, les traditions et les croyances. Sous ce chapiteau, sur ce sol rond comme une arène, au gré d’une scénographie simple mais évocatrice pensée par Laure Hassel avec les artistes vidéo de Drop The Spoon et au rythme des compositions musicales de Line Adam naît une intensité tellurique, inséparable de l’esprit du poète né en 1898 à Fuente Vaqueros, près de Grenade.

Lorca en miroir
Désir, Terre et Sang, Les Baladins du Miroir © Pierre Bolle

Les obsessions de l’écrivain ainsi mises à nu rejoignent sa propre biographie, évoquée dans les interstices de la fiction. Le destin sombre et sanglant qui unit les trois pièces est le même qui attend Lorca, pourtant au zénith de sa vie d’artiste, lui qui fut assassiné en 1936 par les franquistes. Désir, terre est sang offre au dramaturge ibérique un hommage respectueux de part en part, qui sait faire coexister une indignation intacte vis-à-vis de son assassinat et une évocation amoureuse de sa vie.

Au cours du spectacle, nous voyons des images de la Barraca, la compagnie de théâtre itinérant de Lorca, qui parcourait les routes d’Espagne pour faire découvrir le théâtre et les classiques de son pays jusque dans les coins reculés et les petits villages. Pas de doute, l’auteur a bien quelque chose à voir avec les Baladins du Miroir, cette troupe généreuse et voyageuse qui fait entendre ses mots de l’est de la Belgique jusqu’au sud de la France.

Samuel Gleyze-Esteban – Envoyé Spécial à Visé (Belgique)

Désir, Terre et Sang des Baladins du Miroir, d’après Federico Garcia Lorca
Villeneuve en Scène
Festival Off Avignon
2 rue de la République
30400 Villeneuve lez Avignon

Du 9 au 21 juillet 2022 à 21h30
Relâche le 15 juillet
Durée 2h30 avec entracte

Texte : Federico García Lorca
Adaptation et mise en scène : Dominique Serron
Assistanat à la mise en scène : Léopold Terlinden, Elfée Dursen
Composition et direction musicale : Line Adam
Percussions (en alternance) : Gauthier Lisein, Hugo Adam
Piano : Line Adam
Violon (en alternance) : Aurélie Goudaer, Juliette Tracewski
Enregistrements et bruitages : Colin Burton
Création lumières : Xavier Lauwers
Régie lumière : Ananda Murinni
Régie vidéo et son : Antoine Van Rolleghem
Régie plateau : Simon Gélard, Geneviève Knoops, Marie Nils
Scénographie et réalisation des films : Laure Hassel
Assistanat à la scénographie : Noémie Warion
Direction technique : Xavier Decoux
Coordination technique : Abdel El Asri
Réalisation des décors : Xavier Decoux / Baladins du Miroir
Création vidéo : Jean-Luc Gason / Drop The Spoon
Création des costumes : Christine Mobers
Réalisation des costumes : Marie Nils avec l’aide de Sylvie Van Loo, Isabelle Airaud, Julie Beca, Laure Noremberg
Création maquillage : Julie Serron

Avec Stéphanie Coppé, Monique Gelders, Geneviève Knoops, François Houart, Sophie Lajoie, Virginie Pierre et en alternance Irène Berruyer, Léonard Berthet-Rivière, Andreas Christou, Merlin Delens, Elfée Dursen, Aurélie Goudaer, Florence Guillaume, Gaspar Leclère, Léopold Terlinden, Juliette Tracewski, Julien Vanbreuseghem, Coline Zimmer

Crédit photos © Pierre Bolle

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