Exécuteur 14, Tatiana Vialle © Giovanni Cittadini Cesi

Swann Arlaud, terrible et intense Exécuteur 14

Exécuteur 14 d'Adel Hakim, mis en scène par Tatiana Vialle, s'est invité dans le très vivant Théâtre 14, servi par l'interprétation de son comédien principal.

Créé au Théâtre du Rond-Point en 2020, Exécuteur 14 d’Adel Hakim, mis en scène par Tatiana Vialle, s’est invité dans le très vivant Théâtre 14. Écrit en 1991, ce monologue sombre et désolé, qui explore le chemin de la violence guerrière dans l’esprit d’un jeune homme, est servi par la belle interprétation de Swann Arlaud.

Exécuteur 14 tourne tout entier autour de Swann Arlaud, ce corps incandescent qui débarque du haut d’un échafaudage au début de la pièce, déjà en alerte. Ce protagoniste n’a pas de nom. Il est un combattant du commun précipité dans un combat qui le dépasse, mais dont il est devenu l’un des acteurs, à son corps défendant. Sur scène, un paysage austère composé de quelques restes de structure urbaine laissés à l’abandon. Des tags inscrivent sur les murs la mémoire de l’intervention humaine sur ce territoire désolé.

Métamorphose

Nous sommes dans une nation sans nom, enracinée dans le Liban où a grandi l’auteur, Adel Hakim. Le protagoniste est le seul survivant de la guerre qui a déchiré le pays. Dans un temps futuriste donné par une novlangue anglicisée, il évoque l’affrontement entre Adamites et Zélites, communautés religieuses imaginaires rappelant à distance le tissage multiconfessionnel du pays du Cèdre, et comment cette guerre l’a métamorphosé. D’enfant au cœur pur, incapable de faire du mal à une mouche, il devient ce monstre d’exécuteur adamite, gagnant par la violence sa place auprès de son dieu, le « Grand conciliateur ».

Exécuteur 14 est une auscultation minutieuse du chemin de l’idéologie guerrière dans le corps, des désaccords religieux qui l’autorisent à poindre jusqu’aux voies pernicieuses qu’elle prend pour régir l’être tout entier d’un jeune innocent. Tout à la fois acéré et imagé, le langage y est avant tout utilisé comme un système, s’emparant du jeune guerrier jusqu’à l’enfermer dans son canevas génocidaire.

Une parabole intemporelle

Entre hallucination et souvenir brûlant, ce monologue est accompagné par une composition sonore live à peine suggestive du percussionniste Mahut. Celui qui fut le compagnon de route de Jacques Higelin manie des sonorités industrielles qui contribuent, avec les très belles lumières de Christian Pinaud, à composer un univers de science-fiction métallique et froid.

Dirigé par sa propre mère, la metteuse en scène Tatiana Vialle, Swann Arlaud fait revivre ce personnage qui l’avait captivé plus jeune, lorsqu’il l’avait découvert au théâtre d’Ivry, sous les traits de Jean-Quentin Châtelain, dans la mise en scène d’Adel Hakim. Cette reprise a donc quelque chose d’une passation, et réaffirme l’intemporalité de la parabole. Arlaud, sa silhouette juvénile en même temps que son expression profonde et intense, donnent parfaitement corps à ce personnage, sa nervosité traumatique et son verbe adolescent. Le dramaturge regretté, décédé en 2017, aurait pu l’avoir écrit pour lui.

Samuel Gleyze-Esteban

Exécuteur 14 d’Adel Hakim
Théâtre 14
20 Av. Marc Sangnier
75014 Paris

Mise en scène Tatiana Vialle
Lumières Christian Pinaud
Scénographie Chantal de la Coste
Avec Swann Arlaud et Mahut

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