Pascale Daniel-Lacombe © Ophélie Bisset

Pascale Daniel-Lacombe prend le Méta par les cornes

À Poitiers, Pascale Daniel-Lacombe, nouvelle directrice du Méta- CDN de Poitiers Nouvelle Aquitaine, refond l’institution.

À Poitiers, la nouvelle directrice du Méta- CDN de Poitiers Nouvelle Aquitaine refond l’institution créée en 1985 et devenue en 2012 centre national dramatique, lui donne une dimension régionale et suis le chemin de ses prédécesseurs en tissant d’étroits liens avec ses partenaires locaux. Rencontre avec une artiste de tête et de cœur. 

Comment appréhende-t-on le seul CDN régional qui n’a pas de lieu ? 

Le Méta © Le Méta

Pascale Daniel-Lacombe : En effet, le projet doit s’adapter à la spécificité de cette institution, ne pas avoir sa propre salle, son propre lieu de création, de diffusion. C’est original, autant que contraignant. Cela oblige à s’adapter, à ne jamais se reposer, à toujours innover. C’est aussi ce qui fait le charme de ce CDN. Ayant travaillé vingt ans en compagnie, ce sont des problématiques auxquelles je suis habituée. Avec le Théâtre du Rivage, basé à Saint-Jean-de-Luz, nous menions déjà beaucoup d’activités et d’actions sur le territoire. Alors faire rayonner l’art vivant, l’emmener dans les endroits insolites, aller à la rencontre de nouveaux publics, ce sont des choses que je connais bien. Il y avait donc dans ma démarche de postuler, quelque chose de l’ordre de la continuité, comme une suite logique à mon parcours en Nouvelle Aquitaine. Très vite, et c’est d’ailleurs l’essence du projet, l’idée de développer le CDN à l’échelle de cette grande région, de lui permettre de s’implanter, de vasculariser les réseaux culturels de Poitiers à Bayonne s’est imposée. N’étant pas contrainte par un outil lourd de programmation, cela permet de faire un travail sur le long terme au plus près des gens. Cela me plait et fait la force de cet outil. 

Du coup, une fois cette singularité prise en compte, quel type de projet peut-on y défendre ? 

Pascale Daniel-Lacombe : Je crois que le plus important, comme je vous le disais, c’est de s’adapter. Il faut en permanence réinterroger la vocation du lieu, ses missions. Il faut penser un projet dans sa globalité, dans ses interactions avec le tissu culturel de tout le territoire., redéfinir les coopérations et les collaborations. Je suis arrivée, il y a un an à Poitiers. Et avant moi, les deux directions –Claire Lasne et Yves Beaunesne – avaient chacune pris des sens opposées. Je m’inscris plutôt dans un projet qui se situerait entre les deux, à la fois itinérant et s’appuyant sur les structures du territoire national et régional pour mieux asseoir le CDN, lui donner une visibilité à toutes les échelles. Par ailleurs, je souhaite permettre aux nouvelles générations de s’emparer de cette institution poitevine. Il faut savoir qu’à Poitiers, il y a quand même un habitant sur cinq qui est étudiant. C’est donc vital, que les jeunes générations soient la clé de voûte de mon projet.

Vous n’avez, à Poitiers, que des locaux administratifs…

Stallone d’après le roman d’Emmanuèle Bernheim
Spectacle imaginé par Fabien Gorgeart & Clotilde Hesme © © Huma Rosentalski

Pascale Daniel-Lacombe : Oui, nous avons un lieu, mais où il n’est absolument pas possible d’accueillir du public. Les normes de sécurité ne nous le permettent pas. Par contre, nous avons au sein de nos bureaux, un espace de travail, qui peut de temps à autres des artistes en résidence. Mais, il ne peut s’agir que de formes légères avec un besoin très limité en technique. En temps normal, ce ne peut être un lieu fédérateur, un lieu d’échange, de rencontre entre les artistes. C’est un des écueils du fait de ne pas avoir de salles. On perd en lisibilité et visibilité. Il était donc important d’imaginer un projet qui redonne au CDN sa place dans le paysage théâtral de la Nouvelle Aquitaine. 

Malgré tout vous avez une mission de programmation ? 

Pascale Daniel-Lacombe : oui, comme tous les CDN, mais elle est complémentaire. Nous ne pouvons pas avoir un spectacle toutes les semaines. L’idée est de mettre en place des co-acceuils, des coréalisations, de mettre un place un vrai maillage avec les théâtres, les salles de spectacles. C’est à la fois une force et une fragilité. Il était donc important de réfléchir à un projet sur mesure, de l’ajuster à l’outil. C’est de ces réflexions qu’est nait l’idée d’organiser une saison en quatre temps forts. 

C’est-à-dire?

Wild Minds de Marcus Lindeen et Marianne Ségol-Samoy © Maya Legros

Pascale Daniel-Lacombe : Avant tout, nous avons fait le choix de changer le nom du CDN, de le rendre identifiable, de lui construire une nouvelle identité, de déclarer son indépendance. En le baptisant, du nom d’un préfixe – Méta – , qui en grec signifie au-delà ou avec, il y avait la notion de complémentarité, d’inscrire cette force, cette particularité dans son ADN. Il était aussi nécessaire de le situer dans l’espace, de le rattacher à nouveau à sa ville, Poitiers, ainsi qu’à sa région, Nouvelle Aquitaine. Ainsi, nous lui avons redonné une dimension géographique. Par ailleurs, j’ai aussi souhaité que le lieu soit associé à un grand nombre d’artistes afin que son identité patrimoniale dépasse les murs, pour être incarnée par des compagnies, des gens de chair, de sang. Nous avons fait aussi le choix d’ouvrir le projet à d’autres disciplines, d’autres arts vivants, de dépasser les frontières en accueillant des compagnies régionales comme internationales, de faire la part belle à l’émergence, d’aider au développement d’écritures contemporaines. Je suis particulièrement intéressée par des formes hybrides qui questionnnent l’art, le théâtre, etc. Ainsi, grâce à ce projet, nous espèrerons réaffirmer la mission première du CDN, qui est, avant tout, maison de production et centre de création. 

Comment se sont installés ces quatre temps qui rythme la saison du Méta ? 

Pascale Daniel-Lacombe : on s’est tout simplement demandé qu’elle était la temporalité du CDN et comment elle s’inscrivait dans la vie culturelle de son bassin de vie. Rapidement, la notion de saisons est apparue comme une évidence. Étant un peu comme un bernard-l’hermite du théâtre, s’installant chez les uns chez les autres, il fallait aussi trouver le petit plus qui permettrait de nous rendre visible. À partir de là, nous avons commencé à imaginer quatre temps. Et puis, nous avons décidé de passer au concret, de tester, d’explorer, d’observer comment le public réagit. Le covid a pas mal perturbé nos initiatives, notamment toute la partie conviviale des temps forts. Mais, les spectateurs sont là, curieux, avides de découvertes. A l’automne dernier, nous avions pu installer un grand chapiteau sur la place de la Mairie. C’était un lieu fédérateur où se rassemblaient artistes, habitants, spectateurs, spectatrices, etc. il y avait de vrais moments de partages, que nous n’avons pas pu renouveler cet hiver. 

Les temps forts resteront ancrés autour de Poitiers ? 

Fiers et Tremblants de Marc Nammour et Loïc Lantoine. © Cyrille Choupas

Pascale Daniel-Lacombe : Dans un premier temps, oui. Je viens des bords de mer. Je connais bien la vie des marins. Pour bien s’implanter, il fait partir d’un point d’amarrage, s’ancrer dans un territoire avant d’explorer les zones plus lointaines. Pour l’instant, nous rayonnons dans les environs de Poitiers. Nous verrons après comment grandir. Afin que le CDN retrouve une implantation locale et régionale, j’ai rencontré beaucoup de compagnies locales, de lieux. Nous travaillons en bonne intelligence avec le TAP, la scène nationale de Poitiers, mais aussi avec les maisons de quartier de la ville. C’était une vraie volonté des deux maires précédents de mettre en place des structures pour accueillir du spectacle vivant sur le territoire, ainsi chaque maison de quartier possède sa propre salle. On a d’ailleurs, une convention avec l’une d’entre elles, qui nous alloue dix semaines par an sa salle, pour des résidences et des représentations. En arrivant à la tête du Méta, j’ai vraiment voulu repenser les collaborations, renouer avec certaines structures et réaffirmer la présence du CDN sur tout le territoire. Nous allons d’ailleurs en mars nous installer durant un mois à la Méca de Bordeaux. 

Y-aura-t-il à terme un lieu dédié ? 

Pascale Daniel-Lacombe : cela fait en effet partie de mes projets. Quand je suis arrivée, j’ai tout de suite alerté mes tutelles. Il ne faut pas confondre, l’idée de ne pas avoir de lieux de diffusion dédiés et ne pas avoir d’assises sur le territoire ou de lieux d’échanges avec un bassin de vie. Une des missions d’un CDN, est d’organiser la rencontre entre l’art et la population des alentours. Pour cela, il faut un lieu d’accueil, un endroit où l’on puisse convier les gens, installer un dialogue. Ayant placé ma mandature sous l’étendard de la vulnérabilité du monde, j’ai aussitôt mis en avant la vulnérabilité de l’institution. L’objectif n’est pas de perdre notre singularité, mais d’en faire une force, de l’accompagner avec un lieu, un bâtiment éphémère, qui permettrait d’installer le Méta dans le paysage poitevin. À cette fin, nous avons fait l’acquisition du théâtre éphémère qui a servi au Théâtre de Château Rouge d’Annemasse pendant ses travaux de rénovation. La bâtisse a besoin d’un terrain viabilisé pour être installée, il n’est pas question de théâtre itinérant et de chapiteau. Cela reste une solution transitoire, qui va permettre de déployer tout un processus créatif, permettre d’accueillir dans de meilleures conditions les artistes, d’avoir un vrai lieu de résidence. 

Vous êtes metteuse en scène. Avez-vous eu le temps de penser à votre prochaine création ? 

les rencontres d'Hiver du Méta

Pascale Daniel-Lacombe : il est vrai qu’avec la réorganisation du lieu, j’ai peu de temps. Du coup, c’est une question que je me pose tous les jours. Est-ce que j’ai vraiment le temps ? Quoi qu’il en soit, il va bien falloir que je le trouve parce que je suis évidemment mandatée pour créer. Dans un premier temps, j’ai profité des premiers temps forts pour me présenter, ainsi que mon travail. J’ai monté deux pièces de mon répertoire pendant les rencontres d’octobre afin de permettre aux gens de faire connaissance artistiquement avec moi. Maintenant, je réfléchis à la suite. J’ai des pistes, des idées, mais je préfère pour l’instant en garder encore la surprise. En tout cas, cela aura forcément un écho avec la période, ce que l’on vient de traverser et que l’on traverse toujours.

Propos recueillis par olivier Frégaville-Gratian d’Amore

Le Méta
Centre Dramatique National Poitiers Nouvelle-Aquitaine
66 boulevard Pont-Achard
86000 Poitiers

Crédit photos © Ophélie Bisset, © le Méta, © Huma Rosentalski et © Cyrille Choupas

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