Hilda de Marie NDiaye. Mise en scène d'Élisabeth Chailloux. Nathalie Dessay ©Jean-Louis Fernandez

Natalie Dessay, reine de la maison chez Marie NDiaye

Au Théâtre National de Strasbourg, Elisabeth Chailloux met en scène, avec intensité Natalie Dessay, dans Hilda de Marie NDiaye.

Au Théâtre National de Strasbourg, Elisabeth Chailloux met en scène, avec intensité, Hilda de Marie NDiaye. Dans ce drame portant sur le rapport dominant-dominé, Natalie Dessay confirme sa force dramatique et nous captive.

On ne sort pas indemne de ce spectacle qui glace les sangs et bouleverse notre vision des relations humaines. Marie NDiaye, autrice associée au TNS, a écrit ce texte en 1999. On aurait aimé pouvoir dire que c’était au siècle dernier et qu’aujourd’hui, tout ce qu’elle aborde dans sa pièce, appartient au passé, à l’Histoire ! Au contraire, à la lueur de notre nouvelle société et des événements qui l’ont secouée, Hilda prend des résonances encore plus fortes, encore plus terrifiantes. C’est pour cette raison, entre autres, qu’Elisabeth Chailloux, qui avait monté la pièce en 2007, la recrée aujourd’hui.

Du rire aux larmes

Hilda de Marie NDiaye. Mise en scène d'Élisabeth Chailloux. Nathalie Dessay ©Jean-Louis Fernandez

La pièce démarre comme une comédie avec une bourgeoise que l’on pourrait qualifier de bien barrée à défaut de fofolle ! Madame Lemarchand, provinciale nantie mais de gauche, cherche, non pas une bonne, mais une amie-employée qui s’occupera de tout ce qu’elle ne peut faire. C’est-à-dire de la maison, des enfants et d’elle-même. On lui a parlé d’une fille bien propre sur elle qui porte le beau prénom d’Hilda. On pourrait en rire, mais le premier malaise s’installe. Car Madame Lemarchand tend son piège. Durant les six scènes de la pièce, on assiste à une descente aux enfers. Celle du mari, qui après quelques vains sursauts de révolte, se résigne, abandonnant sa femme à son sort. Celle d’Hilda, devenue esclave qui s’étiole et se fane. Celle de Madame Lemarchand qui, face aux échecs, tombe dans la démence hystérique. 

L’invisible apparent

Le personnage principal, Hilda, on ne le verra jamais physiquement, mais uniquement à travers le regard des autres. Toute la force de l’écriture de Marie NDiaye est que cette Invisible se matérialise dans notre imaginaire. Nous sommes en empathie, suivant sa résistance et son renoncement. Elle va subir le joug de Madame, jusqu’à ne plus voir ses propres enfants, ne plus avoir de vie. Et contrairement aux Bonnes de Genet, elle ne tuera point, mais s’effacera du monde des vivants. Que pouvait-elle faire ? On lui a enlevé le droit de penser, d’exister et de vivre. 

Impressionnante Nathalie Dessay

Hilda de Marie NDiaye. Mise en scène d'Élisabeth Chailloux. Nathalie Dessay ©Jean-Louis Fernandez

Madame, femme autoritaire, riche et perverse, prête à tout pour conquérir l’objet de sa convoitise, est un personnage qui passe par toutes les couleurs des sentiments. Son texte est écrit par l’autrice comme une partition, où chaque silence, ponctuation et césure comptent. Sans jamais aller à la caricature et à l’excès, jouant avec justesse chaque note, chaque émotion, n’ayant peur d’aborder l’aspect sexuel des désirs de son personnage, Natalie Dessay est exceptionnelle. Sans l’excuser, elle en montre également les failles, celle d’une immense solitude, d’un manque d’amour qui doit dater de son enfance. Elle ne sait aimer et être aimer, ce qui l’amène à la folie ! « J’ai besoin d’Hilda, pour affronter la longueur des jours, pour sourire à mes enfants et résister au désir de nous faire tous passer de l’autre côté.« 

Une mise en scène sans concession

Dans le rôle du mari d’Hilda, celui que Madame doit convaincre, celui que la précarité des fins de mois difficiles va lui faire perdre sa femme, Gauthier Baillot en impose. Jouant de son corps et de ses regards d’homme perdu, sa précision de son jeu est remarquable. Lucile Jégou est d’une droiture qui sied au personnage de Corinne, la sœur d’Hilda, celle qui ne se laisse pas intimider, sait dire non. Dans une superbe scénographie d’Yves Collet et Léo GarnierElisabeth Chailloux signent une mise en scène d’une grande intelligence qui éclaire la pièce « coup de poing » de Marie NDiaye.

Marie-Céline Nivière – Envoyée spéciale à Strasbourg

Hilda de Marie NDiaye
Théâtre National de Strasbourg

1 avenue de Marseille 67000 Strasbourg 
Du 7 au 17 octobre
Du mardi au samedi 20h, dimanche à 16h
Durée 1h30

Tournée 21-22 
Du 20 au 30 octobre 2021 aux Plateaux Sauvages, Paris
Du 1er au 3 février 2022 à la Comédie de Caen
Du 16 au 20 février 2022 au Théâtre des Quartiers d’Ivry
Le 8 mars 2022 au Châteauvallon-Liberté, Toulon

Mise en scène d’Elisabeth Chailloux assistée de Lucile Jégou
Avec Gauthier Baillot, Natalie Dessay, Lucile Jégou
Scénographie et lumière d’Yves Collet Léo Garnier 
Son de Madame Miniature
Costumes de Dominique Rocher
Vidéo de Michaël Dusautoy 

Crédit photos © Jean-Louis Fernandez

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