Sylvain Huc © Loran Chourrau

Sylvain Huc, jusqu’au bout de la Nuit

Dans le cadre de Montpellier Danse, Sylvain Huc explore la nuit, ses zones d'ombres, ses territoires obscurs.

Étudiant le corps humain de manière anthropologique, Sylvain Huc impose au fil de ses créations, une écriture organique, plastique autant que tellurique. Travaillant au plus près de la chair, du muscle, le chorégraphe basé à Toulouse, explore dans sa dernière pièce, créée dans le cadre de la 41e édition de Montpellier Danse, les confins de la nuit, ses territoires obscurs, ses zones d’ombres.  

Votre prochaine création s’intitule Nuit. Qu’y abordez-vous ?
Nuit de Sylvain Huc. Montpellier Danse. © Le Petit Cowboy

Sylvain Huc : Rapidement. J’ai voulu prolonger mes explorations autour du temps. J’ai toujours vu la nuit comme un endroit où tout change. Le temps n’a pas la même valeur. Il a une dimension particulière. J’avais donc envie d’amener le spectateur, de lui permettre d’explorer une autre temporalité. Dans le noir, l’obscurité ou la pénombre, tout semble suspendu, étiré, absorbé, tellement différent de ce qu’il est en pleine lumière. Mon propos n’est pas de reconstituer une nuit, mais bien de l’expérimenter, de s’y confronter, de se laisser happer parce ce qu’elle a d’étrange, de pénétrant. Je ne souhaitais pas reproduire sur scène, les pratiques sociales nocturnes, telle que le clubbing, ou la fête, mais bien d’aller vers le perceptif, le sensoriel. Dans ce temps que je qualifierais de désœuvrement, les corps se soustraient à des usages strictement économiques, communicationnels, productifs.

Est-ce que le confinement a influencé votre écriture, votre vision de la nuit ?
Nuit de Sylvain Huc. Montpellier Danse. © Loran Chourrau

Sylvain Huc : Cela n’a pas modifié ma perception de la nuit, bien au contraire. J’y ai plutôt perçu comme une confirmation de ce que je subodorais, la nuit est un enjeu d’aujourd’hui. Avoir été enfermé, ou empêché de vivre l’expérience de la nuit lors du couvre-feu, n’a pas bouleversé, ni redéfini le projet, le regard que je portais sur ce temps-là, sur le travail du corps. Cela m’a juste montré une voie encore plus surlignée de ce que représente aujourd’hui cette période qui s’étend du coucher jusqu’au lever du soleil. C’est un temps dont on a été privé et que l’on doit réinvestir. C’est pour moi une thématique contemporaine, brûlante. Il est donc important après ce que l’on vient de vivre de réinventer des usages du corps , différents de Métro- boulot-dodo. Je réalise à quel point il est primordial de préserver ces temps inutiles, ces temps de désœuvrement, totalement indispensables à nos équilibres.

Qu’est-ce qui vous a inspiré ?

Sylvain Huc : La nuit, c’est peut-être d’abord la nuit des temps. Cette chose immémoriale, originelle, archaïque. C’est l’opacité fondamentale de cette expérience nocturne que j’ai pu faire seul, et à quelques reprises qui m’obsèdent. Cette expérience est aussi celle du corps qui nous est toujours et à jamais inaccessible. Mes premières inspirations sont donc des sensations. Celles que j’ai pu éprouver dans mon propre corps sans les comprendre réellement. J’aime ces blocs de sensation, ces masses sensibles que j’ai pu traverser la nuit. On peut y fuir une hypervisibilité de ce monde et y préserver la possibilité d’une expérience et non d’un savoir.

Et comment avez-vous travaillé avec vos danseurs ?
Nuit de Sylvain Huc © Loran Chourrau

Sylvain Huc : Comme dans toutes mes créations, j’ai fini par établir une « pratique » avec eux. Pour Nuit, nous avons travaillé avant tout à nous connecter à des sensations physiques et à développer un imaginaire lié aux organes, à la peau, aux fascias et surtout à tout ce qui pouvait relier leurs trois corps. Je voulais que, qu’elle qu’en soit la forme, ces trois corps partagent un même milieu, un environnement identique, un même liquide dans lequel ils baignent. Nous sommes partis de chose assez minimes, des micros mouvements à l’intérieur du corps qui sont devenus un socle pour trouver de l’ampleur et de l’espace. Chacun a également pu développer une physicalité propre. Nous avons aussi travaillé individuellement avec Mathilde, Lucas et Gwendal à faire émerger et inventer un corps. Tout cela forge la matière, l’épaisseur, la consistance du travail.

Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

Nuit de Sylvain Huc 
Montpellier Danse 
Théâtre de la Vignette
Université Paul-Valéry Montpellier 3
Avenue du Val de Montferrand
34000 Montpellier

Cie Sylvain Huc
Conception et chorégraphie de Sylvain Huc
Interprétation – Lucas Bassereau, Mathilde Olivares, Gwendal Raymond
Conseiller artistique et chorégraphique – Thiago Granato
Assistants – Loran Chourrau, Mathilde Olivares
Lumières :de Fabrice Planquette, Manfred Armand
Œil – Pascale Bongiovanni
Univers sonore – Fabrice Planquette 
Costumes de Lucie Patarozzi
Régie générale – Manfred Armand

Crédit photos © Loran Chourrau et © Le Petit Cowboy

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